Mardi 27 juin 1871 (B)

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency)

original de la lettre 1871-06-27 (B) page1.jpg original de la lettre 1871-06-27 (B) page2.jpg


CHARLES MERTZDORFF

AU VIEUX THANN

Haut-Rhin[1]

27 Juin 71

Ma chère Nie j'ai reçu ce matin ta bonne lettre du 22/23 & <aussi> celle de ma Marie[2] chérie. Tu sais qu'elles ont été bien reçues toutes deux comme l'on reçoit de biens bons amis bien aimés.

Elles sont surtout bien bonnes par les nouvelles qu'elles me portent, savoir que vous allez tous bien, est une bien riche consolation pour mon isolement & les quelques tracas. Je ne sais si M. Jaeglé[3] rentrera demain, mais je l'attends & lui aussi sera bien reçu.

Mon Oncle[4] va mieux, tout souffrant il est venu ce matin au bureau ce qui m'a fait plaisir, car à le voir hier au lit je ne m'y attendais pas. Il a dîné avec moi. Son petit garçon[5] ne va pas plus mal, n'étant pas rentré il ne sais pas encore comment Mairel[6] l'aura trouvé.

Tu voudras bien demander Papa[7] si la carte du dépôt de la guerre a été réimprimée, comme je crois l'avoir lu. Je voudrais bien avoir Seine, Seine & Oise, Seine & Marne, Marne, haute-Marne, Meuse, Meurthe, Aube, haute-Saône & Doubs. ces dix départements au moins avec les chemins de fer, si possible sur toile. Voilà, chère amie, bien des exigences d'un enfant gâté. Mais tu sais ce que je veux en faire, mes petites cartes que je possède sont tout à fait insignifiantes. Les chemins de fer sont tellement importants aujourd'hui que je ne puis pas croire que la grande carte du dépôt n'ait pas été tenue au courant de cet accessoire. Cependant tout est possible.

J'ignore si le temps va changer, il fait toujours froid & brumeux & pluvieux, le vent tend à se mettre d'Est & le baromètre de monter.

Je n'ai pas encore vu ton potager, celui des Heuchel est magnifique. Nanette[8] te fait dire qu'elle a encore tous ses petits poulets ; que l'on a essayé de vendre de la salade qui ne s'est pas vendue, & que sa caisse ne s'enrichit pas. Que la vache est encore comme le jour de votre départ. C'est Nanette qui parle & pour me dire tout cela elle est venue me tenir compagnie pendant mon souper. Elle a une lettre de Berthe[9] qui lui annonce que M. Zaepffel[10] est à Paris depuis 8 jours.

En même temps que vos deux lettres j'ai reçu un petit mot de ma sœur[11] qui me dit qu'Edgar est à Paris & plus à Versailles qu'on lui propose conseiller de Préfecture de cette dernière ville mais que lui persiste pour l'obtenir pour Paris. Quant à entrer dans les finances, il n'en est plus question, ces places devant être réduites de moitié. Pauvre nation, pauvre gouvernement, quel éventail pour éloigner toutes ces mouches gourmandes ; et quels Je m'arrête car je vais être méchant & c'est un vilain défaut que je ne tiens nullement à te faire connaître. Enfin il n'y a encore rien mais l'on espère toujours & la bonne Emilie ne doute de rien tellement sa foi est robuste. Elle me dit qu'elle a en ce moment une lessive. A l'un ou l'autre de vous de lui écrire car elle me dit ne pas encore avoir reçu de Missive de Montmorency. Elle ne me dit pas si son grand dada de Garçon[12] est encore chez elle. Rien de la petite Marie[13] non plus. Me charge par contre de ses meilleures amitiés pour tous sans oublier personne.

Ce matin nous avions la visite d'un Vosgien de beaucoup de bon sens, nous les croyons très rares de l'autre coté des monts. C'est surtout l'amour du travail qui manque de ces côtés-là. C'est le pays où l'on mange & boit bien.

J'attendais un peu Léon[14], bon-papa[15] m'écrit que sa femme en arrachant l'herbe s'est fait entrer un peu de terre dans un œil dont elle souffrait beaucoup. la nuit un peu de blanc d'œuf durci sur la partie malade lui a fait du bien, mais cependant elle va réitérer le remède cette nuit.

En parlant yeux je suis très content des miens, il y a bien longtemps que cette partie faible m'ait donné moins de soucis. Ce matin j'ai fait le paresseux, mais cela ne m'arrivera plus. Léon pour sa leçon d'Equitation quitte la maison à 5 h matin, à pied souvent, prend sa leçon & rentre, c'est d’un bel exemple comme tu vois. Il prend du reste goût à la chose il commence à sortir à cheval, à votre retour ce sera un élégant cavalier, cela me fait bien plaisir & plus encore au père[16]. Voilà que j'ai encore beaucoup bavardé & moi qui déteste tant d'écrire ; & dire que barbouiller ainsi est un charme.

Je ne veux pas commencer une autre feuille, cela serait de trop, il faut bien laisser quelque fond du sac pour demain bon soir donc Chérie, bonne becquée aux chéries[17] tout à toi

CHMF


Notes

  1. En-tête imprimé.
  2. Marie Mertzdorff.
  3. Frédéric Eugène Jaeglé est en visite chez son père.
  4. Georges Heuchel.
  5. Jules Heuchel, petit-fils de Georges.
  6. Alphonse Eugène Mairel, médecin à Thann.
  7. Jules Desnoyers.
  8. Annette, domestique chez les Mertzdorff.
  9. Berthe, domestique chez les  Zaepffel.
  10. Edgar Zaepffel.
  11. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  12. Personne non identifiée.
  13. Marie Zaepffel.
  14. Léon Duméril.
  15. Louis Daniel Constant Duméril, époux de Félicité Duméril.
  16. Louis Daniel Constant Duméril.
  17. Marie et Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 27 juin 1871 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_27_juin_1871_(B)&oldid=40915 (accédée le 21 novembre 2024).

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