Mercredi 28 juin 1871 (A)

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Montmorency) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec quelques mots d’Emilie Mertzdorff


Montmorency 28 Juin 1871[1]

pluie fine qui tombe depuis ce matin

Papa chéri,

T'exprimer le plaisir que me cause ta chère lettre à mon adresse que j'ai reçue hier serait au-dessus de mes forces.

Que je te remercie d'avoir pris la peine de m'écrire une aussi jolie et bonne lettre je te remercie mille et mille fois de ta bonté. Nous aussi nous pensons sans cesse à notre bon petit père et prions Dieu pour qu'il le conserve en bonne santé.

Pour nous nous allons très bien nous essayons de travailler un peu hier je n'ai fait qu'un problème et une lecture d'histoire romaine tu vois que ce n'est pas grand'chose aujourd'hui j'ai déjà appris un peu de catéchisme fait de la tapisserie et maintenant je griffonne quelques mots à mon cher papa Emilie[2] fait un petit devoir à côté de moi elle vient de terminer un petit bonnet de pauvre qui est fort gentil elle était bien contente. Je pense faire une dictée tout à l'heure. En même temps que ta lettre j'ai reçu une lettre de Marie Berger tout le monde va bien et l'on tâche de les distraire un peu les jours de congé : hier soir il y a eu une affaire d'oiseaux très drôle que je vais essayer de te raconter. Il y avait dans le lierre d'un arbre un nid d'oiseaux auquel bon-papa et bonne-maman[3] s'intéressaient. le père Beland ce vieux bonhomme que l'on emploie à toute <sauce> et qui t'a porté ton sac au chemin de fer et qui comme tu sais est fort Drôle avait dépouillé, sous la direction de bonne-maman l'arbre du lierre mais bonne-maman lui avait fait laisser une touffe où se trouvait la petite famille. Ne voilà-t-il pas qu'hier il s'avise d'aller l'ôter et naturellement les petits sont tombés. Quelques instants après on l'apprend à bonne-maman qui fort fâchée s'en va avec moi pour gronder papa Beland comme elle l'appelle. B.M. Eh bien mon père Beland vous avez touché à mon nid et qu'avez-vous fait des petits ? (pendant ce temps-là la pauvre mère < > non loin du nid vide) Père Beland Y sont dans un piau, y allions s'envoler et à toutes les questions de b.m. ce fut sa seule réponse alors nous avons été avec Jean (le domestique[4]) pour chercher les 3 petits qui étaient effectivement dans un piau (pot). Jean est monté à l'échelle pour essayer de les remettre dans le nid mais à peine posait-il le second qu'il tombe en bas et se fait bien du mal et ce matin il est mort. Pour finir mon histoire Jean a cherché une petite cage où l'on a déposé les 3 pauvres petits et qu'on a pendue à l'arbre en y laissant une ouverture en haut pour que la mère puisse les nourrir mais au lieu de la mère c'est un petit qui est sorti de sorte que ce matin il n'en reste plus qu'un.

Tu avais bien deviné mais seulement Emilie couche dans un lit à elle Qui ne gêne pas dans la journée car on le plie dans un coin. Enfin nous sommes à merveille. Quand tu écriras je te prie de dire de quelle couleur sont les roses qui grimpent autour du kiosque.

Adieu cher papa je t'embrasse de tout mon cœur et te remercie encore de ton attention en m'écrivant. Maman[5] se joint à moi pour t'embrasser. Emilie de même. Bonne-maman et bon-papa te font dire bien des choses.

Cécile[6] me prie de ne pas non plus l'oublier Bien des choses à Thérèse et Nanette[7] dis à cette dernière que je suis enchantée qu'elle te soigne bien ne lui défends surtout pas de te faire de petits plats. ta petite fille qui t'embrasse encore une fois.

Marie Mertzdorff

Bonjour papa. Je t'embrasse ta Founi[8].


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Emilie Mertzdorff, petite sœur de Marie.
  3. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
  4. Jean, domestique d’Alfred Desnoyers.
  5. Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff.
  6. Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
  7. Annette et Thérèse Neeff, domestiques chez les Mertzdorff.
  8. Founi : Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 28 juin 1871 (A). Lettre de Marie Mertzdorff (Montmorency) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec quelques mots d’Emilie Mertzdorff », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_28_juin_1871_(A)&oldid=35138 (accédée le 22 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.