Mercredi 30 octobre 1878

De Une correspondance familiale


Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à sa grand-mère Félicité Duméri, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann), avec un ajout d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards


original de la lettre 1878-10-30 pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-10-30 pages 2-3.jpg


Mercredi 30 Octobre 1878

Ma bonne-maman chérie,

Comme tante[1] s’est chargée de te donner des nouvelles de notre voyage, je ne t’ai pas écrit aussitôt après notre arrivée comme je t’avais promis de le faire, mais ma lettre n’était que remise et je viens maintenant t’embrasser et causer un peu avec toi.

Nous avons trouvé tout le monde en bonne santé et je pense qu’il est inutile de te dire que nous avons été bien contentes de revoir notre chère tante et notre bon oncle[2]. Quel malheur ma bonne-maman chérie, qu’on ne puisse pas être av partout à la fois et qu’il faille être toujours séparé de quelqu’un qu’on aime ; mais bon-papa[3] et toi, vous ne pensez jamais à vous, et vous êtes toujours prêts à vous sacrifier.

Bonne-maman Desnoyers[4] est de retour depuis huit jours mais tante la trouve moins bien qu’à Launay ; elle a moins d’activité et est plus triste, tandis qu’à la campagne elle était toujours occupée et descendait sans cesse au jardin.
Nous la voyons malheureusement fort peu car nous avons repris nos leçons et notre travail régulier, ce qui nous a fait bien plaisir.
Nous avons déjà recommencé le piano, le dessin et l’anglais ; je prends aussi des leçons d’histoire et d’arithmétique avec Mlle Bosvy[5] et nous suivrons de plus un cours de littérature chez Mme Charrier et un cours de physique à la Sorbonne. Tu vois que notre temps sera bien occupé.

Hier nous avons passé toute notre journée à l’exposition avec papa[6] et aujourd’hui nous irons voir Paulette[7]. Nous l’avons déjà vue le lendemain de notre arrivée ; elle a bonne mine mais elle souffre encore de son genou et elle ne sort que pour aller à son cours ; Mme Arnould[8] est en ce moment auprès de ses petites-filles[9] à Saint-Gobain. Nous avons revu aussi toutes nos autres amies : Henriette Baudrillart est revenue des bains de mer avec une mine superbe ; mais cette pauvre Marie Flandrin qui a eu la scarlatine cet été, comme nous te l’avons dit, est encore bien fatiguée. Quant à Marthe[10] nous la voyons tous les jours, elle est plus fraîche et plus rose que jamais et toujours aussi gentille. La lettre que tu lui as écrite lui a fait beaucoup de plaisir et elle m’en parle sans cesse. Nous avons été bien contentes de nous retrouver et nous avons tout de suite repris nos leçons de dessin et d’anglais avec elle.

Nous avons un très vilain temps depuis notre retour, il pleut constamment et il ne fait pas chaud. Je pense bien souvent en voyant tomber la pluie à la manière dont nous avons été mouillées Mercredi dernier et à notre travestissement qui nous a fait tant rire.

Tante m’a fait beaucoup parler de ma petite Hélène[11] mais je n’ai pas encore trouvé un bébé assez joli pour lui dire qu’elle lui ressemble.

Adieu ma bonne-maman chérie, je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que mon cher bon-papa, comme vous savez que je vous aime.
Je te charge d’embrasser tante Marie[12] et Maria[13] et pour Hélène je lui envoie par ton entremise toutes sortes de caresses que tu sauras lui distribuer comme j’aime à le faire moi-même.
Ta petite-fille
Emilie

Je tiens aussi, chère bonne-maman, à profiter de cette petite place blanche pour vous envoyer mes plus tendres amitiés, et pour vous remercier du délicieux petit jupon que vous avez pris la peine de me faire.   
AME


Notes

  1. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  2. Alphonse Milne-Edwards.
  3. Louis Daniel Constant Duméril.
  4. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  5. Marguerite Geneviève Bosvy.
  6. Charles Mertzdorff.
  7. Paule Arnould.
  8. Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
  9. Marguerite et Justine Jeanne Biver.
  10. Marthe Pavet de Courteille.
  11. Hélène Duméril.
  12. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril et mère d’Hélène.
  13. Maria Lomüller, épouse de Georges Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 30 octobre 1878. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à sa grand-mère Félicité Duméril (épouse de Louis Daniel Constant Duméril) (Vieux-Thann), avec un ajout d’Aglaé Desnoyers (épouse d’Alphonse Milne-Edwards) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_30_octobre_1878&oldid=41355 (accédée le 21 novembre 2024).

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