Mercredi 13 décembre 1809
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à ses parents François Jean Charles Duméril et Rosalie Duval (Amiens)
N° 198
Paris le 13 Xbre 1809 soir.
Mes chers parents, je remettais d’un jour à l’autre pour vous écrire que j’eusse des nouvelles à vous donner d’Auguste[1]. j’en ai reçu ce soir et je mets de suite la main à la plume. La lettre est datée de Middelburg du 20 novembre. sa santé est excellente, ainsi que celle de son épouse et il paraît qu’il y a un peu de sa faute s’il est resté dans l’île[2]. il ne s’en cache pas puisqu’il avoue que son séjour tient à une fatalité dépendante de son caractère. il craint maintenant d’être forcé de rester jusqu’à la rentrée des français dans l’île – on lui a pris tout le mobilier de l’hôpital mais il est porteur de certificats qui constatent cette remise par force majeure. il ne doit pas une obole dans l’île. il désire y rester si les français y rentrent, pour profiter du crédit qu’il s’y est formé. il n’a qu’un seul chagrin actuellement, c’est d’être privé des nouvelles de sa famille surtout d’amiens dont il n’a pas reçu une lettre. il a cependant appris par Alost l’arrivée de Reine et De Désarbret[3]. il exprime de la manière la plus intéressante le bonheur de son ménage et l’attachement de son épouse et l’intérêt de ses parents[4] qui lui ont fourni du crédit et d’excellentes recommandations.
il y a dans sa lettre un billet pour Messieurs Delessert par lequel il les prie de vouloir bien me remettre les sommes qu’ils pourraient avoir à sa disposition et d’en retenir une de 2 400F à l’ordre d’un notaire de Calais, que Reine doit avoir entre les mains mais, d’après une lettre de M. Cumont, j’avais prié MM. Delessert d’envoyer à alost tout ce qu’ils pourraient avoir à sa disposition et il lui ont fait passer le 16 novembre 16 676F 80. j’ai prévenu M. Cumont qu’il fallait mettre cette somme de 2 400 de côté et je prie Reine d’adresser en conséquence le billet à Alost ou d’en écrire pour savoir si elle doit faire passer le billet au notaire de Calais.
M. Cumont me mande du 9 Xbre que sa femme est indisposée depuis 15 jours – mais que la cause de sa maladie dépendante de la grande inquiétude qu’elle avait sur le sort de sa fille il espère qu’elle se remettra promptement puisqu’elle en a reçu d’excellente nouvelle.
J’ai répondu le 15 novembre à la lettre de M. <Rainier Cerisy> dont l’objet m’était recommandé par maman.
MM. Du Halloy et Marcadet ont eu la complaisance de se charger de vos petites commissions pour nous dont nous vous remercions beaucoup. je ne sais combien je vous dois pour le port sur les 15ll 4s que vous avez eu la complaisance de débourser pour moi, j’ai payé un abonnement de 5F. pour le Bulletin du jugement du tribunal de cassation. le cousin Dumont[5] dit que la 27e livraison joindra à peu près ce que possède papa. les tables de 1808 ne paraissent pas encore et s’il y a quelques lacunes, il tâchera d’y pourvoir. quant au bulletin des lois il faut souscrire chez le directeur des postes d’amiens pour la 45e livraison commençant par le n° 235 - ou plutôt en payant 6F. au lieu de 5F. s’abonner chez le receveur général du Département et en recevant doubles les N°s - 222 à 235 - papa aura les n°s suivants jusqu’au dernier de cette année et les tables, quand elles paraîtront. j’ai la quittance du bulletin de cassation - je la remettrai à M. Leleu. je lui remettrai aussi les 10ll 4s sauf le prix du port dont j’ignore le montant.
M. Leleu a été bien servi ici grâce à mes recommandation. il est payé de tout ce qui lui est dû d’arriéré et indemnité de logement – au grade d’employé de 1ère classe au lieu de 3e – ce qui lui vaudra à peu près 800ll et de plus il a obtenu un congé de convalescence de 3 mois avec appointements.
Veuillez je vous prie faire dire à Madame tavernier que je n’ai pu remettre à madame Beaurain[6] la lettre dont elle m’avait chargée j’ai trouvé avec elle son mari ; je l’avais engagée à venir nous voir - elle me l’avait promis - j’y retournerai ces jours-ci - ayez la complaisance de nous rappeler au souvenir de madame et de mademoiselle joséphine[7].
Ma femme[8] a reçu ce matin, et nous avons lu avec grand plaisir, la lettre que maman lui a adressée. nous avons appris avec bien de l’intérêt que son œdème a diminué. j’avoue que je n’en attribue guère la cure à la décoction de chiendent - le bon est qu’il y ait du mieux et surtout qu’elle puisse marcher. l’indisposition de mon oncle[9] est bien affligeante ! malheureusement on ne connaît guère de remède contre sa maladie. j’insisterai cependant pour qu’il ait un urinal portatif qui en empêchera l’humeur de séjourner dans la vessie - diminuerait au moins la cause d’irritation et lui donnerait à lui-même beaucoup plus de liberté au palais et dans la société. j’en ai parlé à Duval[10]. C’est à la vérité une dépense de trois louis ; mais doit-on y regarder dans une circonstance semblable.
je remercie Montfleury[11] de sa lettre et du livre qu’il m’a adressé. je vois avec bien de l’intérêt ses progrès dans ses études. je l’ai applaudi fort - je voudrais qu’il eut assez d’amour-propre pour être excité un peu du côté de certaines remontrances que je me suis permises avec lui - mais l’heure n’est pas encore sonnée où il sentira <…> de ne pas s’occuper de soi seul et de voir au contraire que <…> de toutes les actions louables se dirige sur les autres personnes.
Désarbret est heureusement débarrassé de son Rhume. qu’il prenne garde d’être pincé une seconde fois - dans les convalescences on est sujet aux affections de poitrine - il faut qu’il se ménage jusqu’au printemps. dites-lui que M. Bally a dîné chez moi la semaine passée et qu’il a de nouveau promis de reparler de M. Auguste verrier. qu’il a été étonné de ne pas savoir élevé de grade d’après les notes qu’il avait vues. priez-le de présenter nos hommages à M. et à Mme Verrier que nous n’avons pas trouvés chez eux la veille de notre départ.
je ne sais si vous pourrez me déchiffrer ayant écrit cette lettre très à la hâte et au milieu de mes enfants[12] - qui se portent on ne peut mieux ainsi que leur mère. nous vous embrassons bien tendrement.
Votre fils C. Duméril
P.S. Ma femme prie Reine de l’excuser si elle ne lui a pas encore répondu - elle est occupée dans ce moment d’un dessin qu’elle destine à son père[13] et qu’elle a grande envie de voir terminé.
Notes
- ↑ Auguste (l’aîné), frère d’André Marie Constant Duméril, marié depuis peu à Alexandrine Cumont.
- ↑ Middelburg est la capitale de la province néerlandaise de Zélande, province composée d’une série d’îles et de presqu’îles. Après sa victoire à Austerlitz (décembre 1805) Napoléon remanie les territoires sur lesquels il a étendu sa domination. Au nord, la République batave, alliée de la République française depuis 1795, est transformée en royaume de Hollande pour Louis Bonaparte (1806) ; son appartenance à l’Empire français soulève des résistances.
- ↑ Reine et Joseph Marie Fidèle dit Désarbret, sœur et frère d’AMC Duméril.
- ↑ Les parents d’Alexandrine, Jean Baptiste Cumont, contrôleur des actes, et son épouse, Anne Thérèse Dorothée Vatblé, sont à Alost, petite ville de la Flandre orientale, entre Bruxelles et Gand.
- ↑ Charles Dumont de Sainte-Croix.
- ↑ Sophie Tavernier épouse d'Amable Nicaise Beaurain.
- ↑ Joséphine Tavernier.
- ↑ Alphonsine Delaroche.
- ↑ Jean Baptiste Duval.
- ↑ Augustin Duval, fils de Jean Baptiste.
- ↑ Florimond dit Montfleury (le jeune), neveu d’AMC Duméril (il a les mêmes prénom et surnom que son père).
- ↑ Caroline (l’aînée) et Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Daniel Delaroche.
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 3ème volume, p.46-51)
Annexe
A Madame
Madame Duméril
Petite rue St Rémy n° 4
A Amiens
Somme
Pour citer cette page
« Mercredi 13 décembre 1809. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à ses parents François Jean Charles Duméril et Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_13_d%C3%A9cembre_1809&oldid=61159 (accédée le 10 octobre 2024).
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