Jeudi 28 avril 1881 (A)

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1881-04-28A pages 1-4.jpg original de la lettre 1881-04-28A pages 2-3.jpg


Mon cher papa, je viens de recevoir à l’instant ta bonne et longue lettre qui m’a fait un plaisir extrême ; je vois que tu vas bien, que tu es très occupé par ton hôpital qui doit, je le comprends, t’intéresser beaucoup. J’ai les mêmes bonnes nouvelles à te donner des habitants du Jardin des Plantes et de la rue Cassette hier ; hier j’ai eu une journée et surtout une soirée des plus amusantes. Je t’ai dit dans ma dernière lettre que nous devions ramener Marthe  Buffet de chez M. Flandrin[1]. Rachel[2] est venue aussi dîner avec tante Louise[3] et Marthe, les Noël[4], bonne-maman[5] et de plus M. Jacquet[6] l’officier du Travailleur et sa jeune femme qui n’a pas 19 ans, et M. Vaillant[7]. Tante[8] avait demandé aux Allain[9] et aux Brongniart[10] de venir après le dîner mais ils n’ont pu ni les uns ni les autres, cela ne nous a pas empêchées, pendant que les Messieurs étaient allés fumer de nous mettre à danser ; la bonne tante Louise nous a joué des polkas et des quadrilles et comme nous n’étions que 6, tante et bonne-maman Trézel[11] ont complété le quadrille. Te figures-tu bonne-maman Trézel dansant ? avec ses 90 ans sonnés ! il n’y avait rien de plus charmant à voir, elle l’a fait avec son calme, sa sérénité habituelle et, ô honte pour la jeunesse ! c’est elle qui nous remettait sur la voie quand nous embrouillions les figures. Ce n’a pas été le plus petit succès de la soirée que de faire danser bonne-maman. Quand les Messieurs sont revenus du cabinet d’oncle[12] ils se sont mis à danser avec nous et on ne s’est séparé qu’à 11h. Mme Jacquet est très gentille et elle avait l’air de s’amuser beaucoup, quant aux quatre jeunesses que tu connais tu penses si elles ont ri et si elles se sont amusées. Nous devons recommencer dans 15 jours, Jean[13] sera là et, étant prévenues d’avance, je pense que Jeanne[14] et les demoiselles Allain[15] pourront venir ; nous devons aussi avoir Henriette[16].

Aujourd’hui nous avons une journée des plus occupées, nous allons chez Marie[17] à midi et demie, puis à 3h à une répétition de chant dans la salle Érard[18] où aura lieu demain soir la réunion solennelle des élèves de Mme Roger[19] ; comme je n’aurai aucune émotion puisque je chanterai seulement dans les chœurs, je m’y promets un grand plaisir.

Cette pauvre tante Zaepffel[20] est décidément bien éprouvée cet hiver ; je ne savais pas du tout qu’elle eût encore été malade, je compte lui écrire le plus tôt possible, car je sais que cela lui fait toujours plaisir.

Je suis bien contente que bon-papa et bonne-maman[21] pensent à venir se fixer définitivement à Paris, et je me réjouis à la pensée de les voir souvent ici.

Adieu mon père chéri, je t’embrasse de tout mon cœur quoique je n’aie plus beaucoup de temps. O douce quiétude de Launay ! où es-tu donc ? c’était si agréable de ne pas se presser… mais il ne faut pas que tante voie cette phrase, elle me demanderait si je suis paresseuse et je ne voudrais pas répondre que oui car j’espère que ce n’est pas vrai, seulement je déteste me dépêcher trop, cela m’ahurit et me retire le peu d’esprit que j’ai.
Emilie

Tante Cécile[22] et Jean arrivent Lundi matin.


Notes

  1. Paul Flandrin.
  2. Rachel Silvestre de Sacy.
  3. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille, mère de Marthe.
  4. Jean Baptiste Noël Dumas et son épouse Louise de Tournemine.
  5. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers ? ou « bonne-maman Trézel » ?
  6. Édouard Auguste Jacquet, époux de Marie Camille Honorine Pasquier.
  7. Léon Vaillant.
  8. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  9. La famille d’Émile Allain.
  10. La famille d’Edouard Brongniart.
  11. Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
  12. Alphonse Milne-Edwards.
  13. Jean Dumas.
  14. Jeanne Brongniart.
  15. Émilie et Henriette Louise Allain.
  16. Probablement Henriette Baudrillart.
  17. Marie Mertzdorff-de Fréville, sœur d’Émilie, qui habite rue Cassette.
  18. La salle Érard est une salle de musique située dans le 2e arrondissement de Paris ; elle fait partie de l'hôtel particulier ayant appartenu à partir du XVIIIe siècle à la famille des facteurs de pianos, harpes et clavecins Érard.
  19. Pauline Roger, veuve de Louis Roger.
  20. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  21. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  22. Cécile Milne-Edwards, épouse de Ernest Charles Jean Baptiste Dumas et mère de Jean Dumas.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 28 avril 1881 (A). Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_28_avril_1881_(A)&oldid=52307 (accédée le 8 décembre 2024).

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