Vendredi 30 septembre 1887 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Cécile Milne-Edwards, épouse d'Ernest Charles Jean Baptiste Dumas (Paris) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (au bord du lac de Lucerne en Suisse)


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30 7bre 87[1]

Je commence par te dire (afin de ne pas l’oublier) ce dont ton oncle[2] m’a chargée pour toi, chère enfant, que pour calmer Maître Charles[3] tu pourrais lui faire prendre chaque soir une tasse d’infusion de tilleul dans laquelle tu mettrais 1 ou 2 feuilles d’oranger. C’est du reste très bon, Jean[4] en a pris longtemps pendant sa dernière convalescence à Cannes, mais je descendais cueillir dans le jardin de jeunes feuilles de mandarinier ce que tu ne pourras pas faire !

Te voilà bien près de quitter la Suisse pour l’Alsace, avez-vous votre autorisation de séjour ? Hélas, que c’est triste de retourner chez soi, dans son propre pays, dans des conditions comme celles-là. Je voulais t’écrire depuis bien des jours déjà, mais j’avoue à ma honte que je ne sais plus faire beaucoup de choses à la fois & que dans ce moment-ci particulièrement tout m’est difficile, je devrais toujours être là où je ne suis pas & c’est une sensation très désagréable. Il est impossible que nous n’aidions pas ton oncle[5] & nous y passons quelquefois des journées entières ; depuis un mois presque que ces rangements sont commencés il semble qu’on n’ait touché à rien ! nous avons beaucoup de courses à faire, les yeux de mon mari[6] sont toujours en aussi mauvais état, bref cela vient probablement de la disposition d’esprit où je suis, mais tout me pèse étrangement & cette nécessité de s’occuper de choses qui devraient être faites gaiement quand on a le cœur triste est des plus pénibles. Ta tante[7] aurait pris à tout cela une si large part que son cher souvenir ne me quitte pas & c’est justice, on manque partout & toujours quand on a été ce qu’elle était.

Pauvre Jean travaille ses mathématiques pour son examen du 17[8] & puis il se mariera le 19 ou le 20[9] & ils iront, comme vous, passer une quinzaine à Launay. Je crois qu’à leur place j’aurais préféré Villeneuve[10], mais je ne le leur ai même pas dit. Ton oncle est revenu très enrhumé de Brunehautpré, ici il en aurait probablement été de même car il fait vraiment froid & je suis dans le même état que lui sans m’être exposée aux brumes du Pas-de-Calais. C’est une bien bonne chose que vous puissiez aller avec lui à Montmorency car ce sera encore un long déblaiement à faire où il aura grand besoin d’aide. ce n’est guère qu’à la Toussaint que tu reprendras tes quartiers d’hiver ma bien chère enfant & qu’on aura le plaisir de te revoir réellement. Je n’ai pas à te redire la tendre affection que j’ai pour toi, mais je voudrais que tu uses un peu de moi ce sera la seule manière de me prouver que de ton côté tu m’aimes un peu.

Embrasse pour moi tes chers enfants[11] & mille amitiés à ton mari[12]. Je ne te dis rien de Marthe. Je sais qu’elle t’a écrit tout dernièrement[13].

CME Dumas


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Alphonse Milne-Edwards.
  3. Charles de Fréville.
  4. Jean Dumas, son fils.
  5. Alphonse Milne-Edwards doit vider l'appartement de son beau-père Jules Desnoyers, récemment décédé.
  6. Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  7. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards, décédée le 10 juillet 1887.
  8. Concours d'entrée à l’Institut agronomique, qu'il intégrera.
  9. Jean Dumas épousera sa cousine germaine Marthe Pavet de Courteille le 19 octobre à Paris.
  10. Villeneuve en Suisse, dans le canton de Vaud.
  11. Jeanne, Robert, Charles et Marie Thérèse de Fréville.
  12. Marcel de Fréville.
  13. Voir la lettre de Marthe du même jour.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Vendredi 30 septembre 1887 (B). Lettre de Cécile Milne-Edwards, épouse d'Ernest Charles Jean Baptiste Dumas (Paris) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (au bord du lac de Lucerne en Suisse) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_30_septembre_1887_(B)&oldid=51256 (accédée le 15 novembre 2024).

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