Dimanche 23 mars 1873
Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à sa petite-fille Marie Mertzdorff (Paris)
Dimanche 23 Mars 1873.[1]
Ma bien chère petite Marie,
Hier j’ai été bien contente en recevant ta bonne lettre, rien ne peut m’être plus doux que d’avoir des détails sur nos bien aimés habitants de Paris. J’ai été fort impressionnée en apprenant la mort de Mlle Boblet, je connaissais son mérite et j’ai bien présente à la mémoire cette lettre si parfaite qu’elle a écrite au moment de notre grand malheur[2]. Qui aurait pu supposer alors que cette femme si distinguée qui envoyait des expressions si pleines de sympathie, de confiance en Dieu, de résignation, et qui connaissait le grand mérite de celle qui nous était ravie, fût elle-même si près de l’heure suprême. Hélas ! tout passe sur cette terre, mais le souvenir des vertus ne s’efface jamais.
Que de fois je me représente en idée mes deux bonnes petites chéries[3] auprès de leur tendre tante Aglaé[4]. Cette quête qui vient d’être faite à la Madeleine en faveur des orphelines et des vieillards m’a bien intéressée, certainement je comprends que mes chéries aient été un peu intimidées, mais il est bon de prendre sur soi, de savoir agir et de ne pas se laisser envahir par trop de timidité. Puis on sait prendre une certaine assurance quand il est question de soulager les gens atteints par le malheur et la misère. Hier j’ai été faire visite à Madame Stoecklin[5], quoiqu’elle demeure à Morschwiller, je n’ai que rarement le plaisir de la voir, elle est très occupée, puis le mauvais temps empêche les sorties. Cette pauvre dame qui a le cœur si brisé par ses propres malheurs, prend aussi une vive part à la douleur des autres. J’ai vu Marie[6] et Jeanne[7], toutes deux sont bien gentilles et très contentes dans ce moment de posséder un âne sur lequel elles se promènent. M. Stoecklin[8] avait d’abord eu l’intention d’acheter une petite voiture que l’âne aurait traînée sous la conduite de Marie, mais on y a renoncé assez vite par crainte d’accidents. A l’instant je viens d’être interrompue par l’entrée chez nous d’une belle cavalcade à la tête de laquelle était l’oncle Léon[9] qui avait pris les devants pour dire qu’on eût à déboucher deux bouteilles de vin de Pommard. Il y a donc eu halte dans la cour, et Rosalie[10] est allée porter des verres aux cavaliers et à une jeune dame qui était parmi eux. Cette dame est la femme du maître d’<équitation>. Je ne me suis pas montrée, mais mon mari[11] est allé causer un peu avec ces messieurs, puis on est parti pour continuer la promenade. Entre nous je te dirai que j’ai trouvé à l’oncle Léon très bonne façon, il paraît à présent bien maître de son cheval.
Je te remercie bien de m’avoir parlé de Mme Fröhlich[12] et de ses filles[13], me voilà rassurée sur l’état de santé de cette bonne parente. Notre chère Adèle[14] connaît à présent notre grand malheur.
Je te félicite d’avoir terminé ton joli couvre-pieds destiné à ta petite filleule[15] qu’on me dit bien gentille.
Adieu chère petite Marie, adieu chère petite Émilie, je vous embrasse comme je vous aime ainsi que votre père[16], votre tante[17] et votre bonne-maman[18].
Félicité Duméril
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Le décès en janvier 1873 d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Marie et Émilie Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Elisa Heuchel, épouse de Jean Stoecklin ; ils ont perdu leur fille Elisa Madelaine Stoecklin, épouse de Georges Léon Heuchel (†) en 1870.
- ↑ Marie non identifiée.
- ↑ Jeanne Heuchel.
- ↑ Jean Stoecklin.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Rosalie, domestique chez les Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Eléonore Vasseur, veuve d’André Fröhlich.
- ↑ Adèle et Marie Fröhlich.
- ↑ Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil.
- ↑ Louise Soleil.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 23 mars 1873. Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à sa petite-fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_23_mars_1873&oldid=57004 (accédée le 18 décembre 2024).
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