Dimanche 30 novembre 1873 (B)

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1873-11-30B pages 1-4.jpg original de la lettre 1873-11-30B pages 2-3.jpg


Dimanche soir 30 9bre 73

Ma chère Marie

Je trouve que j'ai assez lu, il n'est pas trop tard, & je suis là bien tranquillement tout seul, pas l'ombre d'un bruit, même celui de l'Eau qui reste entre les doubles fenêtres & ne peut entrer, je ne vois donc rien de mieux à faire pour terminer ma journée que de venir causer avec toi.

Te dire que j'ai reçu ton petit mot, qui est bien suffisant puisqu'il me dit que vous allez tous bien. Ne t'inquiète pas, ma chérie, si parfois le temps te manque pour me raconter toute votre vie & ne te tourmente pas pour cela, ce petit mot me suffit, car je sais qu'outre les choses sérieuses, & c'en est une que d'écrire une lettre, même à son papa, il y a les choses agréables qu'il ne faut pas bannir & les prendre des deux mains lorsqu’elles nous viennent. Je te remercie donc autant de ce petit mot auquel vous avez pensé que pour une plus longue.

Comme vous le savez par ma dernière d'hier. Bon-papa & bonne-maman[1] Léon[2] sont venus passer la journée ici. J'ai engagé Georges[3] à dîner avec nous de sorte que la table était bien garnie & Nanette[4] a parfaitement régalé mes hôtes. Bonne-maman n'a pas très bonne mine, un rien la dérange, elle est excessivement maigre & elle était pâle. Elle attribue sa petite rechute, qu'elle dit enrayée ? à son ancienne bonne Clémence qui est malade & a donné des inquiétudes, la voilà un peu mieux. Mercredi dernier en allant arrivant à Mulhouse, il m'avait semblé avoir rencontré Madame Tachard[5] qui partait, puis le soir à la station de Lutterbach sa mère & sœur[6] qui arrivaient. Une dépêche appelait Mme Tachard auprès de son mari, malade depuis assez longtemps mais plus gravement, à ce qu'il paraît, le lendemain de sa déposition au procès Bazaine, & sa mère venait pour rester auprès des enfants[7], tu sais que l'aînée est souvent malade. Cette nouvelle mauvaise, avec la maladie de Clémence, ont suffi pour déranger bonne-maman. Tu sais comme elle prend les choses à Cœur.

J'ai reçu une lettre de tante Zaepffel[8] qui me dit avoir plus de mal à s'habituer à Nancy que la 1ère fois ; sa maison & son jardin sont bien regrettés, elle est du reste toujours encore un peu souffrante & il faut qu'elle prenne des précautions en sortant, pour ne pas revoir revenir son mal.

Les sœurs de l'école d'ici[9] me demandent de la couture pour les élèves, je m'en occuperai demain. Demain aussi, ne travaillant pas à la fabrique je pense visiter les deux orphelinats & peut-être sœur <Juilleth> de l'hôpital qui m'a aussi écrit. Tu vois que je suis bien pris par les sœurs il ne me manque plus que le froc.

Mon Oncle[10] a reçu une lettre de M. Barbé qui fait revenir sa parfaite Rosine[11] & après le nouvel an, lui-même viendra la rejoindre dans son ancienne habitation le pauvre homme n'a pas pu se faire aux allures trop acariâtres de son patron, il prétend qu'il a été gâté par moi.

Voilà bien de petites nouvelles pour lesquelles je mérite bien un bon point car je vais les chercher du grenier à la Cave, tout passe en revue. Si je ne te parle pas Jardin & Jardinier c'est que je n'en ai encore rien vu du tout. Que Jeangele[12] qui portait un bain à la femme Kohler, notre laitière qui a été très très malade, va un peu mieux ; elle prend des bains de soude, Voilà un mois qu'elle est au lit. Ces petites nouvelles peuvent intéresser Cécile[13] qui les lira avec plaisir. Un bonjour de ma part à cette excellente vieille <bonne>.

Léon est revenu de sa petite fugue à Senones, mais il n'a pas fait tout ce qu'il comptait y faire, il aura peut-être à y retourner. la fabrique va assez bien me dit-il

Le travail à Vieux-thann a l'air de revenir un peu, mais quant aux machines hollandaises rien n'est venu, même pas l'ingénieur Legay que l'on attend depuis 3 jours.

Quant à Morschwiller l'affaire est encore trop enfant, elle a besoin de grandir, en attendant elle mange & boit bien.

Je ne te parle pas de ma santé parce qu'elle est bonne & n'ai rien autre à en dire. Nanette rajeunit & Thérèse[14] grossit comme un cornichon se préparant au Concombre.

Je verrai demain si j'ajouterai encore quelques pages à ce verbiage en attendant je t'embrasse vous embrasse tous grands & petits de tout cœur ton père Charles.

Pour mon dimanche je n'ai même pas mon journal qui à ce qu'il paraît a fait fausse route.

Lundi 1 h.

Je reçois à l'instant ta lettre d'hier & comme je n'aurais pas le temps d'y répondre en détail je remets à demain ou après. T'embrasse de nouveau comme je t'aime


Notes

  1. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  2. Léon Duméril, leur fils.
  3. Georges Heuchel.
  4. Annette, cuisinière chez les Mertzdorff.
  5. Wilhelmine Grunelius, épouse d’Albert Tachard.
  6. Bertha Grunelius.
  7. Marie, André, Adèle et Pierre Tachard.
  8. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  9. Léonore Neeff est l’une des sœurs de l’école de Vieux-Thann.
  10. Georges Heuchel.
  11. Rosine non identifiée.
  12. Diminutif du domestique Jean.
  13. Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  14. Thérèse Neeff, domestique chez les Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 30 novembre 1873 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_30_novembre_1873_(B)&oldid=60285 (accédée le 20 avril 2024).

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