Jeudi 15 septembre 1859

De Une correspondance familiale


Lettre d’André Marie Constant Duméril (Vieux-Thann) à son fils Louis Daniel Constant Duméril (Paris)


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Vieux-Thann, jeudi 15 7bre

Mon Cher ami – Tu as su que nous étions partis M charles[1], son neveu georges[2] moi et Léon[3] pour la Suisse Dimanche dernier[4]. j'en suis revenu hier soir émerveillé et encore tout étonné comme tu le seras, en apprenant tout ce qu'on nous avons pu voir et les grandes distances que nous avons parcourues en si peu de temps, <> en quatre jours ; mais tu t'en feras une idée en suivant notre direction sur la carte.

Partis à six heures et demi de thann le Dimanche 11 – nous sommes allé directement coucher à Interlaken, c'est-à-dire à l'extrémité du lac de Thun[5], en passant par Mulhouse, Bâle, Olten, Berne et Thun où le Bateau à vapeur nous a déposés dans cette petite ville, qui est le rendez-vous de tous les voyageurs en Suisse de toute les nations. c'est un endroit où l'on vient s'établir dans des pensions, il y règne le plus grand Luxe, je ne puis mieux le comparer qu'au lieu de plaisance comme Trouville, et lui donnant trois ou quatre fois plus d'étendue et d'habitants qui n'y séjournent pas l'hiver. Les fêtes, les concerts s'y succèdent dans les Hôtels les plus vastes et les plus somptueux – nous avons pu en juger le jour même de notre arrivée, car il y avait une de ces grandes réunions chez l'un des riches voyageurs – concert instrumental dans les jardins, feu d'artifice, etc.

Le lendemain lundi, nous allons avec un guide, voir les glaciers – nous avons marché près de cinq heures dans les montagnes, dirigés par un guide. nous avons visité deux de ces glaciers, dans le grindelwald, faisant partie de la mer de glace ; nous avons pénétré sous la glace que l'on exploite pour les tables somptueuses d'interlaken ; mais c'est surtout dans le second glacier (le grand) où l'on pénètre dans une caverne ; puis sous un dôme de glace transparente formant une voûte énorme c'était un plafond d'un bleu pâle admirable ; on le fait pénétrer en passant sous une épaisseur de plusieurs mètres, c'est un spectacle que je n'oublierai de ma vie. j'ai supporté très bien cette marche forcée qui était assez fatigante pendant les montées qui se succédaient sans cesse dans des sentiers étroits ; mais très bien disposés car dans les endroits les plus rapides où l'on a pratiqué des sortes d'escaliers soit avec des pierres soit avec des racines avec des pieux et des points d'appui.

Le soir, après avoir dîné à interlaken, nous nous sommes fait conduire au Bateau à vapeur du lac de Thun, c'est sur l'une des Rives que se trouve le très beau château de la Famille des Rougemont[6]. – de thun, nous avons pris le chemin de fer pour Berne où nous avons couché. Le lendemain mardi, nous avons visité cette grande ville pendant près de deux heures – Nous y avons déjeuné et repris le chemin de fer pour nous rendre à Olten. Là M. Charles, pris d'une forte d'inquiétude pour sa femme et sa fille, a demandé à retourner seul pour se retrouver le soir au vieux-Thann

il nous a donc laissés sous la tutelle de son neveu Georges, qui parle l'allemand et qui a été notre interprète pour le reste de la Route.

Olten est le point central des chemins de fer de la Suisse – nous nous sommes dirigés dans un tout autre sens vers Lucerne. pour voir le canton de la Suisse le plus remarquable par la ville et son beau lac, qui s'unit aux eaux de l'immense surface qui fait tout le tour des quatre cantons. nous y avons navigué pendant près de quatre heures ; mais comme nous voulions revenir le soir à Lucerne nous avons débarqué à Brunnen, où une demie heure après, un autre Bateau à vapeur, nous a repris pour nous ramener à Lucerne où nous avons couché.

Le lendemain, qui était hier, après avoir à l'aide d'un guide, visité la ville et ses monuments et y avoir dîné à midi nous sommes revenus par Olten directement à Bâle – là nous avons pris le chemin de fer de Mulhouse et nous étions arrivés à 9 h 1/4 à Thann.

Caroline et son mari nous attendaient, M. Charles avait annoncé par le télégraphe son retour. en effet il était près d'elle à la même heure que nous la veille trouvant sa famille telle qu'il le désirait.

Léon est assez entrain. malheureusement M. Charles qui avait remarqué qu'il ne buvait pas au Repas, a fait demander partout de l'eau chaude. Il fait un peu plus de frais dans la conversation et met assez de gaieté dans ses narrations ; car il est grand observateur des particularités de mœurs et de manière d'être des voyageurs avec lesquels nous nous sommes trouvés et vraiment il y a du piquant dans ses récits, il est très bien avec Georges et sont cependant tous deux assez peu causeurs, même entre eux.

En voilà bien long sur mon voyage ; je me suis dépêché de t'en parler. Malheureusement je me sers d'une plume qui est une pointe d'épingle avec laquelle je crains que tu ne puisses lire tout ces détails vous me déchiffrerez si vous pouvez.

Mme Mertzdorff[7] la mère va arriver avec sa fille et son mari[8] Caroline les attend à dîner avec Mme Mertzdorff de Paris et sa fille[9]. il y aura douze convives, Caroline s'occupe de cette réunion.

j'ai, dès hier soir, parlé de mon départ pour aller vous rejoindre Dimanche prochain 18. Car je serais bien aise d'aller lundi à l'institut, peut-être cela ne se pourra pas ; car Mme Mertzdorff la mère a arrangé un dîner pour ce jour-là. Si cela contrarierait trop je remettrai mon départ, mais M. Charles ne croit pas que ce soit nécessaire ce qui me met à l'aise.

Il parait que Félicité[10] attend mon retour pour se mettre elle-même en route d'après ce que m'a dit Caroline.

Nous avons été merveilleusement servis par le temps pendant nos quatre jours de voyage. hier, cependant, il pleuvait assez fort et la pluie a duré depuis Mulhouse jusqu'à notre arrivée et elle était très abondante. Ce matin il fait un soleil mais il est un peu pâle et le temps est nuageux ;

j'écrirai demain à Auguste[11] à Trouville ; ainsi qu'à M. Malard[12] auquel je n'ai pas donné de mes nouvelles depuis que je l'ai quitté à Reims.

Adieu, Mon Cher ami, toutes mes affections pour ta femme et ma sœur[13] auxquelles tu pourras communiquer ces détails en attendant que je leur montre sur une grande carte l'énorme chemin que nous avons fait et refait en quatre jours.

je t'embrasse tendrement

C. Duméril


Notes

  1. Charles Mertzdorff, mari de Caroline Duméril, père de la petite Marie.
  2. Georges Léon Heuchel.
  3. Léon Duméril, frère de Caroline.
  4. Voir également le récit de ce voyage en Suisse.
  5. « Thoune » en français (André Marie Constant Duméril écrit « Thunn »).
  6. Les Rougemont sont des banquiers de Neuchâtel.
  7. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
  8. Emilie Mertzdorff, sœur de Charles, a épousé en 1858, Edgar Zaepffel.
  9. Caroline Gasser, épouse de Frédéric Mertzdorff, réside à Paris et vient souvent à Saint-Amarin en Alsace. Elle est accompagnée de sa fille Elisabeth.
  10. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril et mère de Caroline.
  11. Auguste Duméril, fils d’André Marie Constant Duméril.
  12. André Malard chez qui André Marie Constant Duméril a séjourné au début du mois.
  13. Sa belle-sœur Alexandrine Cumont, veuve d’Auguste Duméril l’aîné.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Jeudi 15 septembre 1859. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Vieux-Thann) à son fils Louis Daniel Constant Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_15_septembre_1859&oldid=39861 (accédée le 22 décembre 2024).

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