Jeudi 13 décembre 1877
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 13 Xbre 77.
Que dois-tu penser de moi, mon Père chéri, c’est aujourd’hui pour le coup que je devrai signer étourdie, grande étourdie ! Comment, je te dis que je t’envoie la bande du journal, je l’ai là devant moi dans un cahier, et rien que pendant la minute qu’il me faut pour mettre mon adresse j’oublie tout ! c’est trop fort, j’étais bien fâchée après moi je t’assure. Heureusement que ce n’était pas très important. Enfin pour être sûre de moi je les ai mises de suite sous enveloppe et j’en ai pris 2 au lieu d’une.
Tu te demandes sans doute pourquoi je t’écris maintenant avec de l’encre d’une si jolie couleur, c’est de l’encre à la mode vois-tu, et tu sais que j’aime bien la mode. Non ce n’est pas là la vraie raison, je suis au cours et j’ai obtenu la permission de me retirer dans la petite pièce à côté d’Emilie[1] où je travaille bien à mon aise en attendant que le cours de beaux-arts[2] commence ce qui ne va pas tarder. Ce nouvel arrangement m’enchante car je perdais toujours beaucoup de temps.
Hier j’ai été à la Sorbonne ; nous avons fait d’une part les Alpes, leçon très intéressante et très bien exposée[3], puis d’autre part nous avons fini l’air et commencé l’hydrogène et nous nous sommes très bien amusées il y a eu des explosions terribles mais M. Riche[4] nous avait prévenues et oh ! merveille ! ces fortes détonations au milieu d’une assemblée de dames n’ont fait jeter de cris à personne. J’étais dans l’admiration. Nous avons eu aussi des lumières éblouissantes. Mais ne va pas croire cependant, mon petit Père, que je ne remarque que ces choses-là qui sont le côté amusant et drôle je tâche de profiter de mon mieux et jusqu’à présent j’ai été fidèle chaque semaine à faire ma rédaction. En sortant nous avons été chez la couturière essayer nos robes qui sont définitivement choisies ; elles sont brunes, ni laides ni jolies mais je crois que bien faites elles auront l’air distingué, elles auront du cachet c’est l’expression consacrée pour ces choses-là tu sais.
Nous ne sommes rentrées qu’à 5h heure [de] notre leçon d’allemand et Mme Lima était là depuis 4h ! C’est vraiment un excès de zèle. Nous avons recommencé à lire les [Räuber[5]], c’est assez difficile mais elle nous l’explique.
Le soir nous étions fort réduits il n’y avait que Mme Pavet[6] et Marthe[7], Mmes Trézel[8] et Brouardel[9] et Jean[10]. Mme Dumas[11] va mieux mais ne sort pas encore et même ne se lève que quelques heures dans la journée. Nous y avons été ce matin avant de venir ici.
J’entends Mlle Magdelaine, je te quitte bien vite en t’embrassant comme je t’aime.
M.
[Nos] cours sont finis. J’attends Emilie et je viens encore t’embrasser un peu avant de finir ma lettre définitivement. Il me semble que ma lettre est stupide et que je ne t’ai rien dit du tout. Enfin tu verras que je pense beaucoup à toi.
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Cours des beaux-arts donné par Mlle Magdelaine.
- ↑ Cours de géographie donné par Émile Levasseur.
- ↑ Alfred Riche donne le cours de chimie.
- ↑ Die Räuber, drame de Friedrich von Schiller (1759-1805) [Les Brigands].
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Probablement Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel, plutôt que Louise Ida Martineau, épouse d’Antoine Camille Trézel, qui vit dans le Jura.
- ↑ Probablement Elisabeth Coudray, veuve de Pierre Brouardel, plutôt que sa belle-fille.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 13 décembre 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_13_d%C3%A9cembre_1877&oldid=39818 (accédée le 15 novembre 2024).
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