Jeudi 7 décembre 1865

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)

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Vieux-Thann

7 Décembre 65

Ma chère petite Gla,

Que vous êtes donc aimables maman[1] et toi de nous écrire comme cela. Si vous saviez le plaisir que me font vos lettres ! et Mimi[2] elle était si contente avec sa lettre hier, on m’a renvoyée pour faire une lecture à haute et intelligible voix, elle a fait tes commissions. L’astrakan est arrivé à bon port ce matin. Merci pour la peine que cela t’a donné, c’est toujours très bien. Nous ne l’emploierons pas avant que tous nos habits de pauvres soient finis. J’ai passé ma matinée à acheter des chaussons et bas ; à la maison, on m’apporte la marchandise, tu sais les juifs… Hier les enfants[3] et la maman ont fait un rocher dans le petit jardin et nous l’avons planté de nos blanches mains avec des fougères. Nous voudrions bien avoir l’oncle Alphonse[4], il nous dirait les noms. Founi l’appelle toujours son chéri oncle Alphonse.

Tu me parles de gâteries bien trop grandes. Je devrais grrrronder d’avoir des idées comme cela…. la cloche sonne.

1h 1/2. j’envoie les enfants avec Cécile[5] au jardin, Charles[6] est à Morschwiller, je reprends ma causerie.

Pour attaquer le sujet pelisse talma[7] doublée de fourrure comme tu voudrais l’appeler, n’est-ce pas une folie que tu fais faire à maman ? et n’aurions-nous pas cela, un jour venant, plus facilement à Bâle ?

Mais je n’ose rien dire. <Pour> être quelque chose d’agréable certainement que ça me fera plaisir, ce n’est pas un vêtement qu’on porte souvent, mais c’est très agréable par les grands froids, et en voyage. Enfin vous avez toujours de bonnes idées et vous savez toujours donner des choses qui font plaisir.

Pour mes commissions ce qui est le plus pressé, ce serait une capeline (en soie noire doublée de violet ou de rouge ou autre comme tu voudras). Voilà les brouillards, avec mon chapeau rond j’ai froid et mon chapeau velours noir et bleu n’a pas le don de plaire, aussi il m’en faudra un habillé.

Tu as vu dans la lettre de maman que je désirerais du canevas java[8] un peu foncé pour faire un panier à bonnet à maman (un carré de 30 à 40cm dont on relève les coins en mettant un sac en soie). Crois-tu que ce soit bien ? et quelle couleur me conseilles-tu de prendre.

Quelles nouvelles tristes que celles que vous nous donnez d’Adèle[9]. Avec sa faible constitution on doit être bien inquiet. Je t’en prie continue à m’écrire comment elle va. Charles a toujours beaucoup craint pour elle. Quel malheur ce serait ! on n’ose penser à cela.

Comment va Louise[10] ?

Ton domestique pourra faire ton affaire, je m’en réjouis bien et je souhaite que tu ne te tourmentes pas trop de ces tracas-là ?

Comment va Cécile[11] et Noël[12] ? Il ne faut pas trop t’occuper de ce que chacun dit. Je sais bien que c’est plus facile à dire qu’à faire.

Je pense que Marie[13] se marie ou non, il me faudra toujours chercher une femme de chambre au printemps. Avec son caractère, elle ne pourra pas rester.

Alphonse a-t-il remporté tout à fait une bonne provision d’air pour le laboratoire ? Tu ne m’as pas parlé de lui. Comment va-t-il ? Fais-lui toutes nos amitiés.

Il est toujours en projet d’aller à Paris au Printemps, et cet Été au bord de la mer. Je suis bien contente de ce que maman me dit de Julien[14].

Adieu, ma Gla chérie, je t’embrasse bien fort, mes petits choux en font autant.

Sœur affectionnée

Eug. M.

J’ai fait la commission de maman à Mme D[15]. C’était bien la réponse la plus sage. Sais-tu si Alfred a reçu le vin blanc ?


Notes

  1. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  2. Marie Mertzdorff.
  3. Marie et sa petite sœur Emilie (Founi) Mertzdorff.
  4. Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
  5. Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
  6. Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
  7. Le manteau en forme de cape, dit « talma » est à la mode sous le Second Empire.
  8. Le canevas java et un tissu en coton épais, à tissage lâche, utilisé comme étoffe de renfort pour la décoration.
  9. Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil, est malade depuis son accouchement le 22 novembre. Elle est cousine de la première épouse de Charles Mertzdorff.
  10. Probablement Louise, la domestique, plutôt que Louise Milne-Edwards, épouse de Daniel Pavet de Courteille, belle-sœur d’Aglaé Desnoyers.
  11. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  12. Noël Dumas, fils d’Ernest Charles Jean Baptiste.
  13. Marie Martin, domestique chez les Mertzdorff.
  14. Julien Desnoyers, jeune frère d’Eugénie et Aglaé.
  15. Mme D. est Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant, consultée à propos d’un projet de mariage pour Alfred Desnoyers, frère aîné d’Eugénie et Aglaé.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 7 décembre 1865. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_7_d%C3%A9cembre_1865&oldid=60118 (accédée le 21 novembre 2024).

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