Mardi 11 et vendredi 14 août 1863

De Une correspondance familiale

Lettre de Félicité Duméril (Vieux-Thann) à Eugénie Desnoyers, amie de sa fille décédée (Montmorency)


Mardi 11 Août 1863

Nous voici de retour à Vieux Thann depuis huit jours[1], ma bien chère enfant, le voyage s'est fort bien passé mais malheureusement ayant laissé pendant la nuit les glaces du Wagon baissées, il en est résulté pour notre chère Adèle un gros rhume dont elle était toute changée, puis au bout de deux jours elle a été atteinte d'une forte fièvre qui nous avait un peu inquiétés, mais grâce à Dieu tout cela ne sera rien, le médecin nous a bien rassurés et j'espère qu'elle aura aujourd'hui la permission de se lever. Je compte aller passer seule à Morschwiller la journée du Jeudi, afin de faire préparer la maison pour y recevoir nos chères parisiennes[2] que nous espérons garder à Morschwiller un certain temps avec nos chères petites[3] qui sont on ne peut plus gentilles et aimables pour leurs bonnes tantes, mère et fille. Ma sœur a dit à Charles[4] combien tout le monde serait heureux s'il laissait venir les chères petites à Paris, elle est revenue à la charge de la manière la plus pressante, la plus affectueuse, en ajoutant qu'elle retarderait son départ pourvu qu'elle pût amener chez elle ses petites nièces. Charles serait trop préoccupé s'il n'était pas auprès de ses enfants pendant le voyage, il nous donnerait donc le contentement de venir avec nous, si toutefois ce projet est mis à exécution. Ma sœur met toute sa maison à notre disposition et ce serait dans quinze jours ou trois semaines après le retour de Charles de Wildbad[5] où il est depuis Dimanche dernier que nous nous dirigerions en famille vers Paris, mais tout cela me paraît encore bien incertain. Ma pauvre mère[6] est dans le ravissement de ce projet. Comment voir ces douces et gentilles petites créatures en face de leur bisaïeule sans éprouver une vive émotion, comment pourrais-je les voir dans tes bras sans que je retrouve une partie de ma bien aimée fille[7] ? (Vendredi 14 Août) Je reprends cette lettre aujourd'hui, ma chère enfant, je n'ai pu la continuer parce que notre petite Miky a été souffrante, elle a été prise d'accès de fièvre et de mal de gorge, M. Conraux étant absent dans ce moment, M. Marcel est venu la voir et nous a de suite rassurés, c'est surtout lorsque Charles n'est pas là que je suis doublement troublée à la moindre indisposition des chères petites, mais grâce à Dieu Miky est à peu près remise aujourd'hui et elle reprend ses petites allures habituelles. Cette indisposition et celle de notre bonne Adèle remettent forcément notre départ pour Morschwiller, j'espère cependant que nous pourrons y aller la semaine prochaine. Quel doux contentement pour nos cœurs d'avoir ici ma sœur si bonne, si affectueuse pour nous tous, et cette chère Adèle qui est un ange. J'embrasse de toutes mes forces ta tendre mère[8] et lui répète de se laisser soigner à Montmorency qui rappelle à mon cœur tant de doux souvenirs. A l'instant arrive la petite Miky avec la lettre de sa petite marraine chérie[9] ; mille et mille remerciements de tout ce que tu dis à notre chère petite qui est dans le ravissement de posséder une nouvelle lettre de toi. Emilie dort dans ce moment dans mon lit, la chaleur excessive que nous avons abat les enfants comme les grandes personnes, notre petite Emilie est une si douce et tendre enfant, ma sœur en est tout aussi enchantée que de Miky. Mon bon mari[10] revient ce soir passer avec nous les journées de Samedi et Dimanche, nos jeunes gens Georges[11] et Léon[12] profitent de ces deux jours de vacances pour aller faire une excursion en Suisse. Adieu ma Nie Crol c'est Adèle qui la première t'a donné ce nom qui est gravé dans mon cœur. Je t'embrasse comme je t'aime ainsi qu'Aglaé[13]

F. Duméril

Ma sœur et Adèle t'envoient leurs tendres amitiés. Avez-vous vu Mme Fröhlich[14], comment se porte cette bonne amie ?

Mille choses bien senties à ton excellent père[15]. Ne nous oublie pas auprès de notre cher Julien[16] et de M. Alphonse[17]

La petite fleur bleue renfermée dans ta lettre à Miky nous est précieuse ainsi que les branches de réséda que tu m'as remises au moment où je te quittais à Montmorency

La bonne Cécile[18] se rappelle à ton souvenir.


Notes

  1. Félicité habite auprès de ses petites-filles à Vieux-Thann ; son époux Louis Daniel Constant Duméril et leur fils Léon demeurent à Morschwiller. Félicité revient d’un voyage à Paris, accompagnée de sa sœur et sa nièce Adèle Duméril.
  2. Adèle Duméril et sa mère Eugénie Duméril, sœur de Félicité.
  3. Marie (Miky) et Emilie Mertzdorff, petites-filles de Félicité.
  4. Charles Mertzdorff, père des fillettes, époux de Caroline Duméril, décédée en 1862.
  5. Wildbad, ville thermale du Bade-Wurtemberg en Allemagne, dont les eaux sont réputées soigner les rhumatismes.
  6. Alexandrine Cumont, veuve d’Auguste Duméril l’aîné.
  7. Caroline Duméril.
  8. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  9. Eugénie Desnoyers est le marraine de Marie Mertzdorff.
  10. Louis Daniel Constant Duméril.
  11. Georges Léon Heuchel.
  12. Léon Duméril, fils de Félicité.
  13. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards et sœur d’Eugénie.
  14. Eléonore Vasseur, épouse d’André Fröhlich.
  15. Jules Desnoyers.
  16. Julien Desnoyers, frère d’Eugénie.
  17. Alphonse Milne-Edwards, beau-frère d’Eugénie.
  18. Cécile, domestique chez les Mertzdorff, attachée au service des fillettes.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mardi 11 et vendredi 14 août 1863. Lettre de Félicité Duméril (Vieux-Thann) à Eugénie Desnoyers, amie de sa fille décédée (Montmorency) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_11_et_vendredi_14_ao%C3%BBt_1863&oldid=40661 (accédée le 15 novembre 2024).

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