Mercredi 13 juillet 1859

De Une correspondance familiale

Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris)

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Vieux-Thann

13 juillet 1859

Ma chère maman

Je t'écris encore aujourd'hui car je suis sûre que depuis que tu sais que la petite[1] est vaccinée, tu es encore plus impatiente d'avoir de ses nouvelles ; cependant, tu le sais, ce n'est pas dans les premiers jours que l'enfant souffre et jusqu'à présent notre petite chérie n'a rien montré, il n'y a encore aucune inflammation aux bras et ils ne sont nullement sensibles, Mme Cornelli dit que ce n'est que demain que le travail commencera. Cette nuit a été très mauvaise, la petite criait constamment et nous ne savions à quoi attribuer ces cris qui m'inquiétaient, quoique ses mains et sa tête fussent fraîches, et en la changeant à 6 heures nous avons trouvé son pauvre petit corps abîmé par une vilaine monstre de puce que nous avons pu heureusement attraper ; tu comprends que rien de ce que nous faisions ne soulageait cette pauvre enfant, ni d'être promenée ni de téter ; aussitôt après la destruction de son ennemie elle s'est endormie et dort depuis 3 heures. Je suis sûre qu'à Paris vous êtes tous dans la joie de cette bienheureuse nouvelle arrivée hier et à laquelle on peut à peine croire, les cloches, le canon et les cris de joie ont accueilli la dépêche[2] ; Charles[3] est si heureux qu'il a voulu que tout le monde se réjouisse et il donne une fête au village Dimanche. La salle de danse n'est pas encore démolie ; il l'a louée pour un jour il paie la musique et fera danser tout le monde gratis afin que tous ceux qui n'ont même pas un sou à dépenser puissent s'amuser comme les autres. J'aime mieux cela moi, qu'une soirée chez nous, au moins on fait plaisir à des gens qui en ont si peu. J'ai appris par une lettre d'Eugénie[4] que tu iras sans doute à Montmorency avec Adèle et Marie[5] ; je me réjouis de ce projet pour vous tous grands et petits. Tâche donc de décider la famille Desnoyers à venir, nous serions si heureux de les avoir. Nous venons de recevoir le petit mot de papa[6] mais j'espère incessamment une lettre détaillée. Puisque bon-papa[7] est déjà à Trouville, cela me fait espérer qu'il viendra pour sûr nous voir.

Nous mettons les parquets en couleur ce qui est encore un grand travail, puis nous commençons les conserves et confitures. Aujourd'hui les petits pois, ensuite les cerises ; crois-tu qu'à la tour St Jacques[8] tu pourrais trouver à assortir ma robe de piqué jaune dont voici l'échantillon, j'en voudrais encore 5 mètres pour faire de grandes basques qui ensuite me seront une ressource. La petite vient de se réveiller, de manger sa soupe et de faire sa toilette, je te dirai qu'elle ne mange plus qu'une soupe par jour, mon lait la nourrit plus, elle ne tète pas trop toutes les deux heures au plus, enfin tout va bien, pourtant je serai contente quand l'affaire vaccin sera tout à fait terminée. Comment va M. Fröhlich[9]. Adieu ma chère maman, nous t'embrassons bien tendrement ainsi que papa et je suis ta fille bien attachée.

Crol

Dans ce moment on a plus d'ouvrage qu'on ne peut en faire à la fabrique, les domestiques ont dit hier qu'il y a dix voitures de pièces qui attendent impatiemment qu'on aille les chercher. Charles voudrait arriver à faire 400 pièces de plus par jour, ceci pour vous seuls.

Nos tendres souvenirs à bonne-maman[10].


Notes

  1. La petite Marie Mertzdorff a juste trois mois.
  2. Allusion à la victoire de Solférino et à la paix en Italie. La guerre déclarée entre l’Autriche et l’alliance franco-sarde (voir la lettre du 31 mars 1859), les Autrichiens et les Franco-Italiens s’affrontent dans la vallée du Pô. Malgré le caractère improvisé de l’intervention militaire, l’armée française remporte la bataille de Magenta le 4 juin 1859 puis, le 24 juin, celle de Solferino (22 000 tués et blessés chez les Autrichiens, 17 000 chez les alliés). Des préliminaires de paix sont alors arrêtés à Villafranca (11 juillet). Les Sardes, qui rêvait de l’unité de la péninsule, ne récupèrent que la Lombardie, ce qui provoque leur indignation. L’armistice de Villafranca est formalisé en traité de paix à Zurich en novembre 1859.
  3. Charles Mertzdorff.
  4. Eugénie Desnoyers.
  5. Adèle et Marie Fröhlich.
  6. Louis Daniel Constant Duméril.
  7. André Marie Constant Duméril.
  8. Grand magasin de confection et de tissus situé rue de Rivoli.
  9. André Fröhlich est à Paris pour être opéré de la lithotritie par Pierre Salomon Ségalas.
  10. Alexandrine Cumont, veuve d’Auguste Duméril l’aîné.

Notice bibliographique

D’après l’original. La lettre contient un échantillon de tissu.

Pour citer cette page

« Mercredi 13 juillet 1859. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_13_juillet_1859&oldid=41125 (accédée le 9 décembre 2024).

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