Mardi 20 et mercredi 21 septembre 1859 (C)
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Bourguignolles) à son amie Adèle Duméril (Paris)
20 septembre 1859
Ma chère Adèle,
Je viens te prier d’être notre interprète auprès de tes bons parents[1] pour leur dire combien nous avons été touchés de l’accueil si affectueux qu’ils nous ont fait. Le souvenir de ce Dimanche, passé avec vous à Trouville, restera pour nous, comme celui d’une de ces journées auxquelles on aime à penser.
Nous sommes revenus enthousiasmés de la magnifique promenade que vous nous avez fait faire, chantant les louanges de nos guides et racontant les merveilles de Trouville. La pluie et le vent doivent diminuer un peu les charmes du bord de la mer, ici le soleil ne brille que tous les deux jours, et nous oblige ainsi à jouir de tous les plaisirs : travail à l’aiguille, musique, petits jeux innocents pour les jours orageux ; et le lendemain promenade en voiture, visites dans les châteaux environnants.
Tu vois que c’est pour le mieux et que tous les goûts peuvent être satisfaits.
L’autre jour nous sommes allés jusqu’à l’entrée de la vallée d’Auge, sommes revenus par Crèvecœur[2], avons visité le château d’un M. de <Lauron> et les restes d’une templerie ; voilà une promenade qui nous fort intéressés. Dimanche la ville de Lisieux était en fête ; le journal de la localité que vous aura dit que les bœufs, vaches et cochons étaient les seuls ornements de la fête ; aussi après avoir donné un mot d’encouragement à ces respectables bêtes nous sommes-nous dirigés vers Boutemont[3], petit château-fort avec tourelles, fossés et pont-levis ; sa position est charmante sur la route de Pont-Lévêque, à 2 heures de Lisieux. Hier – (je reprends la plume ce matin mercredi car la cloche du déjeuner m’a empêchée de continuer ma causerie) hier donc c’était jour de soleil et nous en avons profité pour aller au Catelier faire visite à la famille Halphen et ensuite, en voiture, nous avons exploré la délicieuse route de Fervacques[4].
Nous quitterons décidément Bourguignolles Samedi prochain pour nous diriger vers Rouen, Dieppe, Amiens, et rentrer vers le 2 ou le 3 au bercail. Pour vous, comme pour nous, souhaitons que Mme la pluie suspende pour quelques jours ses visites beaucoup trop fréquentes pour des voyageurs. Papa[5], malgré son désir de vous aller voir, ne pourra mettre à exécution ce petit projet, étant arrivé bien après nous et il ne serait pas aimable à papa de quitter Bourguignolles. Il me charge de vous exprimer ses regrets et prie d’adresser à ton père ses compliments affectueux. Maman[6] envoie ses meilleures amitiés à ta bonne mère et les deux sœurs[7] t’embrassent bien tendrement. Ecris-moi chère petite Dèle.
Ta vieille et bien sincère amie
Eugénie D.
Notes
- ↑ Adèle est fille d’Auguste et Eugénie Duméril.
- ↑ Le château de Crèvecœur, construit sur une motte et entouré d’une muraille du XIIe siècle, garde un caractère agricole avec une ferme, un colombier et une grange.
- ↑ Le château de Boutemont (XII-XVIIIe siècles), situé sur la commune d'Ouilly-le-Vicomte, à 5 kilomètres au nord de Lisieux, se compose de quatre tours d'angles, d'une poterne, d'un pont-levis ; il est entouré de douves sèches et d’un jardin avec serres, bassin et orangerie.
- ↑ Fervacques, à 5 kilomètres de Livarot, possède un château des XVIe et XVIIe siècles.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Eugénie et sa sœur Aglaé Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 20 et mercredi 21 septembre 1859 (C). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Bourguignolles) à son amie Adèle Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_20_et_mercredi_21_septembre_1859_(C)&oldid=48214 (accédée le 18 décembre 2024).
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