Samedi 14 juillet 1877

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1877-07-14 pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-07-14 pages 2-3.jpg


Paris le 1[4] Juillet 1877.

Mon Père chéri,

C’est Emilie[1] qui veut et qui doit t’écrire aujourd’hui mais comme je prévois bien qu’elle n’en aura pas le temps je viens te faire une petite visite en son nom ; c’est pas toujours la même chose n’est-ce pas ? et je puis t’assurer sans même le lui demander qu’elle aimerait bien mieux causer avec toi que de raconter le traité de Verdun ce qu’elle fait en ce moment avec un grand acharnement ; acharnement motivé par le jour et par l’heure ; c’est aujourd’hui Samedi, il est 9h 25 minutes et Mlle Bosvy[2] vient à 10h aussi je me figure que je prendrai la leçon la première. J’ai été très matinale ce matin tu vois qu’il est encore d’assez bonne heure et j’ai déjà fait mes deux heures de piano. Nous sommes enchantées de ce que tu nous annonces au sujet du piano de tante Marie[3] nous allons donc pouvoir jouer notre fameux morceau ! encore faut-il que les pianos ne soient pas trop loin l’un de l’autre sans quoi l’affaire serait de nouveau manquée, nous avons bien 2 pianos ici mais il faudrait un système très compliqué de tubes acoustiques pour pouvoir s’en servir ensemble.

Je voudrais bien te raconter notre journée d’hier mais cela m’est assez difficile car nous n’avons rien fait du tout ; nous ne sommes pas sorties si ce n’est après le dîner dans la ménagerie, nous avons pas mal travaillé, piano, dessin &

Jeudi je t’ai quitté pour aller au cours de beaux-arts. Nous avons retrouvé tante[4] chez Mme Dumas[5] qui va mieux mais cependant mange à peine et ne se lève pas encore ; nous avons été de là au musée de Cluny où nous avons retrouvé Mlle Magdelaine[6] et cette fois le cours était tellement réduit qu’il n’y avait plus qu’une élève qui était moi ; aussi m’a-t-on interrogée tout le temps et malheureusement mes réponses tombaient à côté de la vérité avec une régularité désespérante, cette leçon m’a beaucoup intéressée et j’espère en avoir profité cependant quand on a comme moi une tête de linotte on ne peut jamais rien assurer de ce genre.

De là nous avons été au bain froid avec Marthe[7] et Emilie qui étaient venues avec nous ; nous nous sommes beaucoup amusées j’ai remonté 3 fois le courant sans en être fatiguée et même dans mon ardeur j’ai failli couler la pauvre Marthe. L’eau est tellement basse en ce moment qu’on a pied en bien des endroits du grand bain ce qui ne plaît pas du tout aux gens qui se jettent moi et par conséquent à ma sœur qui trouve maintenant son plus grand plaisir à ce violent et désagréable exercice.

Après notre leçon nous allons aller chez Paule[8] puis de là au cours de Mlle Viollet et enfin au bain froid avec toutes nos amies ; le Samedi comme tu vois est le meilleur jour de la semaine.

Me voilà au bout de mes 4 pages et je crois, mon père chéri, que je ne t’ai pas encore remercié de tes 2 si gentilles et si amusantes lettres que nous avons reçues de toi mais comme la dernière ne m’était pas adressée je laisse à qui de droit le soin de te répondre en germain et en saxon.

Au revoir mon bon petit père, bien certainement cette sale prose ne vaut pas [30] centimes mais enfin comme tu es très bon je te l’envoie tout de même après avoir rempli mon papier d’une nuée de baisers à ton intention qui bien sûr demain matin vont te sauter aux joues. tu sauras d’où ils viennent.
ta petite
Marie


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Marguerite Geneviève Bosvy, professeur à domicile.
  3. Marie Stackler épouse de Léon Duméril.
  4. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  5. Cécile Milne-Edwards, épouse de Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  6. Mlle Magdelaine donne des cours de beaux-arts.
  7. Marthe Pavet de Courteille.
  8. Paule Arnould.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 14 juillet 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_14_juillet_1877&oldid=35347 (accédée le 15 octobre 2024).

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