Dimanche 25 et lundi 26 novembre 1810

De Une correspondance familiale

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens)

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N° 204

Paris le 25 9bre 1810

Mon Cher père,

j'ai reçu les deux lettres que vous m'avez écrites le 6 et 17 de ce mois. malheureusement la première est arrivée huit jours trop tard. quant à la seconde je ferai ce que je pourrai pour remplir vos intentions mais je crois que nous serons bien servis au ministère de la justice où M. Delpierre[1] beau-frère de M. Darquier ami d'Auguste[2] a promis de s'employer autant qu'il le pourra. je parlerai aussi demain à M. de Lacépède enfin je ferai tout ce qui dépendra de moi pour faire valoir vos droits.

j'ai reçu de ma tante Duquesnel[3] une lettre fort pressante pour que je m'emploie en faveur de philibert[4]. mais je ne sais si on peut obtenir cette grâce et à qui je devrais m'adresser si vous pouvez m'indiquer ce qu'il y a à faire et que cela soit possible. ayez la complaisance de me le mander et je ferai ce qui dépendra de moi.

je suis tout à fait raccommodé avec Cuvier après une explication assez vive au sujet d'une sorte d'injustice dont j'ai failli être encore la victime. mon raccommodement pourra me valoir une place de 3 ou 6 000ll si les choses tournent comme je le souhaite. dans le premier cas je serai nommé Professeur de physiologie à la faculté des Sciences sur le même pied et avec le même traitement que Geoffroy[5]. Dans l'autre que je désire moins quoique le profit soit plus grand je serais inspecteur général de l'université, mais obligé à faire des tournées. ne dites rien encore de cette nouvelle. les choses sont sur le tapis ; mais elles ne sont pas assez avancées et depuis quelque temps les événements n'ont pas tourné à mon avantage. j'aurai soin de vous instruire des bonnes ou mauvaises nouvelles que j'apprendrai.

en attendant, Madame Cuvier[6] m'a chargé de lui rendre un service dont la peine tombera sur ma mère[7]. il s'agit de lui acheter quatre aunes de finette noire. c'est une sorte d'étoffe de laine dont elle désire faire des tabliers. je serais bien aise que vous missiez un peu d'empressement à faire cette emplette et à me la faire parvenir même par la diligence. cependant peut-être Monsieur Salleron pourrait-il s'en charger.

j'ai Duméril[8] sur les épaules depuis quatre mois. je ne lui ai donné à la vérité de ma bourse que 200 F en huit ou dix fois mais cela m'a gêné. il me mande aujourd'hui qu'il est dans la plus grande pénurie. voyez si vous ne pouvez faire quelque chose en sa faveur je lui remettrai le peu que vous voudrez sur le prix de l'emplette que vous voudrez bien faire pour Madame Cuvier. il me mande aussi qu'il ne pense pas devoir prendre les fonds que Montfleury[9] lui prête de la manière que vous lui indiquez. qu'il croit plus convenable de les laisser entre les mains de Monsieur Ledieu qui peut en procurer un plus fort intérêt jusqu'à ce que Monsieur Saladin ait fait lui-même l'appel de la somme nécessaire qui sera sans doute inférieure à celle primitivement demandée. Car la procuration que donnera Duméril ne sera faite que sur cet appel, ce qui diminuera les droits d'enregistrement etc.

je vous répète que je crois naturel et même nécessaire que vous vous exécutiez un peu dans cette circonstance autant pour moi que pour lui. j'ai eu assez de désagréments et de sacrifices pour ma part. il faut espérer que tout finira maintenant. au moins n'aurons-nous rien à nous reprocher.

ma femme[10] et mes enfants[11] qui ont été légèrement indisposés sont tout à fait bien. nous vous embrassons tous tendrement.

26 matin. au moment où je pars pour faire ma leçon M. Salleron m'apporte les lettres dont vous l'aviez chargé. je n'ai pas le temps de lire celle que vous adressez au C. Dumont[12] mais d'après la vôtre et ce que je vous mande ici il me semble qu'il ne faut pas encore s'occuper de faire passer la somme à Paris. j'attendrai donc votre réponse pour porter les lettres.

mille amitiés. C. D.


Notes

  1. Le beau-frère de M. Darquier est appelé ici « Delpierre » et « Delpeche » dans la lettre du 1er octobre 1810.
  2. Auguste (l’aîné), frère d’André Marie Constant Duméril.
  3. Geneviève Flament, épouse de Joachim Martin Duval.
  4. Possiblement Jean François Philibert Maressal, maire de Crouy, père d’une nièce (Flore Maressal) de Geneviève Flament et de Rosalie Duval.
  5. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire.
  6. Anne Marie Coquet de Trazail, épouse de Georges Cuvier.
  7. Rosalie Duval.
  8. Jean Charles Antoine dit Duméril, frère d’AMC Duméril.
  9. Florimond dit Montfleury (l’aîné), frère d’AMC Duméril.
  10. Alphonsine Delaroche.
  11. Caroline (l’aînée) et Louis Daniel Constant Duméril.
  12. Le cousin Charles Dumont de Sainte-Croix, avocat à Paris.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 3ème volume, p.67-71)

Annexe

A Monsieur

Monsieur Duméril

juge en la cour criminelle du département de la Somme

Petite rue Saint Rémy n° 4

A Amiens

Pour citer cette page

« Dimanche 25 et lundi 26 novembre 1810. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_25_et_lundi_26_novembre_1810&oldid=39540 (accédée le 20 avril 2024).

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