Lundi 21 février 1876
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un petit ajout de sa sœur Émilie
Paris le 21 Février 1876 x.x.
Mon Père chéri,
Je deviens comme tu vois assez bébée puisque je commence par faire joujou avant de t’écrire je te demande bien pardon mais je voulais essayer ma plume. Je suis dans le petit salon, Emilie[1] fait son analyse logique à côté de moi ; tantine[2] vient de partir faire plusieurs emplettes de deuil pour Mme Dumas[3] car tu as appris la mort de ce pauvre M. Brongniart[4]. L’enterrement a eu lieu ce matin tante et Emilie y ont été ainsi qu’oncle[5], il y avait paraît-il un monde énorme. M. Edwards[6] était parti aussi mais voilà qu’en descendant l’escalier qui est devant leur porte il s’est tordu le pied et a été repris de son mal ordinaire, juges de ma frayeur en le voyant rapporté ici par 4 hommes heureusement que j’ai bien vu tout de suite à sa figure que ce ne devait rien être de grave et en effet ce ne sera rien seulement quand ce mal le prend il est incapable de bouger c’est ce qu’il a eu en petit dans notre promenade à Vierville[7].
Comme je ne te parle pas de ma santé tu dois bien penser que je vais mieux je ne tousse pour ainsi dire plus. Je ne suis pas au cours d’abord parce que je n’avais rien fait, ensuite parce que je veux me ménager pour Jeudi jour auquel aura lieu un nouvel examen Mlle Bosvy m’a dit que l’autre ne s’était pas mal passé cependant elle n’était pas trop satisfaite de l’arithmétique on n’avait pas su dire ce que c’était que le gramme !! en effet pauvre demoiselle je comprends qu’elle ait bouilli car certes il y [a] assez longtemps qu’on nous apprend cela.
Mme Brongniart[8] et Jeanne viennent de venir chercher Emilie pour faire un petit tour dans le Jardin mais les voilà déjà rentrées.
Tante a reçu ce matin ta lettre ainsi qu’une lettre de Mme Dumas et comme elle allait assez bien aujourd’hui elle est partie faire les quelques courses que cette dernière lui demandait elle doit rentrer à 4h espérons qu’elle ne s’attardera pas trop.
Je te remercie bien d’avoir écrit à tante Zaepffel[9] pour lui demander ce qui ferait plaisir à sa nièce[10] car je me figure que Marie ne doit avoir que l’embarras du choix Θ Oh ! Papa, comme je deviens bébé ! est-ce que je ne me mets pas à dessiner sur mes lettres en réfléchissant ! Je crois vraiment que c’est 6 ans et non pas 17 que je vais avoir. J’ai pris ce matin ma leçon de dessin[11], espérons que je n’y pensais pas lorsque j’ai fait cette lune car certes elle n’a pas l’air d’être d’œuvre de quelqu’un qui prend des leçons.
Comme j’écris mal je crois que c’est la faute de ma plume qui bien que réputée excellente par Mme Régnier[12] ma maîtresse de calligraphie me paraît horriblement mauvaise.
Oncle rentre il revient du cimetière et est de nouveau repris de son mal de dent qui ne le quitte presque pas en ce moment ; il souffre affreusement et sans pouvoir se soulager ; il y a quelques jours il a passé une nuit entière sans pouvoir fermer l’œil tu penses si cela le repose avec tout ce qu’il a à faire. Son déménagement se continue toujours pianissimo cependant je doute qu’il puisse rester dans son vieux local jusqu’aux vacances.
Tante Louise[13] ira encore passer cette nuit-ci à veiller sa belle-mère[14] et comme il y a 8 jours elle nous donnera Marthe[15] qui se fait toujours une fête de coucher ici.
Adieu, mon Père chéri, je t’embrasse de tout mon cœur en te répétant que je vais mieux. Si tu savais comme je me réjouis de te voir !
Ta fille
Marie
Oncle part se faire arracher sa vilaine dent et moi qui ai fini mon analyse logique de 4 pages je t’embrasse bien bien fort.
Emilie
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Tantine, tante : Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Adolphe Brongniart.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Vierville-sur-Mer, village normand du Calvados de moins de 400 habitants à l'époque, avec une longue plage.
- ↑ Catherine Simonis, épouse d’Edouard Brongniart et mère de Jeanne Brongniart.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Marie Zaepffel.
- ↑ Marie Louise Duponchel est sa professeure de dessin.
- ↑ Possiblement Marie Louise Claire Delasalle, épouse d'Adolphe Regnier jeune.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Sophie Silvestre de Sacy, veuve de Charles Pavet de Courteille.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 21 février 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un petit ajout de sa sœur Emilie », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_21_f%C3%A9vrier_1876&oldid=59983 (accédée le 21 novembre 2024).
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