Lundi 19 février 1877
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 19 Février [1877]
Mon Père chéri,
Que deviens-tu ? Tu sais quels sont les signes infaillibles auxquels nous reconnaissons que tu es fatigué ou que tu as des ennuis, et bien depuis Lundi dernier nous n’avons rien reçu de toi pas la plus petite des lettres. Et cependant chaque matin nous guettons Mlle Deville qui toujours arrive les mains vides ; c’est désolant. Je suis sûre que tu as quelque chose pauvre petit père ; oh ! que je voudrais donc pouvoir t’aider un peu, si tu savais comme nous pensons à toi ; je suis convaincue que tu te fatigues et que tu es accablé d’ennuis par ces atroces Prussiens ; oh que j’aimerais donc à les envoyer tous promener et à voir mon petit père se reposer un peu.
Je t’en prie écris-nous ; nous ne te demandons pas de longues [lettres]; mais seulement un petit mot [pour]] nous dire ce que tu deviens. [On] ne nous a pas parlé de [ ] excès du Lundi gras hein ? Qu’en [dis]-tu? Depuis ma dernière [lettre] nous avons été Samedi chez Mme Gosselin[1] c’était un vrai [[bal],|beaucoup de très belles [toilettes] presque tout le monde [ ] nous cependant nous avions [les] mêmes robes blanches rafraîchies [ ] jupon de velours remplacé [par] une jupe de soie blanche [ ] unie. Les demoiselles de [la maison]] Mlle G.[2] et sa cousine [ ] [Reynier][3] étaient charmantes ; [nous] étions auprès de Mlles [ ] et Péligot[4] qui ont été on ne peut plus aimables nous nommant [ ] tout le monde et causant tout le temps, nous avons vu aussi [avec très] grand plaisir une ancienne [amie] de petite mère[5] Mlle Soubeiran maintenant Mme Régnauld[6] qui amenait sa fille[7] malheureusement elle était à l’autre bout du salon et nous n’avons pu lui parler. Nous sommes arrivés les premiers à 10 heures nous avons dansé honnêtement c’est-à-dire beaucoup moins que quelques-unes et plus que d’autres ; en somme nous n’avons pas été fâchées de voir le coup d’œil d’un bal avec toutes ces jolies toilettes et nous nous sommes bien plus amusées que chez les Ravaisson[8] mais bien moins que chez les Bureau[9], à minuit nous avons quitté le salon et à 1h nous étions dans not lits pour n’en sortir qu’à 9. M. Gosselin[10] a été aussi très aimable, nous a demandé des nouvelles de tante [L.][11] et nous a chargées de mille choses pour elle, il nous a demandé où elle était maintenant && enfin très aimable.
Nous devions nous arrêter là de nos folies mondaines et tante[12] trouvait que trois soirées suffisaient pour une première année mais il se trouve Mardi un bal chez Mme Thénard[13] où se rencontrent toutes les personnes qu’oncle[14] connaît et par conséquent nous aussi ; on a la réputation de s’amuser beaucoup dans cette maison-là et oncle trouve qu’il vaut mieux y aller, d’abord parce que nous nous amuserons et puis que si cette année nous trouvons que c’est trop, une autre nous serions peut-être bien aise de nous y rendre et qu’il vaut mieux être connu. Nous irons donc très probablement mais, comme Samedi, nous partirons à minuit ce qui n’est point fatigant. Qu’en dis-tu ? Approuves-tu ou désapprouves-tu ? mon petit père chéri ? Quel malheur que tu ne puisses pas venir avec nous !
Il paraît que M. Soleil[15] est venu cette semaine pour nous voir mais nous étions sorties il a parlé à M. Edwards[16] ; toute sa famille va bien ; il était à Parie pour deux jours et pour ses affaires.
J’oubliais : j’ai une grande nouvelle à t’annoncer, elle ne te fera peut-être pas grand-chose mais c’est tout de même drôle il s’agit d’un mariage ; mais de qui voilà la question, je vais t’aider car je suis bien sûre que tu ne devinerais pas tout seul, quoique tu connaisses la personne ; et bien, le jeune fiancé c’est…. Noël Dumas[17] ! Mais oui pourquoi ris-tu ? il se marie après Pâques et qui épouse-t-il lui qui vient d’avoir 22 ans ? il épouse Mlle Louise de Tournemine jeune personne peu jolie et très élégante qui a plus de 25 ans ! Tu comprends le singulier effet que cela produit à tout le monde mais enfin il y tient beaucoup prétendant qu’il a besoin d’être tenu et conduit par sa femme ; du reste ils se connaissent depuis fort longtemps. Mlle de T. est une cousine de Mme Dumas mère et y va sans cesse. Ils ont passé ensemble leurs vacances à Bézu[18] et le mariage après une vive opposition de la part des grands-parents[19] surtout, est définitivement décidé et aura lieu le Mardi de Quasimodo j’espère bien que celui d’oncle Léon[20] se trouvera un peu plus tard car ce serait bien gênant pour cette pauvre tante.
Bonne-maman D.[21] est toujours aussi souffrante c’est vraiment bien ennuyeux son pied son orteil est couvert d’abcès. Sans cela tout le monde va bien personne de malade même dans nos connaissances. Nous allons aller au cours d’anglais[22] Emilie[23] me presse afin que je fasse mon piano maintenant et qu’elle l’ait au retour. Je te quitte donc mon bon père non sans t’avoir embrassé comme je t’aime et t’avoir dit encore combien un petit mot de toi nous ferait plaisir
ta fille qui t’aime de toutes ses forces
Marie
Nous revenons du service de bout de l’an de M. Brongniart[24].
Notes
- ↑ Marie Bussy, épouse de Léon Gosselin.
- ↑ Adrienne Gosselin.
- ↑ Marguerite Reynier.
- ↑ Berthe Péligot.
- ↑ Caroline Duméril (†), épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Alice Soubeiran, épouse de Jules Regnauld.
- ↑ Lucie Regnauld.
- ↑ Félix Ravaisson et son épouse Marie Françoise Aglaé Louyer de Villermay.
- ↑ Édouard Bureau et son épouse Marie Decroix.
- ↑ Léon Gosselin.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne Victoire Humblot, veuve de Louis Jacques Thénard.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Félix Soleil.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Noël ou Jean Baptiste Noël Dumas.
- ↑ Bézu-Saint-Eloi dans l'Eure.
- ↑ Probablement Jean Baptiste Dumas et son épouse Hermine Brongniart.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Cours d’anglais donné par Céline Silvestre de Sacy, épouse Frédéric Foussé.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Adolphe Brongniart (1801-1876).
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 19 février 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_19_f%C3%A9vrier_1877&oldid=40333 (accédée le 18 décembre 2024).
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