Mardi 28 mars 1843
Lettre d’Auguste Duméril (Paris) à sa cousine et fiancée Eugénie Duméril (Lille)
d’André Auguste Duméril.
Paris 28 Mars 1843.
C’est avec un très vif plaisir, ma bien chère Eugénie, que j’ai reçu votre lettre du 22 Mars : je vous en remercie beaucoup, ainsi que mon bon oncle[1], qui vous autorise à vous adresser à moi, et qui, j’espère, voudra bien vous le permettre encore, car j’ai un conseil à vous demander : Henri Delaroche[2], avec qui, comme vous le savez, je suis très lié, veut aussi nous faire un cadeau, dont la valeur serait à peu près égale à celle du présent que comptent nous faire M. et Mme Latham[3] : mais nous sommes fort embarrassés pour savoir que lui demander, nous aimerions beaucoup avoir votre avis à cet égard. Les dépenses réelles à faire, sont celles de mobilier : or je tiendrais à ce que nous puissions nous faire honneur du cadeau d’Henri ; nous ne pouvons donc pas le faire entrer dans ces dépenses, en quelque sorte, en lui demandant un objet de mobilier. Nous pensions cependant que peut-être une table ronde, avec un dessus de marbre pour notre salon, pourrait être demandée, mais il n’atteindrait pas ainsi le chiffre qu’il veut mettre. Peut-être est-ce à lui qu’on pourrait demander la garniture de cheminée, et à Elise, deux glaces, pour ce salon, où nous n’en mettrons probablement qu’une, par raison, si c’est nous qui faisons la dépense. Enfin, nous avions songé que peut-être il pourrait nous donner un thé, c’est-à-dire, un sucrier et ses 12 petites cuillères, une jolie lampe à esprit-de-vin et la bouilloire ; puis, le plateau, car comptant demander quelquefois à nos parents et à nos frères et sœurs de venir prendre le thé chez nous, il faudra bien avoir de quoi l’offrir. Dites-moi ce que vous en pensez, je vous prie. Vous voyez que nos parents du Havre se montrent bien bons : ils ont, au reste, tous beaucoup d’affection pour moi, et sont tout disposés à en avoir beaucoup pour vous, ma chère cousine. On regrette vivement de ne pas vous connaître, et on espère que je ne tarderai pas à vous conduire au Havre, de sorte que, peut-être bien, à l’automne, aurons-nous à faire ce petit voyage, qui serait extrêmement agréable. Nous avons là une bien excellente amie, Mme de Tarlé[4], qui me dit dans une lettre que j’ai reçue d’elle hier : « Ce qui me manque d’avance, et me manquera jusqu’à ce que les circonstances me favorisent, c’est de connaître ta chère Eugénie, que je te prie, au moins, de bien disposer pour ton ancienne amie : assure-là d’avance de mes sentiments affectueux, si elle veut les accepter. » Vous ne tarderez pas, je vous assure, à l’aimer comme nous-mêmes nous l’aimons. Ma mère[5] a reçu, il y a quelques semaines, une lettre d’une de nos parentes que nous aimons beaucoup : Mlle Rath[6], que votre père a connu autrefois. Elle nous conserve une chaude affection, et elle prend grand intérêt à la nouvelle de mon mariage, qui doit, suivant son expression, accroître notre bonheur de famille. Vous entendrez souvent parler d’elle, et apprendrez à la connaître, et à lui porter comme nous un vif attachement. Je n’ai pas manqué de faire part à mes parents des choses affectueuses et tendres que contient pour eux votre lettre.
Je me chargerai de l’achat du garde-cendres. Vous approuvez donc mon idée de couteaux d’argent et d’acier, pour Auguste et Adine[7]. Je ne demande pas mieux que cette emplette soit faite à Lille, et par vous ; elle en acquerra ainsi plus de prix ; je pense qu’il faudra mettre à ce cadeau de 120 à 140 F. Une douzaine de chaque espèce, est-ce assez, en faut-il 15 ? Faites la chose comme vous l’entendez, mon oncle et vous, et elle sera parfaitement faite.
Aimeriez-vous que le cachemire, que je serai si heureux de vous prier d’accepter[8], ait un fond très chargé ? Pour ma part, j’aimerais un fond bleu ou vert bien visible, et non caché par une infinité de dessins. D’un autre côté, Félicité[9] pense qu’un châle de cette sorte va moins bien avec toutes les toilettes. Dites-moi ce que vous en pensez. Nous attendrons votre avis, pour l’achat. Ma mère aurait préféré ne pas vous parler des petits présents qu’elle veut vous faire ; comme cependant, de les connaître, pourrait influer sur les achats que vous pouvez avoir encore à faire, elle me charge de vous dire qu’elle sera bien contente de vous offrir une robe de soie habillée, deux mouchoirs garnis de dentelle et un fichu garni également en dentelle : n’attachez pas trop d’importance à ces cadeaux ; songez seulement au plaisir que notre mère éprouve à vous les faire : s’il y avait une couleur que vous préfériez veuillez le dire. J’espère que nous recevrons prochainement la nouvelle de l’arrivée des dispenses, car vous ne doutez pas du désir que j’éprouve de voir arriver l’heureux jour où je pourrai prendre le titre de votre mari.
Ne croyez-vous pas que si nous allons en Belgique, il nous sera bien difficile de ne pas aller à St-Omer[10] : je craindrais que mon oncle ne fût contrarié : ce serait, au reste, l’affaire de 3 jours. Mon oncle Désarbret[11] serait, je crois, bien content de nous voir. Si nous pouvions, en un jour, aller d’Abbeville à Oisemont[12], et revenir, ce serait bien une chose à faire : mais cela me semble fort difficile, et ce serait peut-être bien fatigant : demandez un peu à mon oncle ce qu’il en pense. Peut-être devrions-nous cet égard à ce pauvre oncle infirme, dont la vie est si triste et si monotone. Ce serait, au reste, refaire ce que firent mon père[13] et ma mère à l’époque de leur mariage : ils allèrent voir nos vieilles tantes Basilice et De quevauvillers. Je n’ai point encore passé mon examen, mais ne vous préoccupez pas de cela : je trouve de la satisfaction à être occupé ainsi, tant que l’époque précise de notre mariage n’est point encore fixée.
Adieu, ma chère et bonne cousine ; soyez, je vous prie, l’interprète de mes sentiments très affectueux et dévoués, pour votre bon père, dont je serai si heureux de devenir le second fils, et croyez à la sincérité et à l’extrême vivacité des sentiments que vous m’inspirez, ma chère Eugénie.
Votre très affectionné et tout dévoué fiancé.
A Aug. Duméril.
Présentez, je vous prie, mes compliments empressés à ma tante[14].
Avant de faire les achats pour Auguste et Adine, ne faudrait-il pas s’assurer que l’on ne se rencontrera pas avec Mlle Pauline[15].
Notes
- ↑ Auguste Duméril (l’aîné).
- ↑ Henri Delaroche, cousin germain d’Auguste Duméril.
- ↑ Pauline Elise Delaroche (dite Elise) et son mari Charles Latham ; il est négociant au Havre, comme Michel Delaroche, le père de Pauline Elise.
- ↑ Suzanne de Carondelet, épouse d’Antoine de Tarlé.
- ↑ Alphonsine Delaroche.
- ↑ Henriette Rath, peintre, vit à Genève.
- ↑ Charles Auguste Duméril, frère d’Eugénie, marié à Alexandrine Brémontier, dite Adine ; ils habitent Arras.
- ↑ Le châle de cachemire, que l’usage réserve aux femmes mariées, est couramment offert par le futur époux.
- ↑ Félicité Duméril, sœur d’Eugénie et belle-sœur d’Auguste.
- ↑ Florimond Duméril dit Montfleury (l’aîné), oncle paternel d’Auguste Duméril, habite St Omer ainsi que quelques-uns de ses enfants.
- ↑ Joseph Marie Fidèle Duméril, dit Désarbret, oncle paternel.
- ↑ Basilice Duval et sa sœur Geneviève, veuve d’Antoine de Quevauvillers, tantes maternelles, habitent Oisemont.
- ↑ André Marie Constant Duméril.
- ↑ Alexandrine Cumont.
- ↑ Pauline Brémontier, sœur d’Adine (l’épouse de Charles Auguste Duméril).
Notice bibliographique
D’après le livre de copies : lettres de Monsieur Auguste Duméril, 1er volume, p. 350-356
Pour citer cette page
« Mardi 28 mars 1843. Lettre d’Auguste Duméril (Paris) à sa cousine et fiancée Eugénie Duméril (Lille) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_28_mars_1843&oldid=57413 (accédée le 5 décembre 2024).
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