Mardi 20 et mercredi 21 février 1877
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
21 février 77
Ma chère Marie
Comment il y avait si longtemps que je suis resté sans vous écrire ; jamais je ne le croirais si tu ne me le disais pas. Etant au contraire persuadé qu’étant si si souvent avec vous toute la journée & tous les jours je restais ainsi sans donner signe de vie.
Vous voilà rassurées, car ce matin ma lettre à Emilie[1] a dû vous dire que j’étais assez occupé, mais sans aucun ennui & me portant à merveille. Cependant je dois avouer que je paresse parfois, ainsi ce soir étant tout seul j’aurais bien fait de prendre de suite mon papier, mais au lieu de cela je me suis mis à lire & puis, il faut bien que je te le dise, je me suis mis dans un fauteuil à me chauffer les pieds contre le poêle & à fumer un cigare dans le petit salon laissant ma pauvre tête vagabonder d’une chose à une autre & pour sûr j’étais plus auprès de vous qu’avec le poêle, que je trouvais cependant bien bon.
Nous avions aujourd’hui un temps détestable il a neigé puis il pleuvait pour de nouveau se changer en neige & l’on pataugeait dans dans la cour dans une boue liquide des plus désagréable. Les montagnes sont de nouveau toutes blanches & le thermomètre marquait Zéro bonne partie de la journée.
Demain j’ai rendez-vous avec le Notaire de Mulhouse. Léon[2] de même va passer sa soirée auprès des dames Stackler[3] pour ne pas rentrer, car il compte accompagner ces Dames, Jeudi matin, à Paris. Je ne sais pas à quel hôtel elles vont descendre. Il est donc fort possible que vous fassiez connaissance avec votre future tante avant de refaire connaissance avec votre père, qui lui ne pense se mettre en route que Samedi soir.
Sans la vente du pré de mon oncle, je me serais joint à ces Dames & j’aurais eu deux jours de plus à rester avec vous, ce qui m’allait bien, car j’espère que 3 heures passées avec mon notaire suffiront pour qu’il puisse mettre tout au net pendant mon absence.
Je t’assure qu’il y a encore beaucoup à faire jusqu’en Avril & nous n’avons plus de temps à perdre. Je sais que je ne suis pas du tout leste à prendre des déterminations ce qui prend aussi un temps que je ferais mieux d’employer autrement.
Il paraît que Marie Stackler a déjà reçu quantité de beaux cadeaux de noce consistant principalement en argenterie, plateaux, cafetière théière etc. C’est Léon qui parle car je n’ai rien vu.
Les maçons travaillent dans le nouvel appartement de Léon toutes les cloisons qui composaient ma bibliothèque-cabinet etc. sont à bas pour les réédifier – Comme je crois déjà vous l’avoir dit.
tout cela sera assez ramassé comme tu vois, le salon sera peu près grand comme notre salon bleu. La chambre à coucher est un peu petite.
la salle à manger est assez grande pour contenir 14 couverts.
les chambres à donner que ces Messieurs[5] n’ont pas voulu quitter & qui restent comme elles sont seront les plus belles pièces de la maison.
La cuisine revient à son ancienne place, pour arriver à la salle à manger il y aura une porte à la place du petit escalier qui descendait à la cave. Toute cette cage d’escalier avec le petit salon de maman[6] deviennent salle à Manger. il n’y aura donc plus qu’un escalier comme chez Mme Zaepffel[7]. Pour arriver à la cave l’on n’aura pas besoin de sortir de la maison pour cela, en bas du grand escalier un corridor y conduit, ce ne sera pas mal commode & donne assez de place.
Te voilà ma petite ménagère bien au courant du futur hôtel Léon. En somme tout cela coquettement arrangé, comme je n’en doute pas, les petits seront bien à leur aise dans cette bonbonnière.
Le mariage est fixé du 15 au 20 Avril très probablement le 17. Tante[8] a donc tout son temps pour assister aux 2 mariages. Noël[9] & Léon. si seulement les distances n’étaient pas si grandes.
Nous pensons que le mariage civil se fera à Vieux-Thann ou Mulhouse. D’après le Kreisdirektor[10] avec son certificat d’option il reste français n’importe où il se marie. Pourvu qu’à la dernière heure nous n’ayons pas quelque difficulté car les allemands sont fort aise lorsqu’ils peuvent créer des difficultés pour tout ce qui veut et est français. La France est toujours leur bête noire & je n’ai qu’une médiocre confiance dans notre Kreisdirektor.
Mercredi. Il était tard hier au soir & je voulais me laisser une petite place pour t’embrasser ce matin, il neige toujours mais elle ne tient pas. l’oncle Georges[11] a mal au pied a de la peine à circuler & cependant ne veut pas que je le fasse chercher en voiture ! hier bon-papa & bonne-maman[12] avec les 2 jeunes ont soupé chez M. Meunier-Dollfus[13] de chez les Kestner.
Je t’embrasse de tout cœur. ton père qui t’aime & tu le sais bien.
ChsMff
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler et sa fille Marie Stackler que Léon Duméril va épouser.
- ↑ Dessin du plan de l’appartement.
- ↑ Léon Duméril et son cousin Georges Duméril (« les 2 jeunes »).
- ↑ Eugénie Desnoyers (†), seconde épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel, sœur de Charles Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ (Jean Baptiste) Noël Dumas va épouser Louise de Tournemine.
- ↑ Kreisdirektor : directeur de district.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Charles Joseph Meunier, époux de Ida Dollfus, qui traille avec les Scheurer-Kestner.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 20 et mercredi 21 février 1877. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_20_et_mercredi_21_f%C3%A9vrier_1877&oldid=40814 (accédée le 18 décembre 2024).
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