Lundi 13 juin 1887

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à sa grand-mère Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann)


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Launay 13 Juin 87.

Ma chère bonne-maman,

Combien j’ai de remords de mon silence ! je suis sûre que tu es bien peu contente de moi et tu as raison, j’aurais dû depuis longtemps te donner de nos nouvelles ; tu dois te demander ce que nous devenons et nous croire depuis bien des jours installés à Launay tandis que c’est Jeudi seulement que nous avons quitté Paris. Depuis le retour de Marcel[1] notre départ a été pour ainsi dire reculé de jour en jour ; nous devions d’abord partir ce 27 Mai avec oncle et tante[2] mais la veille la nourrice a été prise de mal de gorge, de fièvre et a passé 3 jours au lit ; au moment où nous la croyons assez solide pour partir Jeanne[3] devient à son tour malade de la même façon mais plus fortement et a été retenue 6 jours au lit sans que jamais pourtant nous ayons eu l’ombre d’un tourment ; on nous a assuré dès le début que ces petits points blancs ne pouvaient jamais devenir dangereux. Enfin au moment où Jeanne allait mieux Mardi dernier nous venions de fixer notre départ au lendemain lorsque Thérèse[4] est prise juste de la même manière que les deux précédentes ; cela devenait décourageant, il n’y avait plus qu’à s’en aller et c’est ce que nous avons fait. Oncle et tante sont venus bien vite nous offrir leurs secours, tu les reconnais là ; ils m’ont proposé de partir avec nous ce qui me permettait de laisser Nounou[5] auprès de Thérèse et de partir d’être cependant bien aidée pour les enfants[6] et grâce à cela nous nous sommes mis en route Jeudi. Hier les deux bonnes laissées en arrière sont venues nous rejoindre et nous voici maintenant tous bien. Malheureusement oncle et tante n’ont pu faire ici un bien long séjour, ils nous ont quittés hier soir sans pouvoir nous dire quand ils reviendraient nous faire une petite visite.

Maintenant chère bonne-maman que tu es au courant de notre vie depuis quinze jours tu t’expliques peut-être davantage pourquoi je n’écrivais pas ; d’abord j’étais assez occupée par mes malades et mes préparatifs, puis il me semblait toujours que nous allions sortir de notre situation provisoire et que je pourrais au moins vous dire quelque chose de précis. J’ai reçu la bonne et gentille lettre de tante Marie[7] dont je lui suis bien reconnaissante, je te prie de l’embrasser en la remerciant de ma part. Comment allez-vous tous ? Le commencement de chaleur n’éprouve-t-il pas bon-papa[8] ? et toi, ma petite bonne-maman tu ne te fatigues pas trop ? Jusqu’à quand pensez-vous rester à Vieux-Thann ? y a-t-il quelque chose de décidé pour l’emploi de l’été de vos hôtes ?

Tu sais sans doute qu’Émilie[9] est en ce moment à Brunehautpré avec tout son monde ; elle reviendra je crois dans une huitaine de jours pour s’installer ensuite dans une maison qu’ils ont louée à un certaine distance de Corbeil près de Juvisy ; ils en paraissaient fort contents. Je sais que cette chère petite sœur avait tenu à t’écrire elle-même sa déception, c’est pour cela que je ne l’ai pas fait ; heureusement elle va très bien. Marcel retourne Mercredi à Paris et y restera trois jours, ce sont des petits voyages qu’il sera forcé je le crains de renouveler souvent. Mercredi aura lieu le mariage de Marthe Buffet avec le jeune Gast[10]. J’avais été avec tante voir les dames Fröhlich[11] l’avant-veille de mon 1er faux départ, elles m’ont paru très bien, elles attendaient la fin de l’épidémie de Cherbourg pour partir. Depuis Nounou les a rencontrées au Luxembourg et elles ont été très étonnées de nous savoir encore là. Je n’ai pas eu de nouvelles de cousine Fidéline[12]. Marcel a été un instant à la soirée de contrat de Mlle Sautter[13], on y faisait de jolie musique : il n’y avait naturellement aucun membre de la famille R. Duval[14] ; la jeune fiancée paraissait charmante mais le pauvre fiancé était souffrant (atteint d’une bronchite je crois) et n’avait pu paraître, on se demandait même si l’on ne serait pas forcé d’ajourner le mariage ; comme nous n’avons reçu aucun contre-avis c’est qu’il aura pu être célébré.

Adieu, ma chère bonne-maman ; charge-toi, je te prie de beaucoup d’amitiés pour tout ton entourage et partage avec bon-papa mes tendres et respectueux baisers.

Marie

J’embrasse très fort les enfants[15], dis à Hélène que je n’oublie pas sa lettre et que je lui répondrai.

Respectueux souvenirs à Mme Stackler[16].

Marcel m’a dit qu’il avait été question d’envoyer ici du vin d’Alsace, mais je trouve que nous n’en avons pas besoin, aussi s’il n’est pas parti j’aimerais bien mieux qu’on ne l’expédie pas. Merci de vouloir bien dire cela à oncle Léon[17] et pardon d’être si ennuyeuse et si changeante. Marcel voudrait bien savoir quand oncle Léon passera à Paris ; il ferait s’il y avait lieu le voyage pour car il tient à se mettre à sa disposition et l'entraîner lui faire faire la visite dont ils sont convenus ensemble.


Notes

  1. Marcel de Fréville.
  2. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
  3. Jeanne de Fréville.
  4. Thérèse, une bonne.
  5. Probablement Marie Gérard, nounou de Marie Thérèse de Fréville.
  6. Jeanne, Robert, Charles et Marie Thérèse de Fréville.
  7. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  8. Louis Daniel Constant Duméril.
  9. Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart et mère de Jacques et Lucie Froissart.
  10. Marthe Buffet épouse Édouard Gast.
  11. Éléonore Vasseur, veuve d'André Fröhlich et ses filles Adèle et Marie Fröhlich.
  12. Fidéline Vasseur.
  13. Marthe Sautter épouse Émile Lenoir.
  14. La famille de Charles Edmond Raoul Duval
  15. Hélène et André Duméril.
  16. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  17. Léon Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Lundi 13 juin 1887. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à sa grand-mère Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_13_juin_1887&oldid=53153 (accédée le 15 novembre 2024).

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