Lundi 20 et mardi 21 juin 1881

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Lundi 20 Juin

Il me semble qu’il y a bien longtemps que je ne t’ai écrit, mon cher Papa, et certes cependant ce n’est pas faute d’avoir pensé à le faire, mais les journées passent si vite ! heureusement que par Émilie[1] tu auras eu de nos nouvelles à tous et c’est par elle aussi que j’ai eu il y a 2 jours une lettre de toi. Je suis contente de savoir que tu vas bien, que tu n’as pas d’ennuis et je pense avec joie au moment où nous te reverrons ; où et quand ce sera-t-il, c’est ce qu’il serait difficile de dire maintenant car je ne sais absolument pas ce que nous deviendrons Jeannette[2] et moi pendant le mois de Juillet ; bonne-maman Desnoyers[3] paraît décidée à rester à Montmorency tant que bon-papa[4] ne pourra définitivement s’installer à Launay (c’est à dire vers le 20 Juillet) et je ne sais pas si tante[5] malgré les instances de son père, voudra partir à l’avance, elle qui devait consacrer à bonne-maman ce mois pendant lequel oncle[6] la laisse seule. Tout ceci me semble fort embrouillé et je ne sais quel va être mon sort. Celui de Marcel[7] au contraire n’est que trop net; il doit être à Rennes le 5 Juillet où on l’invite à faire un stage d’un mois ! Je t’assure que cette perspective ne nous réjouit guère, surtout si je dois rester seule à Paris dans ma maison[8] sans être réunie à tante et à Émilie. Ensuite nous irons au bord de la mer, puis au Houssay et enfin à la fin de Septembre nous arriverons chez toi. Marcel rêve comme bouquet de ces agréables vacances de revenir à Paris à petites journées (dans les derniers jours d’Octobre) en visitant quelques villes de Belgique, pays qu’il n’a jamais vu et qu’il aimerait bien connaître, il voudrait t’entraîner avec nous, je ne sais si de si beaux projets pourront se réaliser mais les châteaux en Espagne ne sont pas défendus, ils procurent même à eux seuls un certain plaisir je me figure donc être à Bruges ou à Anvers entre Marcel et toi avec ma petite Jeanne et cette pensée m’amuse.

Hier j’ai été faire une petite visite au Jardin mais je n’ai pu voir Mme Pavet[9]. Le soir nous avons été dîner au Vésinet[10], j’ai été absente de 5h1/2 à 11h du soir et ma fille grâce à un peu de biberon s’est comportée à merveille. Je l’ai retrouvée plus sage et plus gentille que jamais. Suis-je heureuse, mon Papa, d’avoir une enfant si facile ! Je suis sûre que tu la trouveras changée, elle rit continuellement maintenant.

Au revoir…

Mardi soir. Pourquoi donc, mon Père chéri, suis-je restée hier soir sur cet au revoir au lieu de terminer complètement ma lettre, je comptais rajouter ce matin quelques mots, puis le matin a passé, l’après-midi aussi, et voilà que j’ai manqué la poste d’aujourd’hui, faute de t’avoir embrassé tout de suite ! c’est ridicule j’en suis confuse et pour me faire pardonner je vais t’embrasser double et de tout mon cœur.

J’ai été au Jardin où tout le monde va bien ; Émilie se préparait à aller au bain froid c’est te dire qu’il faisait chaud.

J’ai reçu un petit mot de bon-papa, ils[11] reviennent ici Jeudi soir.

tout à toi, ta fille Marie

Marcel me charge de t’envoyer la petite note ci-jointe avec ses meilleures amitiés.


Notes

  1. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Sa fille Jeanne de Fréville.
  3. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  4. Jules Desnoyers.
  5. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards et fille de Jules Desnoyers.
  6. Alphonse Milne-Edwards.
  7. Marcel de Fréville.
  8. Le pavillon de la rue Cassette.
  9. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  10. Au Vésinet chez Émilie Delaroche, veuve d'Adrien Joseph Gastambide.
  11. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Lundi 20 et mardi 21 juin 1881. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_20_et_mardi_21_juin_1881&oldid=40360 (accédée le 29 mars 2024).

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