Lundi 12 décembre 1881 (B)

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Lundi 12 Décembre 1881

Mon Père chéri,

Marie[1] m’a communiqué ta triste lettre ; notre pauvre tante[2] est donc de plus en plus malade et je vois qu’on est réellement très inquiet. Pauvre tante, je ne cesse de penser à elle et je voudrais savoir souvent de ses nouvelles, mais l’oncle Edgar doit être si occupé et surtout si préoccupé qu’il n’a pas le courage de t’en donner bien souvent, d’autant plus qu’il n’aurait rien que de triste à dire. Penses-tu passer encore par Nancy en venant nous trouver pour le jour de l’an ?

Voilà le froid qui commence ; il a gelé ce matin et il voltige quelques petits flocons de neige dans l’air. Nous sommes du reste bien dans la saison du froid et il est très extraordinaire que nous n’en ayons pas eu jusqu’à présent.

Depuis que je t’ai écrit, je n’ai fait qu’apercevoir Marie un instant au cours de chant : elle y était venue pour dire je ne sais quoi à tante[3] mais je n’ai pas assisté à leur conférence, j’aimais mieux chanter. J’ai fait après le cours la connaissance de Mme Pierre Arnould[4] qui est venue chercher Paule[5] ; elle a l’air bien simple et bien gentil, elle n’est pas jolie, mais elle est très loin d’être laide et je crois qu’elle doit être très intelligente et très franche. Je pense que nous ferons bientôt sa connaissance d’une manière plus complète.

Hier nous ne sommes sorties que pour aller à la grand’ messe et faire la visite classique du Dimanche chez bonne-maman[6] avec oncle[7]. Tout le reste de la journée s’est passé à ranger un peu, puis à travailler dans le cabinet d’oncle, mais nous avons été bientôt interrompus par une série de bonnes visites : tante Cécile[8] et Jean d’abord, puis tante Louise[9] et Marthe, enfin bon-papa et bonne-maman Duméril[10]. Jean a dîné ici comme presque tous les Dimanches ; il aime beaucoup mieux cela que d’aller chez sa grand-mère Dumas[11], bien qu’elle le plaigne de n’avoir qu’une demoiselle comme moi pour compagne de jeu. Si elle nous avait entendu rire hier soir, elle aurait peut-être changé d’avis.

Aujourd’hui j’irai chez M. Flandrin[12], puis chez Mme Roger[13] et nous irons de là directement chez Marie qui nous a invités à dîner.

Mercredi nous aurons ici une amusante réunion de jeunesse : tante a invité Henriette[14] et Rachel[15], peut-être Paule[16] viendra-t-elle aussi, et Jean[17] aura ses amis Dupont.

La maison commence à se remplir de moutons bêlants, de poupées de caoutchouc, de bêtes en bois qui tous annoncent l’approche du 1er Janvier et qui témoignent de la peine que tante[18] s’est donnée.

Adieu mon papa chéri, que je voudrais donc être avec toi, je suis sûre que tu es si triste de la maladie de tante[19] et que tu es d’autant plus triste que tu te sens seul et que tu n’as personne à qui parler de tes préoccupations. Oh quelle vilaine chose que la séparation, on devrait bien être toujours ensemble.

Je t’embrasse aussi fort que je t’aime, aussi fort que je le ferais si tu étais là.

Émilie


Notes

  1. Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville et sœur d’Émilie.
  2. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  4. Alice Forest, épouse de Pierre Arnould.
  5. Paule Arnould.
  6. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  7. Alphonse Milne-Edwards.
  8. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas et mère de Jean Dumas.
  9. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille et mère de Marthe Pavet de Courteille.
  10. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  11. Hermine Brongniart, épouse de Jean Baptiste Dumas.
  12. Paul Flandrin, professeur de dessin.
  13. Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeure de musique.
  14. Henriette Baudrillart.
  15. Rachel Silvestre de Sacy.
  16. Paule Arnould.
  17. Jean Dumas.
  18. Aglaé Desnoyers-Milne-Edwards.
  19. Émilie Mertzdorff-Zaepffel.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Lundi 12 décembre 1881 (B). Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_12_d%C3%A9cembre_1881_(B)&oldid=52310 (accédée le 5 octobre 2024).

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