Jeudi 4 novembre 1875 (A)
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 4 Novembre 1875.
Mon Papa chéri,
C’est donc aujourd’hui ta fête ? Que je voudrais donc pouvoir t’embrasser et te dire combien je t’aime ! Mais tu le sais je crois que je t’aime énormément et je n’ai pas besoin de te le redire encore. Tu sais mon bon petit père tout ce que je te souhaite : te voir le plus longtemps possible et le plus souvent, que tu te portes toujours bien, et que tu sois content de nous. Je voudrais tant te faire toujours plaisir ! Je n’ai absolument rien à t’offrir mon petit papa chéri mais je vais bien travailler pour tâcher de te donner ce que je désire le plus c’est-à-dire mon diplôme au printemps en attendant je ne puis te donner que mon travail.
C’est avec un double plaisir que je vois cette date du 4 Novembre ; d’abord parce que c’est ta fête et ensuite parce qu’elle nous rapproche de plus en plus du moment où nous aurons le bonheur de te voir et de t’embrasser. Tu te rappelles bien ta promesse n’est-ce pas ? Il me semble qu’il y a déjà si longtemps que tu es parti ou plutôt que nous t’avons quitté mais cela revient au même.
Combien je te remercie mon petit père chéri, de cette bonne et longue lettre, vois-tu es un papa incomparable et le plus gentil de tous ; si tu savais combien l’histoire de ce pauvre Jeangele[1] nous a amusées s’il n’a pas ri nous l’avons fait pour lui.
Hier Mercredi notre journée a été des mieux remplies : à 11 h nous sommes parties au cours après nous être bousculées et dépêchées toute la matinée car nous étions horriblement en retard (ce qui arrive encore souvent) à midi nous avons eu notre leçon d’histoire sainte de Mlle Violet puis à 1 h Mlle Kleinhans avec laquelle nous avons fait le Jura et les Vosges j’étais à mon affaire comme tu vois dans cette dernière partie ; ce cours de géographie m’intéresse extrêmement car il est admirablement fait en nous apprenant les montagnes par exemple elle nous explique toutes les batailles qui s’y sont livrées, comment et pourquoi tel ou tel a été vainqueur et d’une façon si claire que l’on comprend tout de suite. Après la récréation nous avons fait une dictée puis nous avons eu notre cours d’histoire qui avait été remis à ce jour à cause de la Toussaint. Il n’a fini qu’à 5 h et tante[2] m’a emmenée en courant chez Mme Arnould[3] où la leçon de danse était déjà fort avancée, j’en ai eu cependant un bon bout, cela devient de plus en plus amusant ; nous avons terminé le tout par un galop général. Le soir nous avons eu la famille.
Ce matin j’ai recommencé mes leçons avec Mlle Duponchel qui a paru assez contente de ce que j’avais fait pendant mes vacances. Malheureusement je n’aurai pas encore le temps de travailler mon dessin cette année ce sera pour l’année prochaine.
Nous allons dans un instant partir pour notre leçon de piano[4] mais comme il faut avant passer chez bonne-maman[5] et chez Jean[6] qui va mieux mais cependant il n’était pas encore levé hier il faut beaucoup nous dépêcher, Emilie[7] est déjà prête et moi j’ai commencé trop tard ma lettre je me suis laissée captiver par les rois fainéants qui cependant ne sont pas bien drôles ; je t’embrasse bien vite et cependant bien fort mon petit papa chéri que j’aime tant.
Ta fille qui te souhaite une bonne fête
Marie
Notes
- ↑ Jeangele, nom propre, ou bien diminutif de « Jean ».
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger, est professeur de piano.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Le petit Jean Dumas.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 4 novembre 1875 (A). Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_4_novembre_1875_(A)&oldid=40111 (accédée le 15 novembre 2024).
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