Vendredi 19 octobre 1810

De Une correspondance familiale

Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à sa belle-mère Rosalie Duval (Amiens)

Original de la lettre 1810-10-19-page1.jpg Original de la lettre 1810-10-19-page2.jpg Original de la lettre 1810-10-19-page3.jpg Original de la lettre 1810-10-19-page4.jpg


N° 203

Paris 19 Octobre 1810

Ma très chère Maman

Vous serez peut-être étonnée de voir paraître M. Leleu qui a tout de suite accepté la proposition que votre fils[1] lui a faite d'aller le rejoindre à Middelburg, et il est aisé de comprendre comment il met beaucoup de prix à se retrouver près de lui. Je ne veux point le laisser aller à Amiens sans joindre quelques détails de plus aux nouvelles qu'il vous donnera de nous, voulant d’ailleurs ne pas tarder davantage à vous adresser moi-même mille remerciements pour le beau et bon cadeau que vous avez eu la bonté de nous faire. Dans un ménage encore nouveau comme le nôtre des choses de ce genre sont d'une grande utilité, et cette toile que vous vous êtes donné le soin de faire filer et fabriquer pour nous, est d'une agréable qualité, et sera certainement d'une longue durée. J'ai aussi à vous remercier ma chère Maman de votre dernière lettre ; et à vous faire des excuses (qui se renouvellent chaque fois que je prends la plume pour vous) sur ce que je vous écris si rarement. Mais depuis que je n'ai plus de bonne spécialement pour les enfants[2], et que par économie nous n'en avons plus qu'une bonne pour les soigner les enfants et pour faire la cuisine, je suis si continuellement entourée de ces deux marmots et de tout leur bruit, et il m'est si impossible d'écrire avec cet entourage-là, que j'ai été obligée de cesser toute correspondance ; lorsqu'ils seront un peu plus grands, ils auront assez de raison pour sentir qu'il faut me laisser un peu de repos pour cette occupation-là. Le mouvement et l'activité dans lesquels ils passent leur temps depuis le matin jusques au soir, est de leur âge et leur est même nécessaire, aussi sont-ils d'une grandeur, d'une force et d'une santé qui nous donnent une grande satisfaction ; Caroline cependant n'est pas aussi grasse et n'a pas un aussi bon teint que son frère, mais elle est dans l'âge où les enfants commencent à s'effiler un peu. Elle a été un peu dérangée cet été par des vers, mais du sirop de quinquina dont elle a pris à différentes reprises lui a très bien réussi. C'est une jeune personne qui commence un peu à lire, et aussi à coudre. Elle a tant d'activité qu'il m'est très précieux de pouvoir la fixer pendant quelques moments de la journée par ces deux occupations auxquelles elle trouve assez de plaisir. Le développement de son intelligence est toujours pour nous une occasion d'étonnement. Son frère qui se porte mieux que jamais depuis la maladie qu'il a eue cet été a toujours l'aimable naturel que vous lui avez connu, et il est extrêmement amusant par sa gaieté et ses petites manières bouffonnes. Ces deux enfants s'aiment tendrement, et Caroline a mille complaisances pour son petit frère.

Je crois que votre fils vous a déjà complimenté sur les succès de Montfleury[3] à son lycée, nous apprenons toujours avec un grand plaisir ses progrès dans la science, et nous pensons avec bien du contentement à celui que vous et les vôtres en éprouvez. Il aura sûrement fait avec sa Tante[4] un séjour très agréable à Corbie. J'espère que Mlle Bailleul[5], maintenant Mme une telle est aussi heureuse que son charmant caractère le faisait désirer.

Vous ne nous avez point parlé de M. Duval Père[6] dans votre dernière lettre d'où nous avons conclu qu'il continue à être passablement bien portant ; veuillez lui présenter notre respectueux souvenir, et faire nos compliments et amitiés à ses enfants ; ainsi qu'aux vôtres. Il faut bien que je compte sur l'amitié et l'indulgence de ma sœur Reine pour ne pas la croire extrêmement outrée contre moi, je l'embrasse tendrement et je la prie que ce soit un traité de paix je la prie aussi de nous rappeler au souvenir de ceux de ses amis qui veulent bien nous porter quelque intérêt.

Nous avons écrit à Notre Tante Basilice[7] et nous joignons la lettre à celle-ci pour que vous ayez la complaisance de la lui faire parvenir.

Je pense que vous avez quelquefois des nouvelles de ma belle-sœur auguste[8] ; la voilà bien près d'un moment fâcheux, et que je serai bien contente de sentir passé pour elle. J'espère pour elle et pour son enfant qu'elle pourra nourrir.

Veuillez ma très chère Maman penser souvent à nous, et recevoir ainsi que notre cher Papa[9] l'expression de notre respectueux attachement.

A. Duméril


Notes

  1. André Marie Constant Duméril.
  2. Caroline (l’aînée), née en mars 1807 et Louis Daniel Constant Duméril, né en juin 1808.
  3. Florimond dit Montfleury (le jeune), neveu d’AMC Duméril.
  4. Reine Duméril, sœur d’André Marie Constant.
  5. Élisabeth Bailleul, qui a épousé Pierre Antoine Anschaire Baillet en janvier 1810.
  6. Jean Baptiste Duval, oncle d’AMC Duméril.
  7. Basilice Duval.
  8. Auguste (l’aîné), frère d’AMC Duméril, est marié à Alexandrine Cumont ; elle va accoucher de Félicité.
  9. François Jean Charles Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 3ème volume, p.64-67). Une autre lettre adressée à la tante Basilice a été jointe à celle-ci mais n’a pas été conservée.

Pour citer cette page

« Vendredi 19 octobre 1810. Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à sa belle-mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_19_octobre_1810&oldid=61157 (accédée le 9 octobre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.