Lundi 22 et lundi 29 novembre 1875
Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
Morschwiller 22 9bre 1875.
Ma chère et bonne Aglaé,
Ta lettre et celle de notre petite Emilie[1] nous ont tout à fait rassurés sur l’état de cette chère enfant qui va de nouveau reprendre ses études avec ce courage et cette énergie qu’elle possède si bien ainsi que notre bonne petite Marie[2]. Combien ces deux chéries dirigées par toi acquièrent chaque jour et savent comprendre les conséquences de ce qui arrive dans la vie. Pourquoi te le cacherais-je, ma bien chère Aglaé, tu as mis le doigt sur tout ce qui se présente à mon esprit, sur ce que j’ai aperçu tout d’abord, sur ce qui m’a troublée et effrayée. Je prie et mets ma confiance en Dieu ; mais quoiqu’il en soit de ces préoccupations dont je te parle, je suis la première à dire que Charles[3] a pris un sage parti en faisant ce qu’il a arrêté au sujet de Morschwiller[4]. La concurrence qui a tant fait baisser les prix, rendait le travail impossible et causait bien du tourment. Mon mari[5] et moi irons certainement à Paris cet hiver, et cela est pour nous une bien douce pensée.
(Du 29) Hier nous avons été passer la journée à Vieux-Thann, il me tardait de voir Charles, de lui parler de nos chers Parisiens, et toutes les nouvelles qu’il nous en a données nous ont fait bien plaisir ; puis entre nous, je te dirai que nous sommes revenus sur l’entretien que nous avions eu avec lui la veille de son départ pour Paris, au sujet de Léon[6], du désir de le voir se marier, nous avons parlé des Demoiselles de Brincard[7] (je ne sais si leur nom s’écrit ainsi[8]) dont nous avons entendu faire bien l’éloge dans ces derniers temps. On les dit pieuses, intelligentes, laborieuses, habituées à vivre à la campagne, appartenant à une famille honorable. Nous en avions précédemment touché un mot à Léon qui n’a pas repoussé cette idée. Il est convenu que Charles ira un de ces jours avec lui faire visite à l’oncle[9] de ces demoiselles chez lequel elles demeurent avec leur mère[10] dans cette ancienne ferme de Charles devenue à présent une jolie maison de campagne. Si Léon avait le bonheur de se bien marier ; évidemment ce serait chez Charles qu’il devrait demeurer, et alors nous irions habiter le Moulin qui nous laisse tant de souvenirs. Enfin que puis-je dire si ce n’est de faire pour le mieux, et de mettre sans cesse toute notre confiance en Dieu. Voilà mon bon frère[11] qui nous a quittés hier soir, nous l’avons accompagné jusqu’à Dornach où nous avons pris la voiture qui nous a ramenés ici. Georges[12] était bien content d’aller à Rambouillet avec son bon père et de faire plus tard avec lui un petit séjour à Paris. Je suis heureuse de savoir le petit Jean[13] bien remis, que de fois, en le sachant malade, j’ai songé à ce cher enfant et à sa bonne mère[14] qui nous laisse à tous un si doux souvenir.
Cette pauvre Madame Heuchel[15] vient de supporter avec un grand courage une opération douloureuse qui n’a pas pu être faite en une seule fois. Enfin grâce à Dieu, elle va bien, et c’est avec une délicieuse impression qu’elle se retrouve chez elle où il lui semble qu’elle soit en Paradis. Inutile de dire que nous prenons bien part au chagrin qu’éprouve la famille Duval par la mort du jeune Frédéric[16]. A l’occasion veuille en dire un mot à Madame Lafisse[17]. Mon mari a reçu une bonne et amicale lettre de M. Gastambide[18] en réponse à celle qu’il lui avait écrite au sujet de notre cher neveu Paul[19]. M. Gastambide fera ce qu’il pourra mais réussira-t-il ? si la famille A.[20] connaissait notre neveu Paul, elle lèverait bien vite le seul obstacle qu’elle trouve à ce mariage[21].
Comme toujours, chère et bonne Aglaé, je revenais à la charge sur les questions que j’avais déjà faites à Charles, et cela tient à ce que je suis avide de détails sur ce que j’aime. Je te quitte ma bien chère enfant en t’embrassant comme je t’aime ainsi que nos chéries et ton bon mari[22]. Nos tendres amitiés à tes chers parents[23], à tes sœurs[24], et nos affectueux respects à M. Milne-Edwards[25] et à Madame Trézel[26].
Félicité Duméril
Il est bien entendu que ce sera l’ancienne cuisine de Madame Mertzdorff[27] qui redeviendra celle du ménage qui habitera la partie du fond.
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff.
- ↑ Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ L’usine de Morschwiller sera louée à Henri Haeffely.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Fanny et Julie Brincard.
- ↑ Ecrit : Brincart.
- ↑ Possiblement Alphonse Zurcher.
- ↑ Fanny Zurcher, veuve de Jean Brincard.
- ↑ Charles Auguste Duméril.
- ↑ Georges Duméril, fils de Charles Auguste.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Frédéric Duval.
- ↑ Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse.
- ↑ Adrien Joseph Gastambide, magistrat.
- ↑ Paul Duméril, jeune juge.
- ↑ La famille de Mathilde Arnould (voir les lettres suivantes, en particulier celle du 12 janvier 1876).
- ↑ Paul Duméril est nommé à Perpignan.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
- ↑ Les belles-sœurs d’Aglaé : Cécile Milne-Edwards-Dumas et Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
- ↑ Marie Anne Heuchel (†), veuve de Pierre Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 22 et lundi 29 novembre 1875. Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_22_et_lundi_29_novembre_1875&oldid=51756 (accédée le 5 novembre 2024).
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