Mercredi 22 juillet 1868 (A)
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Villers-sur-Mer
22 Juillet 1868
Sur la plage 5h 1/2
Tout en gardant nos trois petits enfants[1] qui pataugent dans le sable humide et barbotent dans les trous d’eau qu’ils viennent de créer de leurs blanches mains, je viens causer un peu avec toi, mon cher Ami.
Tu serais si heureux de voir les petites filles si heureuses de leur liberté et le plaisir doublerait tellement pour tous si tu pouvais aussi en avoir ta part ; mais tu ne penses jamais à toi, et c’est là ma préoccupation, c’est que tu te fatigues trop pendant que tu es seul à la maison.
Journal : hier l’après-midi, promenade à marée basse ; pêche aux coquillages & après le dîner, de nouveau à la plage. Ce matin toute la matinée sur la plage ; à 11h le bain que les enfants continuent à aimer à la folie, leur baigneur est très gentil, mais ce serait encore plus amusant avec le bon père ; midi déjeuner et repos au chalet jusqu’à 5 h. < [2]>
Notre villa est très bien habitée des familles nombreuses ; nous n’avons parlé à personne et vivons complètement avec nos petits choux dans la plus grande simplicité de toilette ; si nous avions nos chers maris[3], pour leur plaire et leur faire honneur, nous tâcherions d’être un peu moins cendrillon.
La mer est très loin. Mimi me dit de te dire qu’elle fait un fort avec une tour.
J’ai reçu une bonne lettre de bonne-maman Duméril[4]. Emilie[5] m’a aussi répondu très affectueusement mais elle paraît triste ; je lui écrirai <prochainement>. Il est bientôt l’heure de rentrer, je ne puis arracher mes bons travailleurs à leur besogne de maçons.
Comment as-tu trouvé toutes choses ? as-tu encore souffert des jambes ? j’espère une lettre en rentrant < >
Jeudi 9h. Je vois par ta lettre reçue hier soir[6] que tu as trouvé bien de la besogne et que les ennuis ne manquent pas. Tout a besoin de toi, ça se comprend. Où en est la salle d’Asile ? Que de choses différentes qui vont se disputer ton temps ; ne te fatigue pas trop, je t’en pris.
Ce matin pendant que je me coiffais, à la fenêtre, j’aperçois un gentil jeune homme qui regardait du côté de la villa, j’ouvre ma fenêtre pour le mieux contempler, lui se retourne et nous voilà gesticulant chacun de notre côté avec d’aimables sourires ; oh quel scandale ! il était 7h et ta femme dans quel costume ! Mais rassure-toi, le jeune homme s’approche, je l’embrasse sur les 2 joues, je l’avais bien reconnu, c’était notre Julien[7] qui arrivé hier à minuit à Trouville, avait dormi dans cette ville et nous venait trouver <présentement> ce matin, il va rester avec nous jusqu’au 2 ou 3. Alphonse[8] arrive demain soir pour rester une dizaine de jours. Tu vois que nous allons être bien gardées. Il n’y a que toi qui vas nous manquer. Julien dit que maman[9] est toujours de même, ça me tourmente.
A 11h on prendra le bain en famille.
Adieu, mon cher Charles, je t’embrasse comme j’aimerais à le faire, nos fillettes sont déjà parties sur la plage. Ta petite femme qui t’aime de tout son cœur.
Eugénie Mertzdorff
Dis un petit mot de ma part à Thérèse[10].
Voilà encore nos fillettes, elles sont toutes joyeuses d’avoir l’oncle Julien ; il leur a déjà fait toutes sortes d’explications, elles partent mais non sans dire bien des choses à leur bon père.
Pardon de mon griffonnage. Peux-tu me lire ?
Notes
- ↑ Marie (Mimi) et Emilie Mertzdorff, et le petit Jean Dumas.
- ↑ Dans ce paragraphe illisible, quelques mots sont discernables : « Aglaé » [Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards et sœur d’Eugénie], « écrire à Louise Pavet » [de Courteille], « enfant », « Cécile » [ Besançon, bonne des enfants], « écrit à son frère », « il doit venir la chercher demain, je lui donnerai ».
- ↑ Charles Mertzdorff et Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel et sœur de Charles.
- ↑ Lettre du mardi 21 juillet.
- ↑ Julien Desnoyers, jeune frère d’Eugénie.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Mercredi 22 juillet 1868 (A). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_22_juillet_1868_(A)&oldid=60088 (accédée le 18 décembre 2024).
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