Jeudi soir 23 et vendredi 24 juin 1881

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Wattwiller) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)


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Wattwiller Jeudi Soir. 23 Juin 81.

Ma chère Marie

Encore une fois & comme toujours ta bonne lettre est venue me donner un grand plaisir. Y a t il quelque nouvelle plus heureuse que celle qui vient vous dire que tous ceux que l’on aime & aimerait tant embrasser, se portent bien & sont heureux.

En effet ma fille, tu as bien sujet à te réjouir & à remercier la providence de tout le bonheur dont tu jouis si bien. un bon & excellent mari[1], une bonne petite fille[2], qui, si elle est sage, nous prouve qu’elle est bien portante, aimée de tout ton entourage & sans autre préoccupation que de continuer à bien faire. Tu sauras que c’est avec intention que je dis continuer à bien faire c’est que le papa est content, ce qui n’étonnera personne, & étonnera encore bien moins parce qu’il a du plaisir à le dire & le dire à sa chère Enfant qui ne s’en doute pas parce qu’elle cherche toujours à se surprendre en défaut, absolument comme ta mère chérie[3] qui elle aussi cherchait vainement.

Si vous n’avez pas encore de projet bien arrêté, il en est à peu près de même ici. Marie Léon[4] va s’en aller demain à Bâle chez le dentiste, car elle souffre toujours un peu & il paraît qu’il y a plus de 2 ans que cette dent la fait souffrir & provoque de petits abcès. J’ai parlé de toi à ce sujet.

Puis voici Vieux-Thann envahi par la rougeole qui n’est pas trop bonne & qui dégénère quelquefois en complications, elle est à la porte chez Melcher[5] qui a l’un de ses enfants pris.

Tout naturellement je l’ai engagée à partir avec Hélène[6], soit à Dijon soit au bord de la mer. A Dijon de même la rougeole règne, mais n’est pas encore dans la rue de M. Borel[7].

A la mer, les Dames Triponel & Kullmann qui doivent [signer] pour un appartement n’y sont pas encore & elle ne sait pas si sa mère voudrait déjà quitter son fils pour l’accompagner à Berk sur Mer, elle attend réponse à cette dernière demande à sa mère.

Hélène ne va pas mal en ce moment mais à mon avis par ces journées si chaudes & si bonnes, elle n’est pas assez au Jardin & à l’air. Léon[8] est terrible dans ses craintes.

Oncle & tante Georges[9]sont à Épinal depuis ce soir où ils vont passer quelques jours, mais ils n’iront pas au bain & vont rentrer le plus vite possible je suppose.

Comme je me trouve un peu fatigué de mes bains[10] & de ma vie de polichinelle, je ne prolongerai pas plus longtemps & compte Dimanche prochain avec mon 18me bain clôturer la saison. Du reste je vais bien, dormant sans me réveiller absolument comme Jeannette & elle n’a pas meilleur appétit que moi ; tu vois qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.

De Vieux-Thann même la lettre écrite hier à ta sœur[11] t’aura dit que Martin Bernet est enterré depuis hier. Mort subite d’apoplexie, beaucoup de malades c’est a peine si nos 2 médecins[12] suffisent. Du reste l’aide va nous quitter, il veut comme son maître Disqué faire son voyage en Amérique comme Médecin de bateau à Vapeur & se perfectionner avant de se fixer.

Je me propose d’aller voir demain sœur Bonaventure qui est couchée depuis bien des jours ; ce sont ses rhumatismes qui la font beaucoup souffrir ; c’est Mairel[13] qui la soigne.

Le bruit court toujours que notre bon curé[14] demande à nous quitter, comme il y a assez longtemps que je n’ai eu le plaisir de le voir, je ne sais trop ce qui en est. pour le moment il est absent.

Si la fabrique a encore quelque intérêt je te dirai que depuis ce matin une seconde machine à Vapeur provisoire fait tourner l’atelier des rames, arrêté depuis 12 jours. & l’ancienne machine cassée se répare assez lestement. Pour ne plus être pris, nous gardons 2 machines si l’une ne fonctionne plus l’autre prendra la besogne.

Il est question de faire un nouvel atelier de rames, l’ancien ne suffisant plus. Je suis pour un bâtiment neuf, tandis que mes cogérants[15] sont hésitants & craignent la dépense. mais j’ai soin de rester à l’arrière-plan & ne presse pas. Si les rames sont insuffisantes, le reste est trop grand.

Nous avons de fréquents orages qui rendent la rentrée du foin difficile, le foin sera cher cette année, avis à Alphonse[16] qui m’achète tout. la vigne n’est pas encore en fleur, mais que la campagne en général est belle ! il fait si bon se promener le matin. Mais aussi quelle chaleur le soir.

Me voici au bout de mon petit papier, je viens de passer une bonne soirée avec toi. il ne me reste plus qu’à vous souhaiter le bonsoir & vous embrasser tous deux[17] comme je vous aime

ton père

ChsMff

encore un bonjour ce matin avant de fermer ma lettre.

à Vieux-Thann. Vendredi         


Notes

  1. Marcel de Fréville.
  2. Jeanne de Fréville (« Jeannette »).
  3. Caroline Duméril (†), première épouse de Charles Mertzdorff.
  4. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  5. Melchior Neeff.
  6. Hélène Duméril.
  7. Jean Paulin Émile Borel.
  8. Léon Duméril, père d’Hélène.
  9. Georges Heuchel et son épouse Élisabeth Schirmer.
  10. Bains à Wattwiller.
  11. Émilie Mertzdorff.
  12. Louis Disqué et son assistant.
  13. Le docteur Alphonse Eugène Mairel.
  14. Louis Oesterlé.
  15. Probablement Léon Duméril et Frédéric Eugène Jaeglé.
  16. Alphonse Milne-Edwards (en tant que responsable des animaux du Jardin des Plantes ?).
  17. Marie et son époux.

Notice bibliographique

D'après l'original.

Pour citer cette page

« Jeudi soir 23 et vendredi 24 juin 1881. Lettre de Charles Mertzdorff (Wattwiller) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_soir_23_et_vendredi_24_juin_1881&oldid=60362 (accédée le 15 novembre 2024).

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