Samedi 1er décembre 1877

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1877-12-01 pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-12-01 pages 2-3.jpg


Paris the first December 77.

My poor, my dear little Papa, You are ill, you suffer of your foot ! How unhappy I am not be with you ![1] Quelle ennuyeuse semaine tu as dû passer ! C’est le mauvais temps qui te vaut cela ; je voudrais bien pouvoir t’annoncer le soleil, mais hélas ! c’est chez nous que la pluie passe d’abord et il pleut toujours, toujours ; nous trouvons cela fort ennuyeux je t’assure de patauger dans cette boue épaisse et cependant dans un instant nous allons partir de notre pied léger pour la rue du Bac[2] ; cependant tu ne nous plains pas et tu as bien raison car nos pieds ne nous font point de mal et la boue n’est qu’un bien petit ennui que tout l’univers partage avec nous ; ce sont les pauvres soldats d’orient qui sont à plaindre s’ils ont le même temps dans leurs marécages.

Je n’ai rien de particulier à te dire depuis avant-hier[3] ; les jours se succèdent, toutes les semaines ramènent les mêmes occupations et on n’a qu’un regret c’est qu’elles passent trop vite, je voudrais pouvoir faire un arrangement avec les personnes pour lesquelles le temps paraît trop long, car il y en a beaucoup ; c’est ce que je pense chaque fois que j’entends sonner l’heure à l’horloge de la Pitié[4] ; en général je ne me suis pas aperçue du temps qui s’écoulait et comme il a dû sembler long aux pauvres malades ! Quand on est dans son lit un quart d’heure vous paraît un siècle. Il arrivera peut-être aussi un jour où nous trouverons le temps trop long et où nous nous ennuierons mais ce n’est pas le cas en ce moment.

Je vois avec plaisir tout mon travail qui s’organise, c’est toujours amusant de commencer des choses nouvelles ; Jeudi le cours d’histoire[5] a commencé j’ai assisté aussi aux beaux-arts ; les deux leçons ont été très intéressantes mais malheureusement il n’y a personne pour les écouter ; nous n’étions que 4 à l’histoire et 2 avec Mlle Magdelaine encore la 2e n’est-elle pas assurée ; c’est décourageant pour les professeurs et pour Mlle Des Essarts. Je vais me mettre maintenant à rédiger mes notes mais je tâcherai, contrairement à l’année dernière, de faire des rédactions très courtes et surtout de lire beaucoup de développements.

Tous les jours maintenant, excepté le Mardi, nous avons une leçon dehors ; hier nous avons été chez Mme Roger[6], le matin nous avions eu Mlle Duponchel[7] ; j’ai commencé à dessiner un bas-relief en plâtre représentant des feuilles et un fruit qu’elle m’a apporté ; j’ai fait l’esquisse cela me semble bien plus facile que la tête ; c’est pour varier mes plaisirs qu’elle m’a donné cela. Nous allons bientôt partir aux cours puis nous irons au cours d’anglais[8], c’est la journée complète comme tu vois. Mon cours d’anglais m’amuse toujours beaucoup ; Miss Brown l’amie de Mme Foussé qu’elle a fait venir avec elle est très gentille, très gaie et paraît très intelligente. Par exemple je ne la crois pas bien forte elle est maigre et pâle. C’est une vraie réunion d’amies que ce cours, nous y trouvons Henriette[9], Jeanne B.[10], Marthe[11], Marguerite Audouin et nous recevons toutes en bande excepté la pauvre Henriette habitante de Bellevue.

Adieu, mon Père chéri que j’aime de toutes mes forces, si tu savais comme je suis triste de te sentir souffrant et si loin. Je tâcherai de t’écrire bientôt mais en attendant je t’embrasse de tout mon cœur,
ta fille
Marie


Notes

  1. Paris le premier décembre 77. Mon pauvre, mon cher petit Papa, tu es malade, tu souffres de ton pied ! Comme je suis désolée de ne pas être avec toi !
  2. Le cours des dames Boblet-des Essarts.
  3. Lettre du 29 novembre.
  4. L’hôpital de la Pitié, démoli en 1896, se trouvait à l’emplacement actuel de la Grande mosquée de Paris, qui jouxte le Jardin des plantes.
  5. Cours d’histoire donné par M. Pasquier.
  6. Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
  7. Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.
  8. Cours d’anglais donné par Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé.
  9. Henriette Baudrillart.
  10. Jeanne Brongniart.
  11. Probablement Marthe Tourasse.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 1er décembre 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_1er_d%C3%A9cembre_1877&oldid=60617 (accédée le 9 octobre 2024).

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