Lundi 18 février 1918 (A)
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
18 Février 18
Mon cher petit Louis,
Je m’en veux de ne pas t’avoir écrit depuis si longtemps. A Brunehautpré il n’y fallait pas songer ; tout notre temps a été occupé au maximum par des besognes matérielles peu amusantes, et le soir, dame, tu devines que je n’étais guère disposée à écrire… Ma plume me serait tombée de la main. Mais ce que je ne me pardonne pas, c’est de ne pas t’avoir écrit depuis notre retour qui date déjà de Vendredi soir. Accumulation de choses en retard qu’il faut liquider, hier réunion de famille, enfin aujourd’hui j’ai couru en vain pour chercher Germaine[1]. Elle est rapatriée avec sa fille et nous les attendons incessamment. Malheureusement la pauvre femme va trouver son Alphonse bien malade. Je viens encore d’aller le voir à l’hôpital de la Salpêtrière où il est depuis 15 jours et l’infirmière m’a confirmé dans mon impression qu’il est perdu et ne sortira pas à pied de l’hôpital ! Que n’est-il resté à Brunehautpré et que n’y est-il resté sage[2] !... Germaine nous écrit qu’Henry Parenty[3] est parti comme otage (en hautage) le 8 Janvier. Pauvres gens, ils auront vraiment souffert tout ce que l’on peut souffrir ! Elle rapporte les fourrures et le plus beau linge d’Élise[4] qui aura du moins cette petite consolation.
Et toi aussi, mon pauvre enfant, tu as ta part d’ennuis. Je comprends bien quelle peine ce sera pour toi de voir la place de [] prise par un autre et quel changement cela fera dans ton existence. Peut-être ton passage au grade de sousLieutenant amènera-t-il quelque changement avantageux pour toi.
Nous avons eu notre petite alerte cette nuit pour nous tenir en haleine. Fidèles à notre résolution, nous sommes descendus au premier signal avec les enfants, mais Mme de Vernouillet[5] nous ayant invité à nous réfugier à son 2e étage, nous en avons profité et avons passé une ½ heure fort agréable sur les bons fauteuils de son salon ; les Galtier[6] (du 4e) étaient aussi descendus chez elle. Georges D.[7] est à Saint-Cyr jusqu’en Juin et pense en avoir jusqu’en 7bre avec le dépôt et d’autres cours avant de retourner au front dont il paraît être d’ailleurs amplement rassasié. Il est gros et gras. Marthe[8] jubile. L’appartement de la rue de Sèvres leur fait faux bond. On pense à s’installer tout simplement dans l’appartement de tante Cécile[9].
J’ai reçu ce matin une lettre justificative de Michel[10] au sujet de l’histoire du P. Brottier. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il a eu la griffe lourde.
Sais-tu que le frère de Piot[11] est marié ?
Je t’embrasse à la hâte pour que ma lettre parte, mais bien tendrement.
Emy
Jules LeGentil est à Avranches, Laure[12] vient de l’y rejoindre. Je ne relis pas.
Notes
- ↑ Germaine Legrand, épouse d’Alphonse Painthiaux et mère de Marie Louise Painthiaux.
- ↑ Voir la lettre du 21 mars 1918.
- ↑ Henri Parenty (†1921) père d’Henry Parenty (†1914) ?
- ↑ Élise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
- ↑ Marie de Montaignac de Chauvance, veuve de Maurice Marchant de Vernouillet.
- ↑ Léon Galtier et sa famille.
- ↑ Georges Dumas.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille, veuve de Jean Dumas et mère de Georges.
- ↑ Cécile Milne-Edwards (†1917), épouse Ernest Charles Jean Baptiste Dumas (†1890).
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Le frère d’André Piot, Étienne Piot, épouse Marie Labrousse.
- ↑ Laure Froissart, épouse de Jules Legentil.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 18 février 1918 (A). Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_18_f%C3%A9vrier_1918_(A)&oldid=60967 (accédée le 21 décembre 2024).
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