Mardi 5 septembre 1865

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)

Original de la lettre 1865-09-05-pages1-4.jpg Original de la lettre 1865-09-05-pages2-3.jpg


Vieux-Thann

5 7bre 65

Ma chère petite Gla,

C’est vrai que nous vous écrivons peu et que nous conservons un silence qui n’est nullement en rapport avec notre affection. Mais voilà ce que c’est que d’être sûre l’une de l’autre on ne se gêne pas. Tu me parais assez contente de ton nouvel arrangement[1], j’espère que ça va te redonner du calme, car c’est si bon d’avoir des gens honnêtes chez soi sur lesquels on puisse compter.

Quant à moi, je suis toujours bien contente de Cécile[2] et de Marie[3], mais ma cuisinière est loin de me satisfaire et il faut que j’en trouve une : mais où aller la chercher ? Je ne connais personne ; et ici c’est peu gai, les cuisinières qui ont été en ville trouvent qu’au Vieux-Thann, c’est un vrai couvent. Tu as bien raison de dire que je suis contente d’avoir Maman[4], mais si contente que je m’habitue à l’avoir toujours et trouve cela tout naturel et lorsqu’elle partira c’est alors qu’il me semblera que je n’ai pas assez joui d’elle.

Le temps passe, vole, on ne sait comment. Je ne sais comment je t’écris,… nous sommes dans le jardin, Mimi[5] écrit à l’oncle Alfred[6] pour le remercier de la <tente> et à chaque instant elle m’interrompt.

Notre Julien[7] est toujours bien gentil. Charles[8] lui a donné à faire le plan de la fabrique, c’est utile et bon pour notre cher garçon ; ça m’a fait plaisir. Mais les promenades, les flâneries (nous ne sommes prêts tous à déjeuner qu’à 8 h) font que le travail n’avance pas beaucoup. Alphonse[9] travaille toujours beaucoup, la gloire c’est beau, je vous admire mais comme un peu d’air vous ferait du bien à tous les deux.

Dimanche nous avons fait un grand tour en voiture et à pied malgré la chaleur ; c’est que Charles est si occupé que nous ne pouvons pas choisir. La course fut délicieuse, je t’ai bien regrettée. Partis à 1 h nous étions dans un village à 2 h, là nous quittons la voiture et commençons à monter, nous passons l’extrémité des Vosges et nous trouvons à 4 h ½ à Burbach petit village de l’autre côté où la voiture nous attendait. Papa[10] allait à une carrière où des pierres l’attiraient et nous sommes rentrés à 8 h enchantés de notre course.

Hier M. Auguste <Coullerez> et un de ses frères[11] sont venus nous surprendre, ils ont été très aimables comme toujours. Aujourd’hui repos, dans les vignes pour manger du raisin qui est délicieux cette année. Demain départ à 6 h pour Colmar et retour à 10 h du soir. Nous passerons tous la journée avec les Zaepffel[12], bien entendu que nous n’emmenons pas les enfants[13], c’est trop fatigant.

Papa projette une course dans les Vosges et tous une en Suisse, mais mon pauvre Charles a tant à faire que je crois plutôt que nous, nous resterons.

Adieu, ma petite Gla, on m’étourdit et je ne sais plus ce que je t’écris, mais je ne te quitterai pas sans t’envoyer de tous amitiés, caresses, bonnes poignées de mains pour toi et Alphonse. Les fillettes ne cessent de dire que tante Aglaé devrait revenir nous voir.

Mes amitiés à Cécile[14] et nos compliments à M. Edwards[15] et à M. Ernest[16].

Je n’ai pas fait mon Allemand, il est 11 h 1/2. Adieu, ma chérie, je t’embrasse encore et maman en fait autant, et papa et Charles et les enfants.

Sœur affectionnée

Eug.M.

Tu recevras 88 bouteilles d’eau de Bussang[17], bois-les à votre santé ça te fera beaucoup de bien, ça engraisse, j’en ai eu l’exemple. Bois-en tant que tu peux. Je t’en renverrai quand tu n’en auras plus. Fais mettre de côté les bouteilles.

Bien des choses à Louise[18], je vous trouve bien heureuses d’être ensemble.


Notes

  1. Aglaé Desnoyers avait des problèmes avec ses employés de maison.
  2. Cécile Besançon, bonne des fillettes.
  3. Marie Martin, femme de chambre.
  4. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  5. Mimi, Marie Mertzdorff.
  6. Alfred Desnoyers, frère aîné d’Eugénie et Aglaé.
  7. Julien Desnoyers, jeune frère d’Eugénie et Aglaé.
  8. Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
  9. Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
  10. Jules Desnoyers.
  11. Augustin Coullerez a au moins 3 frères.
  12. Emilie Mertzdorff, sœur de Charles, et son époux Edgar Zaepffel.
  13. Marie et Emilie Mertzdorff.
  14. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas et belle-sœur d’Aglaé.
  15. Henri Milne-Edwards, beau-père d’Aglaé.
  16. Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  17. Bussang est une station thermale au sud-est de la Lorraine, aux confins de l'Alsace.
  18. Il s’agit probablement de Louise, au service d’Aglaé.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 5 septembre 1865. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_5_septembre_1865&oldid=60125 (accédée le 2 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.