Mardi 21 janvier 1862
Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre)
21 Janvier 1862
Ma chère Isabelle
J'ai vraiment un million d'excuses à t'adresser pour la lenteur que j'ai mise à répondre à ta charmante et si affectueuse lettre qui m'a fait tant de plaisir en me prouvant que tu m'as gardé ton amitié et que nous sommes toujours les mêmes vis-à-vis l'une de l'autre. Je ne puis te dire combien mon temps a été rempli depuis quelque temps de toutes manières, d'abord le mois de Décembre est toujours un mois qui déborde on a les vêtements des pauvres, l'arbre de Noël, les préparatifs du jour de l'an etc. puis au milieu et par-dessus tout cela j'ai eu mes enfants[1] souffrants tour à tour et qui m'ont fait craindre la rougeole quand l'une a été bien, l'autre a commencé, en outre ma belle-mère[2] a eu une bronchite, il lui est expressément défendu de sortir de sa chambre pendant 6 semaines et comme elle vit toute seule quoique sa maison tienne à la nôtre, il a fallu que je sois là autant que possible, puis nous avons eu ma belle-soeur[3] de Colmar, enfin depuis 6 semaines je ne puis te dire combien de fois j'ai voulu prendre ma plume et combien de fois je l'ai remise à sa place étant appelée autre part. Tu ne m'en veux pas, n'est-ce pas ma chère amie, et mon long silence ne t'a pas fait douter de mon affection, si tu savais combien de fois je pense à toi et combien j'ai eu de plaisir à causer avec Fanny Monod ; voilà une famille qui t'apprécie bien comme tu le mérites. Quel plaisir ce serait pour moi de me retrouver avec toi, aussi tout bas je veux t'avouer qu'il ne serait pas impossible que je fasse une petite excursion à la Côte aux beaux jours car Charles[4] doit aller en Angleterre avec Léon[5]. Mais tout cela est bien incertain encore car deux marmottes comme les miennes sont des colis bien gênants et d'ici au mois de Mai il y a encore trop longtemps pour que mille incidents ne puissent venir empêcher l'exécution d'un projet ; mais tu sais qu'on pense toujours volontiers à ce que l'on souhaite, l'idée de ce voyage me revient bien souvent. J'aurais tant de plaisir aussi à te faire voir mes enfants car je sais que tu as aussi de l'amitié pour elles. Mimi est très amusante maintenant par son bavardage ; elle est calme, assez réfléchie, très observatrice, fort bavarde quand nous sommes seuls et froide comme le marbre quand il y a quelqu'un d'étranger ; elle a de la mémoire et veut toujours apprendre, elle sait presque toutes ses lettres et les apprend en jouant. Emilie est d'un caractère tout autre, c'est la poudre, je ne puis te dépeindre sa vivacité, son entrain et sa gaieté ; elle court à 4 pattes comme un lapin et se dresse seule devant tous les meubles, elle ne marchera pas vite car elle va aussi vite qu'elle veut en se traînant. Déjà depuis longtemps je veux t'envoyer leurs portraits et quelque peu flatteurs qu'ils soient pour moi je me fais un plaisir de vous offrir mes fillettes, tu en trouveras ci-joint non seulement à ton adresse mais à celles des autres membres de la famille, voilà 6 mois qu'ils sont faits et Emilie qui a maintenant 11 mois 1/2 est bien changée. Je ne puis te dire combien tes dernières cartes m'ont fait plaisir je te retrouve tout à fait mais je ne puis en dire autant de Lionel[6] ou il est changé ou son portrait n'est pas bon. Au reste ce doit être un grand garçon maintenant. Quant à toi te voilà sans doute au milieu des fêtes en ce moment, le carnaval sera long et tu en profiteras je pense. Ici il y a calme plat mais ce n'est pas moi qui m'en plains. Les Kestner sont tous plus ou moins souffrants ; M. Kestner n'est pas encore remis et les autres ont eu des rougeoles ; dans d'autres familles il y a des deuils et des mauvaises affaires, nous nous avons aussi un grand chagrin c'est l'état de ma tante[7] la femme de mon oncle l'ingénieur ; elle est au plus mal et à chaque instant nous attendons une dépêche terrible. Du reste notre colonie alsacienne est en bonne santé et mes parents[8] se sont très bien faits à leur nouveau genre de vie.
Adieu ma bien chère Isabelle, sois je te prie, notre interprète à tous auprès de ton bon père[9] pour lequel nous avons une si sincère et respectueuse affection. Présente nos bons souvenirs à Mlle Pilet[10] et distribue à tous les autres membres de la famille les amitiés des Vieux-Thannois. Ne m'oublie pas surtout auprès de Matilde[11] qu'on dit une vraie demoiselle, je l'embrasse tendrement. Quant à toi ma chère amie sois sûre que je t'aime toujours bien tendrement et que je regrette vivement la grande distance qui nous sépare mais l'amitié rapproche tout, je t'envoie de bons baisers et suis ta cousine et vieille Crol
Quel évènement dans votre vie que le départ d'Edmond[12]
Je t'envoie pour toi 3 Émilies et 2 Mimis et 1 papa[13] tu feras choisir je te prie les autres aux Delaroche[14], aux Georges[15] et à Matilde qui elle, ne m'a pas donné le sien, la vilaine.
Notes
- ↑ Marie, Mimi (2 ans ½) et Émilie (bientôt 1 an) Mertzdorff.
- ↑ Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Charles Mertzdorff, époux de Caroline.
- ↑ Léon Duméril, frère de Caroline.
- ↑ Lionel Henri Latham, jeune frère d’Isabelle.
- ↑ Alexandrine Brémontier, épouse de Charles Auguste Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant et Félicité Duméril se sont installés en Alsace au printemps.
- ↑ Charles Latham.
- ↑ Gouvernante chez les Latham.
- ↑ Louise Matilde Pochet, cousine.
- ↑ Richard Edmond Latham, frère aîné d’Isabelle.
- ↑ Il s’agit de photographies.
- ↑ Famille d’Henri Delaroche et son épouse Céline Oberkampf.
- ↑ Georges Pochet et son épouse Berthe Le Barbier de Tinan.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Mardi 21 janvier 1862. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_21_janvier_1862&oldid=60912 (accédée le 13 octobre 2024).
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