Jeudi 12 août 1909
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Cauterets), à son fils Louis Froissart (Coblence en Allemagne)
Jeudi 12 Août
Quelle joie j’ai eue en recevant ta bonne lettre hier, mon cher petit Louis. Oui, il me semblait que j’étais depuis longtemps sans nouvelles de toi et il me tardait d’en avoir tandis que tu as conscience de nous avoir écrit très souvent. Que veux-tu ? le temps passe peut-être moins vite à Cauterets qu’ailleurs, ou bien faut-il penser que je ressemble à une mère poule qui a couvé des canards et qui glousse tout effarée sur la rive pendant que les canetons ont pris le large ? cela pourrait bien être vrai et je trouve que le petit canard de Coblentz est bien loin de moi.
Tu nous a bien amusés Michel[1] et moi avec le portrait de tes que tu nous as envoyé mais ne prends pas, je t’en prie, l’habitude de crayonner sa silhouette partout et dans toutes les positions, même celle de jockey ; cela pourrait avoir des conséquences graves et je te conjure de surveiller de près ton crayon. Une fois c’est bien, mais c’est assez.
Je vais demain chercher Madeleine[2] à Tarbes partant le matin à 8h1/2 et revenant le soir à 5h1/2 pour ne pas interrompre mon traitement, mais cela ne me donne que 3h1/4 à passer là-bas. Je vais essayer de ramener Mme Compadre et ses filles[3], je me demande ce que ferait la pauvre Madeleine pendant les heures que dure mon traitement bien plus compliqué que celui de La Bourboule. Quand ton papa[4], Jacques et Pierre[5] seront arrivés elle trouvera des gens pour s’occuper d’elle et la promener. J’ai ma matinée presque entièrement prise et encore une grosse ½ heure le soir et comme je ne compte que 18 jours de traitement au lieu de 21, il s’agit de ne pas perdre une gorgée de ces excellents œufs pourris, car c’est là le parfum dans lequel je nage, dans lequel je me délecte en boisson et en gargarismes.
Il fait aujourd’hui un temps superbe comme nous n’en avons pas eu encore, aussi Michel est-il parti dès le matin et, on voyait vers 7h une énorme quantité de touristes qui s’en allaient de tous côtés à pied ou à cheval.
Je pense que tu peux sans inconvénient trouver de bonnes raisons pour faire un petit tour le matin, mais demande toujours la permission et n’en abuse pas. De 4h à 8h tu as encore un bon moment pour te promener. Je suis bien contente de savoir que tu fais des progrès en allemand et que tu ne crains pas de parler. Il faut se jeter à l’eau pour apprendre à nager.
L’argent file plus vite quand il est converti en Marks car ce que l’on a ici pour 1F il faut le payer là-bas 1,25. Je t’envoie un mandat de 20 Marks ce sera un prétexte tout trouvé pour te ménager une petite promenade à la poste. Le mandat t’arrivera séparément. Aie soin d’emporter l’enveloppe de la lettre pour le toucher, quelquefois on la demande, mais peut-être pas pour les mandats cartes.
Katherina Widdaü doit être à Coblentz ou dans un faubourg, malheureusement je n’ai pas son adresse. Son père était tailleur, ou plutôt ils avaient je crois une maison de confection pour hommes dans laquelle elle travaille avec Maria sa sœur. Peut-être que dans un annuaire de Coblentz tu trouverais ce nom de Widdaü. Excellent exercice de te livrer à des recherches pour la trouver.
Mme Müller avait aussi un neveu à Coblentz, je crois, un neveu catholique qui était maître de chapelle, je crois qu’il s’appelait Sépet et était parent de Marius Sépet, mais je n’en suis pas sûre. Je pourrais écrire à Mlle Élise[6].
Je t’embrasse de tout cœur, cher petit
Émilie
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Jeudi 12 août 1909. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Cauterets), à son fils Louis Froissart (Coblence en Allemagne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_12_ao%C3%BBt_1909&oldid=56643 (accédée le 8 octobre 2024).
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