Lundi 3 juillet 1871 (A)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency)
CHARLES MERTZDORFF
AU VIEUX THANN
Haut-Rhin[1]
3 Juillet
Ma chère Nie, je rentre de la forêt (vente de bois), il n'est pas encore Midi, trop tard pour entreprendre une tournée à la fabrique.
J'ai à te raconter un petit évènement qui n'est d'aucune importance, très heureusement.
Ayant écrit quelques lettres hier au soir je ne me suis couché qu'après 11 h. Dans mon sommeil j'entendais bien m'appeler & jusqu'à ce que je sois complètement réveillé, ce pauvre Melcher[2] a dû m'appeler plusieurs fois, mais vivement. Je saute à bas du lit, ouvre la fenêtre, il me dit qu'il brûle dans le blanchiment, je fais sonner la cloche & n'ai pas été long à passer un vêtement. En effet en arrivant j'ai trouvé la flamme sortant par le toit. C'était très heureusement au-dessus des chaudières en rez-de-chaussée rien dans le bâtiment pour alimenter le feu. les secours sont arrivés tout aussitôt les pompes n'ont pas manqué d'Eau. Il ne nous a pas fallu un 1/4 d'heure pour être maîtres du feu.
Les dégâts sont très peu importants absolument rien n'est arrêté tout marche ce matin comme si de rien n'était. Nous ne ferons pas 100 pièces de moins. Et même dès 4 heures ce matin les charpentiers étaient déjà en train de réparer les dégâts avec les maçons. Ce soir il n'y paraîtra plus.
Il était 2 ½ h du matin, je ne l'ai constaté qu'en rentrant au bureau à 3 ½ h lorsque tout était fini. La population s'est admirablement conduite. Employés & ouvriers, tous les habitants étaient admirables d'ordre, d'activité & de dévouement. Pas l'ombre d'accident toute cette foule se laissant conduire sans bruit, au point que le Portier du chantier le ContreMaître Bruckert[3] qui chez qui le feu était, était levé par le bruit des cloches, cherchait à se rendre compte où pouvait être le feu & n'est arrivé que lorsque tout était depuis < >. Tous ces messieurs, le curé[4], son vicaire tout le monde était là.
Tu comprends combien j'étais heureux de ne pas vous[5] savoir ici, c'était pour vous toutes beaucoup d'émotion. J'avoue que tout le temps qu'a duré ma toilette jusqu'au moment où j'ai vu où était le feu ; j'ai eu pas mal de frayeur, mais dès que je me suis rendu compte de la place Je voyais qu'il serait facile de se rendre maître. 20 hommes suffisaient avec une bonne pompe pour terminer la besogne.
Un peu de fatigue, car l'on ne s'est pas recouché. Les voitures sont parties pour Mulhouse comme d'habitude & j'ai donné un petit mot pour Paul & Morschwiller[6]. Il faut tout de suite pouvoir rassurer tous les gens qui ont pour près de 5 millions de marchandise chez nous.
Cet accident est arrivé par un défaut de construction, un poteau qui s'est trouvé enterré dans un mur de séparation. Ce mur touche une petite chaudière, le feu de la chaudière était séparé du bois par 50 centimètres de maçonnerie & cependant <probablement depuis longtemps, peut-être des> semaines ce bois doit se carboniser dans la maçonnerie.
Aussi vais-je prendre mes mesures pour déplacer le foyer de la cuisine qui se trouve dans les mêmes conditions en l'éloignant un peu du mur & cela avant ton retour, la pose des dalles & le blanchissage de la pièce. Il y a longtemps que cela devait être fait.
Voilà, ma chère, la narration de la nuit troublée.
Barbé a été à Mulhouse, les Prussiens emploient maintenant la schlague 25 coups de bâton à un marchand de bois qui à ce qu'il paraît a été assez grossier avec ces Messieurs. Il n'est pas le seul, plusieurs dit-on sont couchés pour le même motif. A Thann l'on parle de déplacer le cercle à Cernay. ce qui ne serait pas un grand mal une garnison n'est jamais une bonne chose pour la masse de la population.
2 de tes lettres adressées à Montmorency à ta mère[7] m'ont été retournées faute d'affranchissement suffisant, tu n'avais mis qu'un timbre de 10 centimes prussien avec un de 20 centimes français.
tu voudras bien embrasser tout ton monde. Jusqu'à présent je crois avoir reçu toutes tes lettres. Je crois avoir affranchi une ou 2 lettres avec timbre de 10 centimes. Elles me reviendront donc aussi. toutes ces lettres sont ouvertes & les tiennes me reviennent lettre de Vieux-thann d'Eugénie à sa mère.
Je vous ai écrit hier au soir très probable que mes 2 lettres ne vous arrivent en même temps. Il me semble que pour aller les lettres mettent plus de temps que pour l'arrivée
bien des baisers aux petites filles tout à toi
Charles Mertzdorff
Lundi matin 3 Juillet 71.
Notes
- ↑ En-tête imprimé.
- ↑ Melchior Neeff concierge chez les Mertzdorff.
- ↑ Possiblement Thiébaut Bruckert ; mais au moins trois personnes différentes portant ces nom et prénom sont déclarées contremaîtres à Vieux-Thann dans les années 1860.
- ↑ François Xavier Hun.
- ↑ Eugénie Desnoyers et les deux fillettes, Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril dirige l’établissement de Morschwiller.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 3 juillet 1871 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_3_juillet_1871_(A)&oldid=40520 (accédée le 23 décembre 2024).
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