Lundi 9 août 1909
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Cauterets), à son fils Louis Froissart (Coblence en Allemagne)
Cauterets, 9 Août
Mon cher petit Lou,
Un bon dîner après une matinée au grand air avait amené une si puissante envie de dormir hier que j’ai laissé Michel[1] prendre la plume pour te donner nos nouvelles et notre adresse pendant que, balançant ma tête de-ci de-là, je ne savais plus si j’étais à Cauterets ou à Tarbes, ou à La Bourboule, ou à Coblentz ou à Wimereux, mais j’avais une vague souvenance que mon cœur était partagé entre tous ces points[2].
Ce n’est que jusqu’à Vendredi que nous sommes à l’hôtel de France ; nous habiterons à partir de Vendredi à la Pension Laborde, 19 rue de la Raillère, où les menus seront plus simples et ne risqueront plus de m’appesantir !
Nous avons eu hier à la fin de l’après-midi un orage formidable avec des torrents d’eau, chaque ruisseau était changé en gave et débordait au milieu des rues. Ce matin, au contraire, il faisait un temps superbe et Michel en a profité pour partir avec l’Abbé Pératé[3] et sa bande faire une excursion avec déjeuner dans la montagne. Il est 4h et il n’est pas encore rentré.
Mon traitement qui comporte des gargarismes, lotions nasales particulièrement désagréables, boisson et bain à la Raillère à 2 km d’ici le matin, puis en revenant de la Raillère je vais humer de l’air humide dans un autre établissement situé au milieu de Cauterets, enfin le soir je fais ¼ d’heure de pulvérisation dans un 3e établissement aussi dans Cauterets et j’y bois. Tu vois que je suis une personne fort occupée et si, après cela, ma gorge n’est pas radicalement guérie, je ne serai pas récompensée de mes peines. C’est le Docteur Miquel-Dalton[4], le frère du Général qui me dirige.
Nous avons à notre hôtel le célèbre peintre Carolus Duran déjà assez vieux et quelques célébrités médicales, mais nous ne sommes pas dans l’hôtel élégant.
Je pense que nos lettres mettront bien du temps à te parvenir, et vice versa aussi ne crains pas d’user des dépêches si tu avais quelque chose de pressé à dire. Je pense que ton papa[5] quittera La Bourboule Samedi ou Dimanche.
Les Compadre[6] ont bien reçu ta carte quelque incomplète que fût l’adresse ; ils demeurent 33 rue Larrey, si tu veux en envoyer une autre. J’espère que tu en envoies de temps en temps à Françoise[7] qui doit bien désirer avoir de tes nouvelles.
Und wie geht es mit der deutsche Spreche ? tu vas être si fort en rentrant que tu reprendras nos fautes à chaque phrase.
Je t’embrasse tendrement cher enfant et je regrette de ne pouvoir le faire pour de bon.
Émilie
Notes
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Madeleine Froissart est à Tarbes, Damas, Jacques et Pierre Froissart à La Bourboule, Louis Froissart à Coblence et Lucie Froissart-Degroote à Wimereux.
- ↑ L’abbé Marcel Pératé.
- ↑ Le docteur Louis Marie Antoine Miquel Dalton et de son frère le général Joseph Miquel Dalton.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Abel Compadre et son épouse Marguerite Marie Peltier.
- ↑ Françoise Maurise Giroud, veuve de Jean Marie Cottard, employée par les Froissart à Douai.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Lundi 9 août 1909. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Cauterets), à son fils Louis Froissart (Coblence en Allemagne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_9_ao%C3%BBt_1909&oldid=56419 (accédée le 21 novembre 2024).
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