Dimanche 23 juillet 1871

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency)


original de la lettre 1871-07-23 pages 1-4.jpg original de la lettre 1871-07-23 pages 2-3.jpg


Dimanche 23 Juillet 71

Ma chérie

Je suis seul, mes invités ne sont pas encore ici, j'en profite pour te dire un petit bonjour. J'étais hier à Morschwiller, c'est pour la journée comme tu sais, j'ai trouvé mauvaise mine à bonne-maman[1], qui souffre des dents ce qui la met dans un état nerveux excessivement pénible ; au point que Vendredi elle a dû se coucher. Elle ne mange pas, & réellement jamais je ne lui ai vu une figure aussi misérable. Elle est toujours courageuse, sait forcer la nature, fait trop, ses domestiques pas assez. J'avoue que je suis un peu inquiet, car depuis longtemps elle se plaint & je trouve que cela va en augmentant. Le père[2] va bien, & Léon[3] prend du ventre ce qui est trop tôt.

L'on travaille, mais comment, avec beaucoup de difficultés & un rien peut à chaque instant les arrêter. Pour eux il sera temps de voir cette grande presse finie, pour pouvoir au moins les remettre à travailler dans de meilleures conditions. Voilà Léon qui arrive.

Soir. Je t'ai quittée car peu à peu mes invités arrivaient. La Société était nombreuse nous étions 6 à table. L'oncle[4], Paraf, Barbé, Léon, Jaeglé & moi. Bon dîner, très raisonnable [  ] chacun étant très à son aise.

Mais c'est un peu long d'avoir Paraf de 9 h du matin à 6 h du soir par une belle & bonne journée de pluie.

Au potager, l'on a nettoyé le filtre travail toujours très ennuyeux, remis en état la maisonnette de bains. Voilà les graves évènements de la journée, tu vois que la vie est calme & peu variée.

Te voilà ma chère amie encore pour 10 jours environ avec ta bonne mère & ton excellent père[5] ; j'espère bien savoir les décider à venir passer quelques semaines au Vieux-Thann pour cette époque le travail sera tout à fait calme & nous causerons bien à notre aise de ce qu'il y a à faire pour l'avenir & pour ces questions, il faut bien un peu l'avis de tous & surtout de la bonne mère qui a un jugement si juste en toute chose. Mais nous parlerons de tout cela dans quelques jours.

Si tu devais encore prévoir de prolonger ton séjour tu voudras bien m'adresser une dépêche, le télégramme marche jusqu'ici, la dépêche nous arrive le même jour, tandis que les lettres mettent 2 & 3 jours.

Je pense toujours partir d'ici Mercredi mais peut-être seulement Jeudi. Je voyagerai la Nuit j'arriverai donc dans la matinée de Jeudi ou Vendredi. Je ne vois rien à faire à Paris cependant j'y passerai 2 à 3 journées.

Depuis que j'ai vu ma sœur[6] je n'ai pas de ses nouvelles & suppose qu'Edgar est rentré.

L'oncle nous a quitté pour aller à Wattwiller avec sa femme[7] et Jeanne[8] qui a été toute cette semaine souffrante, mais elle va mieux. Ils tenaient à aller voir les Stoecklin qui s'y trouvent réunis. Je ne sais s'il est rentré de bonne heure, je n'ai pas entendu la voiture. Mais le matin M. Jaeglé a été avec sa femme[9] dans la voiture [de chemin de fer] au bain & nous est revenu vers 11 h, nous disant que toutes les chambres sont occupées, qu'il n'y a plus de place pour bien du monde qui se trouve forcé de loger dans le village & que pour les bains l'on est forcé d'attendre son tour plusieurs heures. La société se trouve très bien composée dit-on.

Ma préoccupation du moment ce sont les élections[10] & tout en désirant me retirer & demandant aux électeurs de me laisser de côté, je crains l'abstention & voudrais au contraire en Alsace voir une toute autre démonstration ; car si nous nous opposons à notre vie communale l'on saura bien nous en donner une qui ne sera pas très paternelle ni gaie. Mais comme l'on n'y peut rien, que le raisonnement [est] généralement peu prisé, il faut bien attendre les évènements comme ils arrivent. Si je ne craignais pas une nouvelle perspective de mairie, j'accepterais le grade de conseiller. Mais du général j'en ai assez & ne me prêterai pas à un nouveau bail.

Je t'écrirai probablement encore demain soir ma dernière lettre & si je prévoyais ne pas pouvoir partir Jeudi je te le fais savoir.

J'avais d'abord l'intention de m'arrêter à Vesoul pour aller à Gray où nos balles ne sont toujours pas arrivées ; mais je suis un peu impatient de vous embrasser & laisse la chose. J'irai d'ici s'il le faut après mon retour. Le travail continue à bien aller ici nous terminerons facilement ce qui est chez moi & pourrai peut-être encore prendre quelques mille pièces en plus.

Tu voudras bien Embrasser Marie[11] pour moi & lui dire que j'ai reçu avec la tienne sa bonne lettre que je n'ai pas donnée à Léon pour bonne-maman. Un bon bec à Emilie[12] chérie & à tous nos chers

tout à toi

Charles M.

Pourvu que le vide que vous allez faire ne soit pas trop grand.


Notes

  1. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  2. Louis Daniel Constant Duméril.
  3. Léon Duméril.
  4. Georges Heuchel.
  5. Jeanne Target et son époux Jules Desnoyers.
  6. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  7. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  8. La petite Jeanne Heuchel.
  9. Marie Caroline Roth, épouse de Frédéric Eugène Jaeglé.
  10. Les élections municipales.
  11. Marie Mertzdorff.
  12. La petite Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 23 juillet 1871. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_23_juillet_1871&oldid=51751 (accédée le 22 décembre 2024).

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