Mardi 4 octobre 1887
Lettre d'Alphonse Milne-Edwards (Paris) à sa nièce Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (au bord du lac de Lucerne en Suisse)
4 Octobre[1]
Chère fille
Merci de ta petite fleur bleue, je la reconnais bien cette petite habitante des montagnes que j’ai tant de fois trouvée dans mes pérégrinations ; maintenant c’est en prenant le chemin de fer que l’on va faire des bouquets de plantes alpestres ! et bientôt il y aura une ficelle[2] pour le mont blanc. « Le rêve de Tartarin »[3] se réalisera au XXe siècle et toutes les crevasses, tous les précipices seront capitonnés et garnis de ressorts élastiques. Il faudra plus d’efforts pour une promenade sur le lac que pour une ascension et, dans mes vieux jours, je me confierai aux bras vigoureux de Robert[4] et de Charles pour naviguer sur les eaux de la Suisse. Jeanne sera chargée de tenir la barre et Marie Thérèse restera en observation sur l’avant pour signaler les écueils ! Je me serais fait une fête de voir le petit équipage à l’œuvre et la description que tu me fais de ce petit voyage nautique me donne bien des regrets de n’être pas des vôtres.
Maintenant il s’agit de répondre aux Questions Que Tu me poses. Je voudrais aller à Montmorency après le mariage des jeunes gens[5], c’est à dire le 19 ou le 20, pour y passer la fin du mois, comptant aller ensuite 2 ou 3 jours à Launay pour fermer la maison et emmener les nouveaux mariés.
Pauvre Montmorency, il est bien pittoresque, bien joli avec son manteau de lierre et de feuillage, mais il a besoin d’être nettoyé, gratté et épousseté. Jean et Amélie[6] sont dans leur pays, je ne savais qu’en faire à Paris et j’ai préféré les voir rejoindre leurs enfants que de flâner à Paris, à Noël ils iront à Launay remplacer Michel[7] qui prend sa retraite. Je te conterai tout cela en détail. Je ne t’ai pas encore parlé de mes projets de construction et de mes conférences avec l’architecte de Nogent, d’où il ressort que le gros œuvre est très solide et que l’on pourra surélever la maison. J’aurai alors besoin de vos lumières pour arrêter les plans, car je tiens beaucoup à ce que Launay reste la maison de famille et le refuge où chacun se sente chez lui.
Mon Rhume s’en va.
Damas[8] part aujourd’hui en permission de 8 jours et ramènera ensuite sa femme, vous vous trouverez donc ensemble à Paris.
beaucoup de baisers autour de toi.
AME
J’oubliais de te raconter que P. Brouardel allait se marier à la grande joie de sa mère[9]. Il épouse une veuve[10] de 36 ans, très bien sous tous rapports, et qu’il connaît depuis nombre d’années. C’est une Saint-Quentinoise, elle n’a pas d’enfants et est, dit-on, tout à fait charmante. J’en suis bien heureux pour mon vieil ami.
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ La « Ficelle » est le surnom lyonnais donné aux funiculaires de la ville, dont le premier chemin de fer urbain date de 1862.
- ↑ Allusion au Tartarin sur les Alpes, d'Alphonse Daudet ?
- ↑ Les quatre enfants de Marie : Jeanne, Robert, Charles et Marie Thérèse de Fréville.
- ↑ Mariage de Jean Dumas avec sa cousine Marthe Pavet de Courteille le 19 octobre ; ils passeront ensuite quelques jours à Launay.
- ↑ Jean et Amélie, qui étaient employés chez les Desnoyers.
- ↑ Louis Michel Pieaux ?
- ↑ Damas Froissart, époux d’Émilie Mertzdorff.
- ↑ Élisabeth Coudray, veuve de Pierre Brouardel.
- ↑ Paul Brouardel épouse Laure Lapierre, veuve de Georges Duchesne-Fournet.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Mardi 4 octobre 1887. Lettre d'Alphonse Milne-Edwards (Paris) à sa nièce Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (au bord du lac de Lucerne en Suisse) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_4_octobre_1887&oldid=53312 (accédée le 18 décembre 2024).
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