Mardi 10 juillet 1877

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1877-07-10 pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-07-10 pages 2-3.jpg


Mon Père chéri,

J’espère qu’Emilie[1] t’a remercié en mon nom pour ta bonne lettre de Dimanche en tous cas si elle ne l’a pas fait je m’empresse de réparer son oubli et de te dire tout le plaisir qu’elle m’a causé.

Voilà la chaleur qui recommence ; aujourd’hui il fait une température un peu trop douce aussi pour nous reposer nous irons au bain froid ; nous y allons continuellement, 4 ou 5 fois par semaines, et nous nous y amusons beaucoup comme tu le penses bien ; hier j’y ai été en sortant du cours d’anglais[2] avec Jeanne Brongniart et Marthe[3] aujourd’hui j’y retourne avec Marthe et Emilie, je n’y reste pas bien longtemps, 10 minutes, mais cela est cependant plus agréable qu’une douche. Hier nous avons passé une bonne journée de travail ; nous avons été à 1h chez Mme Roger[4] ; nous saurons bientôt le morceau à 2 pianos, quel malheur de ne pas pouvoir te le jouer car il est très joli. De là nous avons été chez Mme Foussé elle faisait elle-même son cours quoiqu’elle fût bien fatiguée nous avons répété la comédie il y aura probablement [Lundi] prochain une représentation générale sans gestes & que vais-je faire de mes bras ?

Ce matin Mlle Duponchel[5] est venue. Nous avons fixé un 2e fusain cela m’amuse beaucoup non seulement à fixer mais à faire.

Devine d’où je t’écris maintenant mon cher Papa ? Cette lettre commencée à la maison vient de se transporter dans ma poche chez Mme Pavet[6] qui aujourd’hui a tout l’orphelinat de Vaugirard à goûter c’est-à-dire une centaine d’enfants et nous lui avions promis de venir lui faire une petite visite. Jeanne[7] ne se sent pas de joie et tous les enfants ont l’air très aimables pour elle ; je viens de les contempler pendant quelque temps maintenant je t’écris puis je vais y retourner. Tout le monde goûte en ce moment les enfants sont assis par terre et mangent des petits gâteaux avec une sagesse exemplaire ; ils font très bien d’ici. Emilie n’est pas venue avec nous elle est restée à étudier son piano moi j’ai déjà fait mes 2 heures d’étude.

Bonne-maman Desnoyers[8] a passé tout Dimanche et Lundi à Montmorency, elle va bien.
Oncle[9] également ne va pas mal cela lui a évidemment fait du bien de finir son cours mais il tousse toujours et s’obstine à ne pas vouloir aller à Cauterets je crois qu’au fond c’est pour ne pas sacrifier le bord de la mer qu’il dit cela et comme je sais bien que c’est pour moi qu’il veut y aller cela m’ennuie beaucoup beaucoup. Vois donc comme ce serait fâcheux s’il recommençait son année de travail sans que sa toux eût tout à fait cessé ?

Cette pauvre tante[10] a reçu ce matin 3 lettres et devine pourquoi ? Pour lui recommander des bacheliers ou plutôt des prétendants à ce beau titre et  nous n’avons pas pu nous empêcher de rire quand elle les a remises à oncle car dans le nombre des jeunes gens instruits mais timides qu’on lui recommandait il y avait un bègue et en effet celui-là je crois a besoin de recommandation.

Adieu mon bon Père, je te demande bien pardon du décousu de cette lettre, je ne puis même pas alléguer le prétexte du bruit car quoiqu’il y ait tant d’enfants dans le jardin on entendrait voler une mouche.
Je t’embrasse de toutes mes forces comme je t’aime.
ta fille
Marie


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Cours d’anglais donné par Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé (Mme Foussé).
  3. Marthe Pavet de Courteille.
  4. Pauline Roger, veuve de Louis Roger.
  5. Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.
  6. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  7. Jeanne Pavet de Courteille.
  8. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  9. Alphonse Milne-Edwards, professeur au Muséum.
  10. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 10 juillet 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_10_juillet_1877&oldid=42495 (accédée le 15 novembre 2024).

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