Lundi 3 décembre 1877

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1877-12-03 pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-12-03 pages 2-3.jpg


Lundi 3 Xbre 77.

Ma chère Marie

Ne vous inquiétez pas de ma santé je vais tout à fait bien & si je n’ai pas mis mes bottes encore aujourd’hui, au moins ce matin ; ce n’est que par simple habitude que j’ai encore une compresse, car pour du mal – point. & cet après-midi je me propose bien de sortir un peu dans cour & Jardin.
Tu vois donc qu’il n’y a plus à t’en occuper. Mais hier encore j’avais assez mal le matin, aussi, pour mon Dimanche je n’étais pas content & me suis enfermé avec mes livres.

Hier Mme Stackler[1] avait ses amies Mmes Miquey[2], Steinbach[3], & Mlle Bernard[4], avec le moulin[5] & Léon[6] à dîner. Marie[7] tout naturellement est restée chez elle toute seule. l’après-midi tout ce monde est venu voir la petite malade & l’on est resté auprès d’elle. Je n’ai vu personne, ne quittant pas mes pantoufles je n’ai pas voulu me présenter devant tout ce monde quoique l’on m’ait mandé par bonne-Maman. Il paraît que M. Miquey souffre aussi de Rhumatisme, & garde la chambre.
Marie ne va pas mal, elle est levée tous les jours de 11 à 8h & circule un peu dans sa Maison. elle est du reste très gaie & [sauf] sa grande maigreur, n’a pas trop mauvaise mine.

Hier & aujourd’hui le temps est passable si nous n’avons pas beau soleil, il ne pleut pas & ne fait pas froid, bien au contraire, les plantes du Jardin commencent à se mettre en mouvement & les prés sont verts comme au printemps ; les oiseaux même oublient que nous ne sommes encore qu’au commencement de Xbre. Depuis que j’ai mon fameux thermomètre je ne l’ai pas encore vu à Zéro.

Le Jardin des Ecoles de filles va être fini, il sera très gentil & les sœurs s’y trouveront mieux que dans l’ancien qui était trop en vue.

Aujourd’hui Lundi la fabrique ne travaille pas, cependant nous sommes encore bien moins à plaindre que nos voisins Berger, qui n’ont à peu près rien à faire & se trouveront dans la nécessité de renvoyer beaucoup de monde ce qui sera la misère pour bien des gens ici. L’on ne peut songer à faire faire de nouvelles machines par les temps qui courent.

Samedi il y avait concert bal à Thann, je sais que vos amies B.[8] y étaient, mais je n’ai pas encore entendu parler de la chose, quoique Georges[9] y ait été, mais comme il n’est rentré qu’à 7 h le matin, je ne l’ai pas vu hier toute la journée, ni aujourd’hui encore ; les détails, s’il y en a, seront pour plus tard.

Je n’ai jamais douté que tu ne puisses comprendre ce petit cours de Chimie que tu vas suivre[10] & j’étais persuadé qu’il t’amuserait beaucoup tout en te faisant comprendre tant de phénomènes qui se présentent journellement & & qu’il est bon de savoir. S’il eût été possible de suivre un même cours de physique élémentaire, cela t’aurait encore intéressée davantage & eût peut-être pour toi été plus utile. Mais contre l’impossible nul n’est tenu & vous avez déjà tant de cours & de sorties que tout est pour le mieux.

Tout le monde me demande toujours de vos nouvelles & me charge de quantité de belles choses pour vous & tante[11]. Si chaque fois que l’on parle de vous, vos oreilles devaient vous tinter, vous seriez sourdes, il est donc bon que cela ne soit pas.

Je viens d’avoir la visite de M. Berger[12] qui est venu pour affaire de turbines pour le moulin & nous n’avons pas parlé famille, ce qui est cependant rare entre nous lorsque nous nous voyons.
Il y a maintenant une Dame Boissière[13] une maîtresse de pension à Mulhouse qui vient tous les samedis faire un cours pour les petites filles de la vallée & d’ici & donner des leçons aux Demoiselles Berger.

Depuis quelques jours ma cuisinière[14] a mal aux dents elle était chez le dentiste il y a 3 jours qui au lieu de lui arracher sa dent, la lui a brûlée avec un fer rouge. Je ne connaissais pas ce moyen expéditif.

Il est midi, place me manque, à un autre jour. Je prie ma lectrice d’embrasser tante & Oncle[15] & de garder pour elle & sœur[16] mes meilleurs baisers.
ChsMff


Notes

  1. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  2. Joséphine Fillat, épouse d’Étienne Miquey.
  3. Caroline Mattern, veuve de Jean Steinbach.
  4. Probablement Elisa Louise Bernard.
  5. Au Moulin vivent Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril (« bonne-maman »).
  6. Léon Duméril, gendre de Mme Stackler.
  7. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  8. Marie et Hélène Berger.
  9. Georges Duméril.
  10. Cours de chimie donné à la Sorbonne par Alfred Riche.
  11. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  12. Louis Berger.
  13. Augusta Stromeyer, veuve d’Émile Boissière.
  14. Thérèse Neeff.
  15. Alphonse Milne-Edwards.
  16. Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 3 décembre 1877. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_3_d%C3%A9cembre_1877&oldid=40515 (accédée le 26 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.