Mardi 18 mai 1880

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris)


original de la lettre 1880-05-18 pages 1-4.jpg original de la lettre 1880-05-18 pages 2-3.jpg


Mardi 18 Mai 80[1]

Ma chère Marie

En même temps que ta bonne lettre j’ai eu le plaisir de lire les nouvelles que m’adresse Émilie[2] ; cette dernière me dit qu’Aglaé et Alphonse[3] sont un peu souffrants ce qui est toujours pénible à apprendre, ce sont des fatigues accumulées & il n’y a qu’un repos que l’on ne se donne pas qui peut réparer.

Ici nous avons eu Vendredi dernier un bien triste événement, qui très heureusement n’aura pas toutes les suites fâcheuses qui étaient à craindre. Marie Léon[4], qui est souffrante comme tu sais s’est trouvée prise de grandes douleurs dans la nuit & vers deux heures du matin a fait une fausse couche d’un enfant de 5 à 6 mois. L’on avait fait chercher le Docteur Bornèque[5] & la sage-femme dans la nuit. Hier son frère[6] est arrivé & aujourd’hui elle va aussi bien que possible. La mère qui n’est pas forte a été bien éprouvée, elle est couchée ; c’est une sœur de jour & une autre de nuit qui lui donnent les soins.
Son frère la trouve si bien qu’il voulait déjà retourner à Paris, qu’il a quitté sans avoir le temps de prévenir son chef.
Léon a été aussi bien secoué par cet accident malheureux ; il avait bien mauvaise mine ces derniers jours, le voilà qui se remet un peu.

Bonne-maman[7] sort d’ici, elle venait de chez MmeStackler[8] où se trouve Marie, c’est d’elle & de Léon que je sais que l’on va aussi bien que possible, mais bonne-maman ne peut pas encore voir sa belle-fille à laquelle il faut encore pour quelques jours un repos complet.

Tu voudras bien lire ma lettre à Aglaé pour lui apprendre cette triste nouvelle que je ne puis charger ta sœur de lui dire car je ne sais pas si j’aurai le temps de lui écrire. M. Jaeglé[9] a profité des jours de fête pour aller voir toute sa famille à Dorlisheim & Strasbourg, je suis seul & je ne suis pas libre de mon temps.
Ces deux jours je n’ai pas quitté la maison & étais tout seul toutes les 2 journées que j’ai employées à mettre en ordre mes livres, & lorsque je suis à cette besogne je m’y passionne & n’aime pas quitter avant la fin ; car trop souvent j’ai à recommencer lorsque j’interromps.

Avant-hier j’ai reçu une lettre de M. Teschet qui est chargé de l’expédition de tes 23 caisses ; il me demande un certificat du maire[10], visé & traduit autrement tes meubles paient un droit d’entrée en France. C’est ce que l’on est en train de faire & malgré toute la diligence que l’on y met c’est toujours un long temps de perdu, en attendant tes meubles sont à Mulhouse. mais cela ne t’empêchera pas d’entrer chez toi je l’espère, car ta tante aura prévu la chose pour le lit de ta bonne[11]. Il faudra bien une 10aine de jours encore avant que vous ne receviez les colis.

Bon-papa[12] est enrhumé il a la voix bien cassée & bonne-maman tousse toujours comme elle dit de sa toux nerveuse mais la nuit cela l’empêche de dormir & elle n’a pas bonne mine.

Je vois que ta bonne tante te ménage de bonnes & agréables surprises[13] & t’a prouvé une fois de plus que tu étais une enfant gâtée & aimée.
Que j’aimerais donc te voir dans ton nouveau domaine fonctionnant en vraie Maîtresse de Maison dans ton joli petit nid, puisque tout le monde est d’accord qu’il est ravissant. Émilie cette chère Enfant en jouit autant que si c’était à elle. Lorsque je serai à Paris tu nous auras souvent [ ]

voici 4 pages sans que j’aie dit un mot à Marcel[14], mais il est de 1/2 avec toi et ce que je te dis est bien aussi pour lui-même car il a laissé dans mon cœur de si bons souvenirs que vous ne faites plus qu’un chez moi.
Continuez à vous aimer comme vous le faites & certainement Dieu vous protègera & vous aimera aussi. le bonheur ici-bas est à ce prix, prix bien doux comme tu le vois.

Le temps est beau cependant tous les jours nous avons un orage & de la pluie.
Dimanche les processions ont été dispersées par une pluie abominable qui a fait bien des dégâts dans les belles toilettes de ces Demoiselles.

Tu embrasseras Marcel pour ton papa qui l’aime bien et pour toi ma chérie toutes mes tendresses. Mon intention est d’écrire encore à ta sœur.

Bon-papa a rencontré hier toute la famille Berger[15] qui rentrait d’une course sur la Rangen[16]. ils ont quitté après la messe & étaient rentrés pour Midi.

L’absence de Jaeglé m’a empêché de commencer ma saison de Wattwiller. il ferait bien assez chaud pour prendre des bains. Il ne revient que Jeudi prochain.


Notes

  1. Papier à en-tête professionnel.
  2. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Aglaé Desnoyers (« ta tante ») et son  époux Alphonse Milne-Edwards.
  4. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  5. Pierre Léon Bornèque.
  6. Henri Stackler.
  7. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  8. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler et mère de Marie.
  9. Frédéric Eugène Jaeglé, gérant de l’usine.
  10. Thiébaut Zimmermann, maire de Vieux-Thann ?
  11. La jeune bonne Armandine.
  12. Louis Daniel Constant Duméril.
  13. Aglaé Desnoyers-Milne-Edwards a meublé le pavillon de Marie pendant son voyage de noces.
  14. Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
  15. La famille de Louis Berger et Joséphine André.
  16. Le coteau du Rangen est au-dessus de Thann et Vieux-Thann.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 18 mai 1880. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_18_mai_1880&oldid=40761 (accédée le 3 décembre 2024).

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