Jeudi 15 juillet 1875

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1875-07-15 pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-07-15 pages 2-3.jpg


Paris le 15 Juillet 1875.

Mon petit Papa chéri.

C’est bien mal à moi de ne pas t’avoir écrit hier aussi je t’en demande mille pardons. Emilie[1] a reçu hier matin ta lettre qui je t’assure nous a fait grand plaisir à toutes les deux, quel bonheur ! nous allons donc bientôt nous revoir il y a si longtemps que tu es parti.

Notre dernière lettre est je crois partie Lundi mais elle avait été écrite Dimanche j’ai donc le journal de plusieurs jours à te raconter sans pour cela avoir beaucoup de nouvelles remarquables à t’apprendre. Emilie te disait dans sa lettre que nous devions aller passer notre après-midi à Sceaux mais ce projet a été dérangé par un mot de Mme Arnould[2] qui disait que sa fille Lucy Biver[3] ne serait pas là ; nous avons donc remplacé ce petit voyage par une série de courses et d’emplettes, pots à confiture, tapisserie, chapeaux & ce qui a employé une grande partie de notre journée. Mardi dès le matin nous nous sommes mises à éplucher des groseilles ce qui je t’assure n’a pas été une petite affaire car il y avait 40 livres de fruit ce qui réuni à 40 livres de sucre a donné 80 livres de confiture tu vois que cela peut compter et que nous allons pouvoir nous régaler cet hiver. Il est vrai que tante[4] a fait en même temps toutes celles de Mme Dumas[5]. Je ne sais si nous t’avons dit que cette dernière est à Paris depuis une huitaine de jours et que M. Dumas continue à bien aller. Quant à Jean[6] il ne reviendra pas à Paris et son oncle[7] nous l’amènera à Bayeux. Mais je reprends mon Mardi. Nos opérations culinaires ont duré jusqu’à 4h c’est Emilie et moi qui avons pesé une partie des fruits et du sucre et qui avons tout mis en pot.

A 4h nous avons été prendre Jeanne Brongniart et nous avons fait ensemble 2 bonnes parties de croquet.

Hier Mercredi j’ai eu le matin Mlle Duponchel[8] puis après le déjeuner au lieu de t’écrire j’ai un peu erré dans la maison je me suis habillée et il était l’heure de partir. Mon cours a été très intéressant chacune de ces demoiselles est venue nous donner et nous expliquer nos devoirs de vacances et je t’assure qu’elles ont toutes été fort généreuses aussi je compte en retrancher une partie, je crois que ce cours sera parfaitement fait et très intéressant je me réjouis énormément pour l’hiver prochain.

Nous n’avons eu fini qu’à 4h et malgré une pluie fine qui commençait nous avons été au bain froid avec Marie Flandrin qui s’en réjouissait autant que nous. L’eau était exquise seulement j’ai trouvé le courant extrêmement dur à remonter et je n’ai pu arriver à remonter tout le bain ce que je faisais sans aucune peine l’année dernière. Nous n’étions ici qu’à 6h et Mme Flandrin[9] était déjà là pour chercher Marie.

Ce matin il fait un temps atroce et il pleut sans interruption. Tu comprends le désespoir de ce pauvre oncle[10] qui avait annoncé et qui devait faire à 11h une conférence dans la ménagerie[11]. Il y est allé pourtant et il rentre à l’instant trempé jusqu’aux os mais pas trop mécontent cependant car il avait eu, contre toutes ses prévisions, une vingtaine de personnes.

C’est aujourd’hui aussi que nous devions aller à Sceaux mais je pense bien que la pluie ne va pas nous en empêcher. Nous t’avons probablement dit que nous attendions Hortense[12] Samedi pour quelques jours mais une lettre reçue ce matin nous dit qu’elle ne viendra que Mercredi c’est donc partie un peu remise.

Avez-vous là-bas aussi mauvais temps qu’ici ? c’est vraiment bien ennuyeux cette pluie continuelle en été.

A revoir mon bon petit père je ne vois plus rien d’ à te dire si ce n’est que je t’aime beaucoup ; je t’embrasse donc de toutes mes forces et te prie de faire toutes mes amitiés à bon-papa et à bonne-maman[13].

Ta fille qui t’aime énormément

Marie Mertzdorff


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
  3. Lucy Arnould, épouse d’Alfred Biver.
  4. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  5. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  6. Jean Dumas.
  7. Hervé Mangon.
  8. Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.
  9. Aline Desgoffe, épouse de Paul Flandrin.
  10. Alphonse Milne-Edwards.
  11. La ménagerie du Jardin des Plantes.
  12. Hortense Duval.
  13. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 15 juillet 1875. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_15_juillet_1875&oldid=42461 (accédée le 15 novembre 2024).

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