Dimanche 6 avril 1873

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un ajout d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards


Paris le 6 avril 1873[1]

Dimanche des Rameaux

Mon cher papa

Voilà bien longtemps que nous ne t'avons pas écrit aussi je t'en demande bien pardon et je viens le réparer aujourd'hui.

Samedi (hier) nous avons reçu la lettre que tu nous as écrite Mercredi et qui nous a fait bien grand plaisir.

Je t'écris du cabinet d'oncle[2] où j'ai bien des distractions. Emilie[3] coiffe sa poupée ; Jean[4] est censé apprendre une fable tante[5] copie et oncle copie aussi je crois. Je me dépêche vite d'écrire car oncle arrive avec la ceinture de sa robe de chambre pour nous battre.

Hier nous avons été comme nous te l'avions dit chez Henriette Baudrillart seulement comme le temps n'était pas beau

Décidément je ne puis pas écrire Jean est en lutte avec oncle il est très drôle. Jean vient de me réciter sa fable et oncle s'occupe à arranger son gros gros œuf d'épiornis[6].

Je te disais donc que comme il ne faisait pas beau nous sommes restées chez Henriette où tante nous a laissées pour aller prendre sa douche et aller chez la maîtresse d'allemand[7] qui n'y était pas puis elle est revenue nous prendre et nous avons été chez Mme Roger[8] prendre notre leçon de piano décidément nous ne sommes pas encore bien fortes. C'est bien amusant oncle vient de pendre son œuf et maintenant il va en pendre deux autres plus petits près de la fenêtre aussi je ne sais pas ce que je t'écris. Jean pleure parce qu'on lui coupe les ongles avec de trop grands ciseaux et il est persuadé qu'on va lui faire mal.

Vendredi nous avons été à Vincennes. Hier je n'étais pas du tout en train de travailler aussi je crois que c'est pour cela que je ne t'ai pas écrit.

Ce matin nous avions acheté du buis mais il sentait tellement mauvais, comme si un chat s'était promené dessus et y avait fait ses petites ordures, qu'après l'avoir mis à s'évaporer dans ta chambre nous venons de le brûler.

Demain nous devons beaucoup travailler le matin puis aller au premier sermon de la retraite de Notre-Dame puis notre leçon de Mlle Bosvy.

Jeudi nous avons beaucoup sauté à la corde avec Jeanne Brongniart après notre leçon.

Mme Dumas[9] vient de revenir de St Lo et elle est assez fatiguée elle a trouvé cette ville très jolie.

J'ai reçu hier une lettre de tante Zaepffel[10] si elle ne pèse pas trop je vais te l'envoyer.

Adieu, mon cher papa je ne trouve absolument rien à te dire vraiment cette lettre ne vaut pas 40 centimes, j'ai mis deux heures à l'écrire ou plutôt il y a deux heures qu'elle est commencée je vais aller aux vêpres avec Cécile[11].

Bien des amitiés à bon-papa, bonne-maman[12] et oncle Léon[13] sans oublier oncle et tante Georges[14].

ta petite fille

Marie Mertzdorff

On me charge de t'embrasser.

Mon cher Charles,   

Vos chères petites filles[15] vont très bien et sont bien sages ; je profite de cette petite place blanche pour vous dire combien nous pensons tous à vous et souffrons de vous savoir si malheureux[16]   

<AM>


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Alphonse Milne-Edwards.
  3. Emilie Mertzdorff.
  4. Jean Dumas.
  5. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  6. L’épiornis est un oiseau de Madagascar, connu seulement par ses œufs qu'on a trouvés fossilisés.
  7. Probablement Mme Lima.
  8. Pauline Roger, veuve de Louis Roger.
  9. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas, plutôt que sa belle-mère Hermine Brongniart, épouse de Jean Baptiste Dumas.
  10. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  11. Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
  12. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  13. Léon Duméril.
  14. Georges Heuchel et son épouse Elisabeth Schirmer.
  15. Marie et Emilie Mertzdorff.
  16. Après le décès de son épouse Eugénie Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 6 avril 1873. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un ajout d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_6_avril_1873&oldid=51631 (accédée le 2 décembre 2024).

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