Mercredi 8 juin 1887

De Une correspondance familiale

Lettre d'Eugénie Duméril, veuve d'Auguste Duméril (Saint-Brieuc), à sa sœur Félicité Duméril et son beau-frère Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann)


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Saint-Brieuc 8 Juin 1887.[1]

Mon bien cher Constant

Ma bien excellente Félicité,

Je suis rentrée à Saint-Brieuc imprégnée du souvenir de toutes les beautés dont vous m’avez comblée et celui des soins si tendres, je puis dire maternels, de ma si bonne, si dévouée sœur, notamment le jour de ma fâcheuse aventure, je me sens remuée par le doux sentiment de la plus profonde reconnaissance.

Rosalie[2], durant les deux journées que j’ai passées chez vous, après votre départ, n’a cessé de me rendre tous les services en son pouvoir.

Je n’ai trouvé, à Rennes, que Clémence[3], son fils Alfred[4] et une jeune cousine de 20 ans, dont la mère est cousine germaine de M. Le Covec : la manière d’être de cette aimable parente m’a beaucoup plu. Hippolyte et ses filles[5] étaient à Uzel pour y voir une dernière fois Mademoiselle V. Le Covec[6], cousine germaine de M. L. C. avec qui j’ai eu l’agrément de me trouver à Caen ; à Saint-Brieuc et à Saint-Jacut-de-la-mer. Mlle Valentine a succombé, la semaine dernière, à l’invasion d’une maladie de poitrine.

Le jour de mon retour à la Banque[7] voyait surgir l’épouvantable sinistre de l’incendie de l’Opéra Comique[8]. Vous aurez peut-être lu que le nom de Léon Cordier[9] a été mentionné avec éloge.

Marie Soleil ; après quatre mois et un jour d’apparente guérison (délivrée même des bourdonnements d’oreilles) a éprouvé avant-hier trois attaques : la 1ère, le soir, pendant la prière, les deux autres, dans la nuit.

Léon écrit, le 5 Mai : « .. Je suis le seul, de nous 4, encore soldat (Il a été, le 29e sur 100 et quelques). Les trois autres sont caporaux.... Paturel a été nommé caporal à la [ ] [Compagnie] ma compagnie, ce qui me fait beaucoup de plaisir. C’est... (Une visite vient m’interrompre). Je reprends la copie ; je manquerais l’heure du départ du train [ ]. C’est un grand bonheur pour moi. Paturel est à la 3e escouade, et moi à la 9e ; nos chambres ne se touchent pas ; mais enfin, nous sommes ensemble même à la caserne, c’est beaucoup... Nous avons maintenant 1 ou 2 fois la semaine des cours de comptabilité et de topographie, ce qui varie un peu l’ordinaire banal... Je fais la chasse aux punaises avec ma baïonnette, et je les bombarde de poudre de pyrèthre.... Je suis content des détails que tu me donnes, sur la fuite de Prod'homme, à l’Opéra Comique. Je lui écrirai si j’en ai le temps… Je viens de recevoir une lettre de M. L. Cordier[10] qui me dit qu’il a écrit à M. de Castellane, pour me recommander à lui. M. de C. est lieutenant au 4e bataillon 1ère compagnie. Je ne le connais même pas de vue.. »

Vous aurez vu, mes chers amis, que notre bonne Fidéline[11] a été, pour la première fois, dimanche dernier, à l’Église, et que ce jour, Théophile et sa femme[12] étaient venus passer 48 heures auprès d’elle.

Vos charmantes petites-filles[13], l’instigation, sans doute, d’Émilie Froissart, chez qui j’ai contemplé l’image de la Sœur Rosalie[14], m’ont envoyé la veille, au soir, de mon départ, la gravure que j’eusse désiré me procurer. Je n’ai encore pu remercier mes bonnes petites-nièces de leur affectueuse attention. Le portrait de la vénérée Sœur fera dans ma chambre le pendant à celui de M. le Curé Moreau[15] : tous deux ont été peints, à la même époque, et par la même dame, qui a su reproduire la réalité.

J’aurais voulu témoigner directement à Marie Léon[16] la part que je prends au deuil récent de la perte de sa tante[17], et la prier d’être mon interprète auprès de Madame Stackler[18], mais le temps m’échappe aussi rapidement que jamais. J’ai renoncé à la lecture du Journal le soir, et laisse des obligations, afin de me permettre le coucher, moins tardif, ce dont ma santé se trouvera bien.

Nous avons su, de part et d’autre, avoir opéré sans obstacles la translation à nos destinations respectives et je remercie [bien] Constant[19] d’avoir profité de l’envoi de la lettre de Louise[20] adressée rue Saint-Jacques[21], pour nous rassurer sur votre compte.

Adieu, chers excellents amis. Adèle[22] se joint à moi pour vous embrasser de tout cœur, et pour vous prier d’être nos interprètes auprès de Léon, de Marie, de leurs chers enfants[23] et de la bonne Madame Stackler.

J’envoie à Félicité la lettre reçue la veille de mon départ, de la bonne Madame [Gradas].


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Rosalie, domestique chez les Duméril.
  3. Clémence Gibassier, épouse d'Hippolyte Le Covec (« M. Le Covec »).
  4. Alfred Le Covec.
  5. Clémentine et Marie Le Covec.
  6. Valentine Le Covec.
  7. Le gendre d'Eugénie Duméril, Félix Soleil, travaille à la Banque de France à Saint-Brieuc.
  8. Au soir du 25 mai 1887 l'incendie de l'Opéra comique (la salle Favart) fait cent dix morts environ.
  9. Léon Cordier, sapeur-pompier de Paris.
  10. Hypothèse : Louis Firmin Cordier.
  11. Fidéline Vasseur.
  12. Théophile Léonard Vasseur et son épouse Adèle Werquin.
  13. Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville et Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart.
  14. Jeanne Marie Rendu, dite sœur Rosalie (†).
  15. Jean Charles Moreau, curé de Saint-Médard (†).
  16. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  17. Louise Catherine Hartzer, veuve d'Auguste Hertzog.
  18. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  19. Louis Daniel Constant Duméril.
  20. Louise Soleil.
  21. Au domicile des Duméril, rue Saint-Jacques à Paris.
  22. Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil.
  23. Léon Duméril et Marie Stackler, parents d'Hélène et André Duméril.


Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mercredi 8 juin 1887. Lettre d'Eugénie Duméril, veuve d'Auguste Duméril (Saint-Brieuc), à sa sœur Félicité Duméril et son beau-frère Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_8_juin_1887&oldid=53418 (accédée le 10 octobre 2024).

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