Lundi 11 et mardi 12 septembre 1865
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
11 7bre 65
Ma chère petite Gla,
Un petit bout de causerie que je te crois réellement là près de nous ; Maman[1] travaille, nous sommes toutes les 2 seules dans le petit salon, les enfants[2] dorment et Charles[3] est chez sa mère[4], tu vois comme tu serais bien là entre nous deux. Mais je ne veux pas être le mauvais génie car vous êtes si extraordinairement raisonnables qu'on ne peut que nous admirer et s'incliner. Alphonse[5] est un travailleur esclave de ses devoirs et toi une femme modèle ! Une fois cela bien établi je puis te dire que papa et Julien[6] sont en Suisse depuis Samedi matin et que les nouvelles que nous avons reçues de nos chers voyageurs étaient de Zurich écrites avec un entrain et un enthousiasme qui font plaisir ; l'itinéraire était les lacs aux habitations lacustres, puis la chute du Rhin, Constance &. Ces Messieurs peuvent nous revenir ou Jeudi ou Samedi selon que l'appétit leur viendra en voyant.
Bonsoir, ma Gla, nous allons faire dodo.
11 h 3/4
La distribution des prix de la salle d'Asile, les arrangements de ménage & et voilà midi sans que je sois venue causer avec toi. C'est que j'ai mes ennuis aussi ; j'ai donné hier congé à ma cuisinière une paresseuse, une gâcheuse & et j'ai arrêté Dimanche une perle, une rangeuse && à ce qu'on les dit toujours, nous verrons, le meilleur renseignement c'est qu'elle est restée 19 ans dans la même maison et sa maîtresse est morte au printemps ; faut espérer qu'elle pourra convenir chez nous. Mais toi ma Chérie, je te plains, et je vois que tu n'es pas encore au bout de tes ennuis ; tu dois pourtant être contente d'avoir Louise c'est une si brave femme dis-lui bien des choses de ma part. Tâche de lui faire donner quelques leçons, elle est intelligente et apprendra vite.
Je suis très contente des chemises de Charles et te prie d'en recommander encore une douzaine exactement semblables aux premières – sont-elles à 14 ou à 16 F. je voudrais donner à maman le prix des deux douzaines.
Le voile que tu m'as envoyé m'a été très commode.
Aujourd'hui nous allons tous dans la vigne cueillir du raisin. Il fait une chaleur extraordinaire.
Samedi nous sommes allés à Mulhouse pour acheter à la foire des petits objets que nous avons donnés aujourd'hui à la grande satisfaction des enfants.
Nous ferons aussi notre distribution de prix à la maison quand l'oncle Julien sera revenu.
Je ne sais ce que ce cher garçon a décidé pour l'école. il paraît ne pas vouloir de l'école centrale et préférer la polytechnique. Il faut qu'il décide lui-même, on ne peut que donner un avis.
Lettre de Suisse ce matin, encore de Zurich, toujours très content des lacs et des habitations lacustres, aujourd'hui ils sont à Constance.
Jeudi nous aurons les Duméril[7] et irons faire une promenade en voiture dans la vallée.
Maman a bonne mine mais le temps passe trop vite.
Les fillettes voudraient manger tante Aglaé tant elles l'aiment.
Papa Charles entre, il charge ton mari de t'embrasser de sa part et te charge toi de lui dire qu'il est vilain de ne pas t'avoir amenée au Vieux Thann avec une caisse d'or pour l'installation de M. le Maire[8] et de Mme Maire, car tu sauras que nous sommes dans les honneurs jusqu'au cou. Dimanche à 5 h du matin nous étions réveillés à coup de canon, à 7 nous passions sous un magnifique arc de triomphe[9] pour sortir de chez nous : « à M. le maire de Vieux Thann » « hommage de ses ouvriers » en bleu sur blanc, le soir illumination et vin chaud au billard pour le conseil municipal.
Adieu ma Chérie
Je t’embrasse beaucoup fort
Notes
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff, filles du premier mariage de Charles.
- ↑ Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
- ↑ Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
- ↑ Jules et Julien Desnoyers.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité, qui vivent à Morschwiller avec leur fils Léon, ainsi que, probablement, leurs neveux qui séjournent chez eux : Clotilde, Paul et Georges Duméril.
- ↑ Charles Mertzdorff est le nouveau maire de Vieux-Thann.
- ↑ Voir le croquis sur le fac-similé.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 11 et mardi 12 septembre 1865. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_11_et_mardi_12_septembre_1865&oldid=40212 (accédée le 18 décembre 2024).
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