Mercredi 4 septembre 1844

De Une correspondance familiale


Lettre d’André Marie Constant Duméril (Le Havre) à son épouse Alphonsine Delaroche (Paris)


Original de la lettre 1844-09-04-page1.jpg Original de la lettre 1844-09-04-pages2-3.jpg


266

Havre 4 Septembre 1844

Chère amie, j’étais arrivé ce matin à 6 h 10 min il était trop tôt pour me rendre à la côte et je me suis amusé à perdre le temps, en me promenant sur les ports et sur la jetée. à huit heures seulement je me suis rendu chez M. delaRoche[1] où j’ai été reçu d’abord par M. Gastambide et puis par le maître du logis dont j’ai reçu comme tu penses un très bon accueil. je me suis rasé et fait un peu de toilette pour aller voir la famille Latham et Pochet, mais celui-ci était venu avec ses trois fils[2] et je me suis croisé avec la mère qui m’attendait près d’Émilie[3]. j’ai vu tous les Latham excepté le père qui était déjà descendu en ville. depuis j’ai vu chez elle Mme Pochet.

je ne te parles pas d’Emilie. elle a été hier au bal ; mais elle était mal en train, elle avait eu du frisson et avait été obligée de le quitter de bonne heure parce qu’elle était prise d’un fort mal de gorge. elle a beaucoup souffert cette nuit et quand je l’ai vue ce matin, elle avait beaucoup de fièvre et la gorge très enflammée. je crois très fort qu’elle va être prise d’une fièvre scarlatine. Si cela est, j’ai déclaré, malgré la bonne volonté que m’a témoignée M. DelaRoche de partir seul avec moi, que je n’irai pas avec lui seul et que nous remettrions la partie à l’an prochain. La chose n’est pas décidée absolument. M. Huet[4] est venu et nous avons tous les deux reconnu que tous les symptômes de la scarlatine existaient. nous l’avons fait vomir : elle n’a pas été soulagée, ce qui était à craindre et quand nous l’avons quittée, le malaise continuait. nous espérons qu’à notre retour à la côte, la transpiration se sera établie et que l’éruption pourra commencer, ce qui est à désirer. La fièvre est forte mais le pouls n’est pas très plein. comme elle nourrit[5] et qu’il est à craindre que pendant le travail de l’éruption les seins ne viennent à s’engorger nous avons pensé qu’il était à désirer qu’elle continuât l’allaitement. car il est très rare que les enfants très jeunes prennent la scarlatine.

Tu vois qu’il faut attendre à demain pour savoir ce qui se passera. dans le cas où je n’irais pas à Londres, je resterai ici cinq à six jours ; mais je t’écrirai afin que mon cours[6] soit ouvert plus tôt.

Le bal d’hier a très bien réussi et madame DelaRoche[7] a été satisfaite de la recette qui sera tous frais faits d’environ 2 000 F.

j’ai dormi un peu cette nuit, non pas d’un bon sommeil, mais de manière à me tenir en très bon état, n’éprouvant aucune fatigue.

quoique nous soyons partis à 6h ¼ nous avons attendu au débarcadère du chemin de fer[8], trois grands quarts d’heure. à 11h ½ nous étions à Rouen que nous avons quitté à minuit.

adieu, Ma Chère amie, je t’embrasse tendrement et j’envoie mes amitiés à toute la famille.

C.D.

P.S. Toute la famille dîne chez M. DelaRoche aujourd’hui.


Notes

  1. Son beau-frère Michel Delaroche, dont les filles sont mariées à Louis François Pochet, Charles Latham et Adrien Joseph Gastambide.
  2. Louis François Pochet et ses trois fils, Alfred, Georges et Émile ; il est marié à Matilde Delaroche.
  3. Émilie Delaroche, épouse d’Adrien Joseph Gastambide.
  4. Possiblement Michel Laurent Huet-Després, auteur d’une Dissertation sur l'hépatite chronique soutenue à la Faculté de médecine de Paris en décembre 1819 pour obtenir le grade de docteur en médecine.
  5. Il s’agit du petit Eugène Gastambide.
  6. Cours d’André Marie Constant Duméril au Muséum du Jardin du roi.
  7. Cécile Delessert, épouse de Michel Delaroche.
  8. La ligne de chemin de fer Paris-Rouen a été inaugurée le 9 mai 1843 ; le chemin de fer arrive au Havre le 22 mars 1847.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril à sa femme, p. 43-45)

Annexe

Madame Duméril

rue Cuvier n°7

au jardin du Roi

Paris

Pour citer cette page

« Mercredi 4 septembre 1844. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Le Havre) à sa femme Alphonsine Delaroche (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_4_septembre_1844&oldid=60868 (accédée le 14 octobre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.