Mardi 20 septembre 1859 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son fils Auguste Duméril (Trouville)

Original de la lettre1859-09-20B-pages1-4.jpg Original de la lettre1859-09-20B-pages2-3.jpg


291

Paris mardi 20 7bre 1859

Mon Cher ami – Nous voyons, par ta lettre, écrite hier, que tu comptes, après celle que je t'ai adressée de Thann, que je suis tout disposé à partir pour Trouville dès demain ; mais en vérité ! j'aurais tort. La saison n'est pas telle que nous la voyons chaque année. les trois derniers jours que j'ai passés à Thann m'ont été assez pénibles ; il faisait froid. je n'ai pu mettre les pieds dehors et j'ai été mal entrain, affecté d'une polyurie et presque d'incontinence que j'ai attribuée à l'usage du vin blanc.

j'ai été très bien pendant la route et je me trouve fort content ici. je crains un nouveau déplacement quoique aujourd’hui le temps soit, pour le moment, assez beau, hier il faisait beaucoup de vent et je me suis senti frileux. Nous venons de décider en famille que je n'irai pas vous rejoindre vous n'êtes pas assez chaudement logé et, malgré le plaisir que j'aurais à me retrouver dans votre intérieur, le séjour au Havre ne me serait pas non plus très agréable. j'écrirai demain à M. Latham[1] pour lui faire connaître ma détermination. Dis à Eugénie et à Adèle[2] que je regrette de ne pouvoir aller les rejoindre.

mon Cher ami, je ne saurais trop te dire combien je te suis reconnaissant des utiles corrections si heureuses par la grande attention que tu as mise à interpréter mieux le sens de mes idées. je vois que tu es intimement entré dans le fond de celles que tu m'as fait si bien exposer et dont j'apprécie toute la justesse par tes notes[3].

j'ai donné le bon à tirer des épreuves déjà corrigées et mises en pages.

aujourd'hui je porterai les premiers huit ou dix placards jusqu'à la page 73 que tu m'avais envoyés de Trouville jusqu'au placard 201, afin qu'on les mette en pages je ferai en sorte de revoir les onze qui suivent dans la journée de demain. je ne t'envoie pas les placards que j'ai corrigés à Charleville et dont tu as les doubles envoie-les moi – je reporterai mes observations sur celles que tu vois avec tant de soins et de si justes observations. je m'informerai aujourd'hui chez Didot[4] pour savoir si ton envoi lui est parvenu. il n'y était pas hier. alors je les reprendrai pour les mettre en rapport avec ceux que j'avais à Charleville.

Les clous de Constant[5] vont mieux – il n'y a pas d'indices de nouveaux; mais il reste un peu d'empâtement autour du dernier pour lequel, quoiqu'il soit cicatrisé, il reste de l'empâtement que je ferai traiter avec un peu d'onguent Napolitain[6].

Félicité[7] se propose de partir pour thann à la fin de la semaine ou dès les premiers jours de la prochaine. On a reçu ce matin une bonne lettre de Léon[8]. Ce voyage de Suisse[9] l'a beaucoup intéressé ; mais il est toujours morose – et j'ai vu avec peine, que dans les nombreuses et gaies réunions qui ont eu lieu à Thann il s'est constamment tenu à l'écart et peu communicatif. Sa manie pour l'eau chaude que j'espérais voir corriger en voyage a persisté et M. Charles[10] lui a fait constamment apporter ce breuvage, sans cela il ne buvait pas – il ne veut manger aucun fruit cru mais très bien des compotes qui sont aussi froides que les pêches et le raisin.

j'ai bien reçu et remis à Thominot ta figure avec la feuille Anglaise qui contient la description de l'ornithocéphale[11] il s'en est occupé hier et me la rapportée

Ma belle-sœur[12] a éprouvé hier des douleurs dans les parois du ventre qu'elle a attribuées à du rhumatisme. elle a bien dormi. ne souffre pas aujourd'hui et a déjeuné comme à son ordinaire.

Adieu, Mon Cher ami, j'espère que tu ne m'en voudras pas de manquer à la promesse que je vous avais faite mais réellement j'ai senti que je pouvais compromettre ma belle santé. c'est de l'égoïsme et il me coûte un peu, puisque je retarde de plus d'une quinzaine le plaisir que j'aurai à me trouver près de vous – je vous embrasse tous ton père qui se trouve heureux d'être ton obligé

C. Duméril


Notes

  1. Charles Latham, neveu d’André Marie Constant Duméril, habite à Ingouville, près du Havre.
  2. Eugénie Duméril est l’épouse d’Auguste, et Adèle, leur fille de 15 ans.
  3. André Marie Constant Duméril prépare avec l’aide de son fils la publication de son Entomologie analytique. Histoire générale, classification naturelle et méthodique des insectes, qui paraît chez Firmin-Didot en 1860.
  4. Didot, famille d'imprimeurs et éditeurs, dont la raison sociale devient « Firmin-Didot » sous le Second Empire.
  5. Louis Daniel Constant Duméril, frère d’Auguste.
  6. L’onguent Napolitain est une pommade à base de mercure, utilisée dans le traitement des inflammations, des tumeurs et des maladies vénériennes.
  7. Félicité, épouse de Louis Daniel Constant Duméril, s’apprête à partir pour Vieux-Thann où habite leur fille Caroline, épouse de Charles Mertzdorff et la petite Marie.
  8. Léon Duméril, frère de Caroline, qui est auprès de sa sœur.
  9. Voir le récit de ce voyage en Suisse.
  10. Charles Mertzdorff.
  11. L’ornithocephalus est une espèce de gecko dont il existe des fossiles.
  12. Alexandrine Cumont, veuve d’Auguste Duméril l’aîné.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mardi 20 septembre 1859 (B). Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son fils Auguste Duméril (Trouville) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_20_septembre_1859_(B)&oldid=40824 (accédée le 25 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.