Mardi 25 octobre 1814 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre (incomplète) d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Orléans)



230 C

1812 1815[1]

Continuation de la lettre remise à M. Valet.

25 Octobre

Je vais commencer mon bon ami par te raconter le propos que nous tînt hier ton fils[2], à maman[3], ma tante et moi, nous parlions de Mme Varnier[4] et de sa manière de se mettre, disant qu’elle était toujours mise d’une manière convenable pour son âge et avec assez de goût ; Alors Constant, qui tu sais, écoute tout ce que l’on dit, se mit à dire d’un air fort drôle et qu’il aurait fallu voir, Oui, mais nue elle doit avoir un bien drôle d’air. Je crois que si tu t’étais trouvé là tu aurais bien ri avec nous. Ce qui est fâcheux chez M. Ton fils c’est qu’il prend beaucoup de dégoût pour l’obéissance, et sans faire de grandes sottises il est ennuyeux toute la journée par mille petites bêtises ; et je ne sais comment m’y prendre pour changer sa manière d’être. Je crois bien qu’un des grands moyens sera plus d’occupations ; et plus souvent, si la chose est possible, la société d’enfants de son âge.

J’ai reçu l’autre jour un billet de M. Brongniart[5], pour me renvoyer le 1er volume du Robinson suisse[6] que nous lui avions prêté et en redemander d’autres. A la fin du billet il y a cette phrase pour toi « Duméril est-il revenu ? Comment se porte-t-il ? La société va reprendre ses séances et j’espère que nous nous y verrons. » J’ai répondu un mot, et j’ai mis quelque chose d’obligeant de ta part. J’ai souvent des billets à écrire, et quelques-uns ne laissent pas que de me coûter. On en est dédommagé de la peine quand ce qu’on écrit produit l’effet qu’on en attend ; J’eus avant-hier la visite du candidat recommandé par M. DeFrance de Caen[7], il venait me remercier du bon effet qu’avait produit ma lettre à M. Chaussier. Il paraît que ce dernier a tout de suite pris en considération la recommandation, et a traité le dit candidat avec beaucoup de douceur pendant tous les examens ; aussi ce Caennais avait l’air très reconnaissant, et très content de lui-même et du Président du jury.

J’ai oublié de te raconter que j’eus le lendemain de ton départ la visite de Mme Acloque[8] et de sa fille aînée[9] qui apporta à Constant des dragées du baptême de sa sœur[10]. Dimanche nous avons eu une longue visite de Mme Torras[11] qui nous raconta que M. De Candolle avait été de retour à Montpellier hier pour le passage de Monsieur[12] ; Le préfet[13] ayant dit que certainement ce Prince irait visiter le jardin des plantes, on y a fait toutes sortes de préparatifs, entre autres un arc de triomphe. Toute la société de Madame De Candolle vint se promener dans le jardin, et elle passa la journée à la recevoir et à se promener avec elle ; on attendit inutilement, le Comte d’Artois quitta Montpellier sans aller au jardin des Plantes ; Il paraît qu’ils ont été très désappointés de ce mécompte. M. De Candolle a rapporté de Genève un portrait au crayon extrêmement ressemblant de son fils Alphonse. Cet enfant a pourtant montré de la sensibilité au départ de son père, il paraît qu’il a beaucoup pleuré. Nous avons eu hier la visite des Dames Say au second déjeuner, et nous devons la leur rendre demain à la même heure. Il paraît qu’Adrienne[14] a eu beaucoup de succès en Angleterre, ou du moins il paraît sa mère s’en flatte. Cela me fait une peine extrême pour son bonheur.


Notes

  1. Ces deux propositions de date, ultérieures, sont fausses ; la lettre est écrite en 1814.
  2. Louis Daniel Constant Duméril.
  3. Marie Castanet, veuve de Daniel Delaroche et sa sœur Elisabeth Castanet.
  4. Françoise Judith Lecointe, épouse de Charles Louis Varnier, grand-mère maternelle d’une amie d’Alphonsine, Anne Françoise Torras.
  5. Alexandre Brongniart.
  6. Johann Rudolf Wyss (1782-1830), professeur de philosophie à l'Académie de Berne, fils du pasteur Johann David Wyss (1743-1818), rédige sous forme de roman et publie Der schweizerische Robinson, récit conçu par son père pour ses enfants. La Bibliographie de l'Empire français, ou Journal de l'imprimerie et de la librairie annonce le 24 décembre 1813 : « Le Robinson suisse traduit de l'allemand de Wiss par Mme de Montolieu. 2 vol. in-12, à Paris, chez Arthus Bertrand. ». Dès 1816 parait une seconde édition en 4 volumes de ce Journal d'un père de famille naufragé avec ses enfans, « ornée de la carte de l'île déserte » et de gravures, « augmentée des Petits Robinson dans leur île, comédie ». Cette œuvre connaît de nombreuses éditions et traductions.
  7. Jacques Louis Marin Defrance.
  8. Élisabeth Geneviève Roth, épouse d'André Gabriel Aclocque (de Saint-André).
  9. Geneviève Apolline Aclocque (de Saint-André).
  10. Maria Aclocque.
  11. Anne Gardelle, épouse de Pierre Torras et dont la fille Anne Françoise a épousé Augustin Pyramus de Candolle.
  12. Le comte d’Artois, futur Charles X (1757-1836), frère de Louis XVIII, nommé lieutenant général du royaume, parcourt la France en triomphateur, de la Champagne au Languedoc.
  13. Joseph Victor Aubernon (1783-1851) est nommé préfet de l’Hérault en janvier 1814, en remplacement de Pierre Barthélemy Nogaret.
  14. Adrienne Say, fille de Jean Baptiste Say et Julie Gourdel de Loche, voyage en Angleterre avec son père du 19 septembre au 22 octobre 1814.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril à sa femme, p. 134-136).

Pour citer cette page

« Mardi 25 octobre 1814 (B). Lettre (incomplète) d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Orléans) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_25_octobre_1814_(B)&oldid=59272 (accédée le 19 avril 2024).

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