Mardi 31 juillet 1860
Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris)
31 Juillet 1860
Ma chère Maman
Nous vous remercions mille fois de nous écrire aussi souvent, vous comprenez combien vos lettres sont attendues avec impatience et combien les tristes nouvelles qu'elles contiennent nous occupent tous[1]. Vous passez de tristes et cruels moments, et nous partageons bien vos anxiétés quoique dans l'éloignement. Je suis heureuse que bon-papa ait eu avec toi la conversation que tu nous as racontée ce sont de ces souvenirs qui ne s'effacent jamais. Ici nous allons tous très bien malgré le froid, le vent et la pluie qui nous poursuivent ; il y a des moments où l'on grelotte et l'on ne peut trop se couvrir la nuit. On dit qu'il a gelé dans la vallée et pendant la canicule. Adèle[2] ne doit pas pouvoir se baigner et les promenades même doivent être difficiles. Ici on recule devant un bain chaud. Mimi[3] ne s'est jamais mieux portée qu'en ce moment, depuis longtemps elle n'a eu si bonne mine et elle rengraisse, je voudrais que tu la voies avec sa tête rasée, elle est si drôle, moi je la trouve plus gentille. Elle a une 3e grosse dent, tu vois que ça marche bien. Elle n'aime pas beaucoup la viande et fait de grandes cérémonies pour en manger, je ne la force pas car il y a je crois beaucoup d'instinct chez les enfants, elle a 2 soupes grasses et un œuf, puis ce qu'elle aime énormément, c'est ce qu'elle appelle son <couyou> (racahout[4]). Elle en a pris plus de 2 flacons, mais j'en trouve à Mulhouse. Ce que je vous prierai encore de m'envoyer c'est une boîte de biscottes car c'est toujours son déjeuner. Je vous prie aussi de me retourner mon petit paquet contre le croup[5]. Jeanne Henriet a eu une espèce de croup, puis des convulsions, elle va bien.
Bonne-maman je t'aime toujours
Mimi vient de se réveiller elle a voulu absolument prendre la plume. Elle dit qu'elle est conente (contente) elle écrit à sa manière, et elle pleure parce que je veux terminer moi-même la lettre ; il faut qu'elle fasse tout ce qu'elle voit faire ; elle coud quand je couds, elle se pigne quand je me peigne, elle se fait la babe quand papa[6] se rase. Elle a une affection extraordinaire pour oncle[7] et oncle le lui rend bien, ce sont deux amis. Je n'ai que des rapports excellents à vous faire sur oncle, il prend une activité qui nous enchante, et Charles me disait hier, il ira bien, j'espère même très bien. Il s'occupe beaucoup de la fabrique et court bien ; aussi Charles tient à ce qu'il ait des distractions et nous l'avons laissé aller Dimanche à la fête de Thann. Je ne l'ai jamais vu aussi bien portant ; il a un excellent appétit et très régulier, il se développe encore beaucoup ; en moins d'un mois il a augmenté de 5 livres et s'étant pesé de nouveau hier il a découvert qu'il atteint 124.
En ce moment Cécile[8] a sa sœur ici ; je suis contente de lui donner ce plaisir. Nous attendons les Zaepffel[9] probablement la semaine prochaine. Le courrier va partir, je n'ai que le temps de vous embrasser en toute hâte, la cloche va sonner
Votre fille
Crol
Notes
- ↑ André Marie Constant Duméril, grand-père de Caroline, est très affaibli.
- ↑ Adèle Duméril, cousine de Caroline, en vacances à Trouville.
- ↑ Marie Mertzdorff, 16 mois, fille de Caroline.
- ↑ Le racahout est une poudre alimentaire nourrissante composée de diverses farines et fécules, de cacao, de sucre, de vanille, etc.
- ↑ Le croup est une maladie virale, une forme de diphtérie qui se caractérise par la formation de fausses membranes à l'entrée des voies respiratoires ; elle affecte surtout les enfants et elle encore une grande cause de mortalité infantile à la fin du XIXe siècle. Cette maladie infectieuse contagieuse est décrite en 1826 par Bretonneau.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Léon Duméril, frère de Caroline.
- ↑ Cécile, domestique chez les Mertzdorff.
- ↑ Emilie Mertzdorff et son époux Edgar Zaepffel.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Mardi 31 juillet 1860. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_31_juillet_1860&oldid=43174 (accédée le 18 décembre 2024).
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