Jeudi 20 juillet 1871 (C)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency)
CHARLES MERTZDORFF
AU VIEUX THANN
Haut-Rhin[1]
Jeudi 20 Juillet 71
Ma chère Nie à l'instant je reçois ta lettre du Mardi écrite à Paris. C'est toujours avec grand bonheur que j'ai de vos nouvelles & je trouve qu'il n'est pas désagréable de le redire souvent. Il me semble que je n'ai pas grand chose à te dire de ma personne & si je devais raconter tout ce que je fais, ce serait long <car> je n'arrête pas de la journée. La chaleur est ici comme chez vous excessive. le temps cependant se couvre aujourd'hui, le baromètre baisse, nous pouvons nous attendre à de la pluie ce qui ne fera pas de mal.
J'ai reçu une lettre de Nogent (condé) il s'y construit un nouveau chemin de fer qui à ce qu'il paraît coupe une parcelle de la petite ferme de la Croix ; j'ai expédié une lettre au père Michel[2] qui doit aller à Condé entendre les propositions du chemin de fer & si cela lui paraît raisonnable, ce qui est rare, je l'engage de traiter. Si non, nous nous laisserons avec les voisins nous exproprier.
La chaleur est si grande que l'on dort mal la nuit & quoique je ne me sois couché que vers 11 h, ce matin à 5 ½ h j'étais levé et bien m'en a pris, car dès 7 h j'avais des visites de Mulhouse qui sont venues nous réclamer le service de prendre encore un peu de leur toiles ; Je suis encore bien chargé, il ne faudra pas la moindre anicroche pour terminer ce qui est ici.
J'ai un nouvel ennui ce sont les élections municipales qui vont se faire le 30 de ce mois & si elles ne se terminent pas car il faut une majorité du 1/4 des électeurs, c'est à recommencer le Dimanche après. Pour ce soir, je réunis la commission et si je puis me dispenser d'être là, j'en profiterai pour aller vous chercher. Je crois que les électeurs ne s'empresseront pas de venir voter & que ce sera remis au Dimanche suivant. J'y serais alors & je tiens à y être, pour <voter> mon affiche particulière par laquelle je préviens mes concitoyens que ma santé ne me permet plus de m'occuper de la commune je prie de ne pas me porter dans leur vote. Cela suffira-t-il j'ai une frayeur atroce que non.
J'espère bien, comme j'en avais le projet, de pouvoir laisser ma commune pour le 30 & être auprès de vous ce qui serait infiniment plus agréable. Pour le voyage vous[3] aurez bien chaud & souffrirez bien. Je comprends ma petite Mimi pour ses bains froids mais rien n'a encore été préparé au filtre, la maisonnette est dans l'état que vous savez, mais je viens de dire qu'on l'examine & la répare Dimanche prochain. Ce sera donc fait & le poisson pourra se mettre à l'Eau.
Je t'ai écrit pour mes cartes, les quelques départements de l'Est me suffisent pourvu qu'ils soient avec les chemins de fer qui pour moi est le principal. Je renonce à faire une aussi forte dépense que celle de 1 200 F pour avoir toute la France. Il nous faudra maintenant nous mettre à la Géographie Allemande.
A Morschwiller l'on a repris le travail ce que m'écrit Léon[4] hier, tout naturellement c'est à ciel ouvert qu'il faut travailler car le toit ne sera pas remis la semaine prochaine. Ils s'aident de locomobiles. C'est un méchant travail & qui coûte bien cher.
Ce sera donc demain que je saurai te dire, si je vais pouvoir me mettre en route la semaine prochaine, très probablement Mercredi ou Jeudi. Car si cela ne se peut pas, il faudrait remettre à 15 jours plus tard c’est-à-dire dans 3 semaines ce qui est un peu long.
J'ai rencontré ce matin Thérèse[5] charriant des matelas, il paraît qu'elle les monte sur la terrasse, mais que cela n'empêche pas les bêtes de les manger à pleines dents. Je l'ai engagée de faire venir du pyrèthre. C'est surtout l'un des matelas de la chambre rouge de ma mère[6] qui est le plus exposé. Je ne sais pas si Nanette[7] fait des confitures ; la cuisine n'est pas encore mise en état, le foyer reculé du mur. Elle ne l'a pas fait car nous pensions avoir des prussiens à loger ; mais jusqu'à ce jour quantité ont passé par le village heureusement sans s'y arrêter.
Il est midi passé je t'embrasse comme je t'aime
ton Charles M
M. Conraux n'est toujours pas de retour. Mon oncle[8] est décidé de mettre son petit Jules[9] chez les Jésuites à Metz. le petit garçon va bien maintenant. M. Jaeglé va bien mieux aussi. < > peu de malades ici comme à Paris.
Il parait qu'à Thann la municipalité a eu des difficultés avec les militaires ; tous ont donné leurs démissions. Pauvre pauvre Alsace elle aura encore bien des douleurs à endurer.
Notes
- ↑ En-tête imprimé.
- ↑ Louis Michel Pieaux, jardinier chez les Desnoyers.
- ↑ Eugénie et les petites Marie (Mimi) et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Thérèse Neeff, domestique chez les Mertzdorff.
- ↑ Marie Anne Heuchel (†), veuve de Pierre Mertzdorff.
- ↑ Annette, domestique chez les Mertzdorff.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Jules Heuchel, petit-fils de Georges.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 20 juillet 1871 (C). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_20_juillet_1871_(C)&oldid=39943 (accédée le 14 novembre 2024).
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