Samedi 14 février 1880

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un ajout de Marcel de Fréville

original de la lettre 1880-02-14 pages 1-4.jpg original de la lettre 1880-02-14 pages 2-3.jpg


Paris 14 Février 1880.

Mon cher Papa,

Emilie[1] avait l’intention de t’écrire mais ses nombreuses occupations (piano, anglais &) font qu’elle a accepté avec enthousiasme la proposition que je lui ai faite de la remplacer, ou plutôt que nous lui avons faite (tu devines ce qui il s’agit) ; M. de F.[2] était au service de bout de l’an de M. de Sacy[3] et nous l’avons ramené avec nous en voiture ; cette visite de la journée remplace celle du soir, les préparatifs mondains auxquels il faut se soumettre pour aller en soirée nous forçant aussitôt le dîner à monter dans notre chambre, nous avons préféré changer l’heure habituelle de nos réunions et voilà pourquoi tu as aujourd’hui une lettre non seulement de ta fille mais un peu aussi de ton futur gendre.

Es-tu toujours très occupé et penses-tu bientôt à revenir auprès de nous ? Sais-tu, mon petit Papa, qu’il y aura demain quinze jours que tu nous as quittés et que c’est là la limite que tu nous avais fixée à ton départ ; j’espère donc que dans une de tes prochaines lettres tu nous parleras positivement de voyage et d’arrivée.

Comme je te l’annonçais nous avons été Jeudi soir chez Mme Empis[4] ; Emilie s’est beaucoup amusée, nous avons retrouvé les Brongniart, Jeanne[5] paraissait ravie de sa soirée, mais nous les avons laissés de bonne heure continuer leurs ébats et nous sommes rentrés sagement à 1 heure du matin ; du reste nous recommençons ce soir même chez M. Wurtz[6], Lundi nous allons chez Mme Mangon[7] et peut-être aussi chez Mme Bussy[8] ; tu vois comme je te le disais, que nous sommes bien mondains, mais nous allons remplacer bientôt toutes ces préoccupations par d’autres plus sérieuses ; il nous faudra songer au mobilier de notre pavillon, nous réunissons quantité d’adresses et dans quelques jours nous nous mettrons en campagne pour faire notre choix avant de nous décider d’une manière définitive.

Nous avons eu hier une journée des plus remplies, nous avons été chez le dentiste[9], pour moi cette fois et nous y retournerons encore la semaine prochaine ; nous avons fait aussi de longues séances chez la couturière pour combiner de nouvelles robes de bal (tu vois que cela a été une succession de très grands plaisirs) enfin nous avons fini par le cours de chant auquel j’ai assisté pour la 1ère fois depuis bien longtemps. Emilie a eu 19 ans aujourd’hui, nous lui avons tous souhaité sa fête ce matin.

Adieu, mon Père chéri, je t’embrasse de tout mon cœur et j’espère que bientôt je ne serai plus réduite à le faire par l’entremise de la poste ; tu sais que nous comptons absolument sur toi vers le 20. Encore mille baisers.
Marie

Tante[10] te prie de bien vouloir remercier bon-papa[11] de sa longue lettre qui lui a fait bien grand plaisir et à laquelle elle veut répondre depuis bien des jours ; mais nous sommes si occupées en ce moment qu’elle n’a pu trouver encore le temps d’écrire.

Permettez-moi, Monsieur, de signer cette lettre écrite en collaboration avec Mademoiselle Marie ; elle vous portera toutes les meilleures et les plus respectueuses affections de votre futur gendre, et tous les sentiments de reconnaissance qu’éprouve chaque jour de plus en plus l’heureux fiancé de votre si bonne et si charmante fille.
Marcel de Fréville


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Marcel de Fréville, fiancé de Marie Mertzdorff.
  3. Samuel Ustazade Silvestre de Sacy, décédé en 1879.
  4. Pauline Gabrielle Récappé, épouse de Georges Simonis Empis.
  5. Jeanne Brongniart, fille d’Edouard Brongniart et Catherine Simonis Empis.
  6. Charles Adolphe Wurtz.
  7. Noëlie Dumas, épouse d’Hervé Mangon.
  8. Anne Adélaïde Baudouin épouse d’Antoine Alexandre Brutus Bussy.
  9. Probablement Simon Goldenstein.
  10. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  11. Louis Daniel Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 14 février 1880. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un ajout de Marcel de Fréville », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_14_f%C3%A9vrier_1880&oldid=42527 (accédée le 9 octobre 2024).

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